Aliss de Patrick Sénécal : Un Voyage Entre Fascination et Répulsion

Un texte Alexia Ledoux

Crédit photo : Clovis Fecteau

Le roman Aliss de Patrick Sénécal est tout un récit. Même après y avoir réfléchi en profondeur, je n’arrive pas à déterminer s’il s’agit du meilleur livre que j’ai lu ou la plus grande atrocité. C’est l’histoire d’Aliss, une adolescente, qui décide de quitter le Cégep et de déménager à Montréal pour vivre de nouvelles expériences. Elle se perd dans une station de métro et découvre un quartier absurde, lançant un clin d’œil au récit d’Alice au pays des merveilles. 

Du moment où j’ai commencé ma lecture, je ne pouvais plus déposer ce livre. J’ai tout de suite été complètement enivré par l’univers créé par Sénécal. 

Décider de lire ce roman c’est d’assumer que l’on sera touché par son côté philosophique, mais également choqué et dégouté par sa perversité. Un roman m’a rarement fait vivre autant d’émotions, à certains moments je me réjouissais des nouveaux exploits accomplis par Aliss, alors qu’à d’autres, je souhaitais jeter le roman afin de l’anéantir. 

Cela étant dit, je me dois de mentionner qu’il aborde des thèmes sensible (scènes de viol, de violence et de torture graphique, de sexe et d’utilisation de drogues), ce qui pourrait ne pas plaire à tout le monde. En toute honnêteté, arrivée à la fin du roman, j’ai été un peu déçue de l’avoir terminé, bien que je sache que je n’aurais jamais le courage de le relire!

Libérer les villes : pour une réforme du monde municipal, un ouvrage à lire!

Crédit : Clovis Fecteau

Jeudi le 19 octobre dernier, Maxime Pedneaud-Jobin, maire de Gatineau de 2013 à 2021 ainsi que collaborateur à La Presse depuis août 2022 lançais son livre Libérer les villes : Pour une réforme du monde municipal à Montréal en présence de plusieurs mairesses et acteurs municipaux. 

Avec la publication de cet ouvrage, M. Pedneaud-Jobin compte persuader l’ensemble des acteurs politiques provinciaux au gouvernement et dans les oppositions de mener une réforme approfondie du secteur municipal, sans parler de fusions. Il espère mettre en lumière le rôle des municipalités dans nos sociétés, leur potentiel et leur difficulté. C’est spécifiquement une refonte de la fiscalité et du cadre légal des municipalités que demande l’ancien maire de Gatineau.

M. Pedneaud-Jobin base sont argumentaire sur le fait que les villes sont au premier rang sur plusieurs enjeux de société important, notamment l’environnement, les catastrophes naturelles, les crises du logement, l’accueille des immigrants, etc. Les municipalités sont le premier acteur sur la qualité de vie des citoyens, elles gèrent les déchets, l’eau potable et la majorité des infrastructures. 

L’auteur de Libérer les villes, toujours actif dans le milieu souligne avec enthousiasme le renouveau qui se fait sentir sur la scène municipale avec l’arrivée massive d’une nouvelle génération de responsables municipaux très engagée et désireuse de relever les défis actuels, tels que la lutte contre les changements climatiques, l’adaptation des infrastructures, la préservation de la culture et de la langue, et l’accueil des nouveaux arrivants. Ils aspirent également à davantage d’innovation, qui est limitée par le statut actuel de ces municipalités en tant que « créatures des provinces ».

Maxime Pedneaud-Jobin soutient que malgré cette énergie et ces idéaux, des changements significatifs ne peuvent se produire sans une réforme du cadre municipal. La fiscalité municipale obsolète, ne répond plus aux besoins actuels, et parfois nuit aux citoyens et aux entreprises. Le cadre légal actuel entrave l’innovation.

Dans son ouvrage il martèle que la réforme municipale est nécessaire pour toutes les villes, municipalités et villages du Québec. Il répète que le projet est ambitieux, oui, mais nécessaire et que les avantages potentiels en valent la peine. Dès les premières pages, il rappelle les évènements difficiles qu’à vécu la ville de Gatineau notamment lors des inondations en 2017. Il souligne que malgré la précieuse aides que l’armée canadienne à apporter, ils n’étaient que 70 soldats alors que 

« 900 employés municipaux, cols blancs et cols bleus à temps plein sur le terrain. Nos 2 000 autres employés travaillaient deux fois plus fort parce qu’une municipalité ne peut pas arrêter d’offrir ses services, même pendant une crise. La vraie armée, quand la guerre climatique s’engage, c’est celle des municipalités. L’argent dépensé, c’est celui des municipalités ».[1]

Crédit : Patrick Woodbury

Les villes occupent une place centrale dans l’amélioration de la qualité de vie, la protection des plus vulnérables, la promotion des arts, la résilience face aux crises, la lutte contre l’isolement des personnes âgées et des immigrants, ainsi que le renforcement de la démocratie.

« Libérer les villes du carcan dans lequel elles sont prises, c’est donner des ailes à tout le Québec. »

Maxime Pedneaud-Jobin

Libérer les villes est un ouvrage riche et abordable dans sa lecture qui nous renseigne sur ce pan méconnu de la politique québécoise pourtant si important.


[1] PEDNEAUD-JOBIN, Maxime, Libérer les villes : Pour une réforme du monde municipal, Gatineau, Éditions XYZ, 2023, p.10

Verity

Résumé : « Verity » est un roman à suspens doublé de romantisme écrit par Colleen Hoover. Lowen, une écrivaine peu connue est engagée pour achever la série de livre que la célèbre Verity Crawford ne peut pas finir dû à un accident de voiture qui lui a causé une paralysie. Elle décide donc d’emménager dans l’immense demeure familiale où le mari et la fils de Verity habitent encore. En fouillant dans le bureau de l’écrivaine, Lowen déterre des secrets qu’elle n’aurait jamais dû trouver. S’ajoute au fait que Jeremy et elle commencent à se rapprocher et que la malade lui fait une peur bleue. Réussira-t-elle à comprendre le mystère de Verity Crawford avant qu’il ne soit trop tard?

Mon avis : Tout d’abord, je tiens à dire que je ne soutiens pas les actions que l’autrice ai pu faire par le passé mais je souhaite dissocier le livre de l’autrice parce que somme toute, elle écrit de très bon livre. Bref, en général, je ne suis pas une fan des romans à suspens parce qu’ils m’empêchent de dormir la nuit mais « Verity » est un livre pour lequel je n’ai pas hésité à sacrifier mon sommeil. L’histoire d’amour m’a aussi permis de doser la quantité de « plot twist » par chapitre que je lisais et j’en suis très reconnaissante. Je crois que c’est l’un de mes livres préférés écrit par l’autrice puisque c’est un genre qu’elle a peu exploré mais qu’elle a merveilleusement bien rendue.

Oscar et la dame rose

Résumé : « Oscar et la dame rose » est un roman épistolaire écrit par Éric-Emmanuel Schmitt dans lequel un petit garçon est à l’hôpital parce qu’il a un cancer et qu’il ne lui reste plus beaucoup de temps à vivre. Il noue alors une amitié avec l’une des infirmières – dames roses – qui l’invite à jouer à un jeu : chaque jour que l’enfant passera sera pour lui 10 ans d’une vie. Ainsi, malgré le fait qu’il décédera bientôt, il aura tout de même vécu sa vie. On voit donc ces deux dernières semaines se transformer en années et comment le petit garçon a décidé d’en profiter le plus possible.

Mon avis : Éric-Emmanuel Schmitt est l’un de mes auteur préféré parce qu’il a le don de toucher chaque partie de mon cœur pendant ma lecture. « Oscar et la dame rose » m’a fait pleurer parce que tout au long du livre nous avons la perspective du petit garçon sur la façon dont il gère sa maladie et le compte à rebours qui trône au-dessus de sa tête. C’est un petit 99 pages qui se lit très bien mais qui vous marque à vie. Si vous cherchez un roman mignon, triste, et court, courrez à la bibliothèque parce que ce livre vous attends. C’est l’un de mes coup de cœur de cette année.

C’est le Québec qui est né dans mon pays

Un texte de Lila Houde

Résumé : « C’est le Québec qui est né dans mon pays » est un roman graphique écrit par Emmanuelle Dufour et qui raconte l’inexistence de lien entre les autochtones et les allochtones à travers plusieurs intervenants et membres de sa communauté. On peut donc avoir un nouveau point de vue sur plusieurs évènements qui ont eu lieu entre les premières nations du Québec et les colonisateurs.

Mon avis : J’ai bien aimé ce livre puisqu’au moment où je l’ai lu, je préparais un projet sur les premières nations. Il y avait beaucoup d’informations très pertinentes, et le format me permettait de ne pas perdre mon attention et de pouvoir me concentrer sur ce qui était important. C’est une bande dessinée documentaire donc évidemment ce n’est pas un livre pour « se divertir » mais davantage pour en apprendre plus et se sensibiliser sur l’histoire des autochtones. Somme toute, j’ai donné à ce livre 4 étoiles parce que je préfère les livres de fiction mais j’ai tout de même adoré.

Travaux manuels

Un texte de Lila Houde

Résumé : « Travaux manuels » est un recueil de nouvelles érotiques créé sous la direction de Stéphane Dompierre avec l’aide de 15 autres auteurs québécois. Les nouvelles sont toutes plus crues les unes que les autres, avec une façon de voir l’érotisme qui surpasse l’imagination. Ainsi, plusieurs auteurs comme Sarah-Maude Beauchesne, Sara Lazzaroni, Simon Boulerice, Mathieu Handfield, Maxime Olivier Moutier, Isabelle Laflèche et Ryad Assani-Razaki ont décidé de laisser leur genre habituel pour se plonger dans l’univers de l’érotisme le temps d’un livre. 

Mon avis : Chaque lecteur a un livre dont il ne pourra entendre aucune critique négative à son sujet et le mien, c’est « Travaux manuels ». Il est tout simplement inconcevable de ma part de ne pas aimer ce livre. Chaque nouvelle est étrange, drôle, gênante, sexy, bref c’est un cocktail molotov d’émotion. Ne vous y méprenez pas, certaines nouvelles m’ont laissé sur ma faim mais elles n’enlèvent rien à l’intégralité du livre. 

Au final, si vous avez envie de vous laisser tenter par un livre qui donne chaud, je vous le conseille. Si vous débutez dans cet univers, sachez que « Travaux manuels » est un livre de littérature érotique et donc qu’il y a une forme qu’on ne voit pas partout et qui peut ne pas plaire à tous.  

Taille de petit poids, par Léa Hains

L’océan 



Penser pour penser, 

Crier, hurler, être admirée, 

Tout ça pour s’oublier, ou ne pas se faire oublier,  

Laisser une trace, 

Être mémorable, 

S’octroyer une valeur imaginaire, 

Penser que les autres tiennent à nous, 

Effaçant ainsi notre valeur de mouche. 

 

Je suis qui moi? 

Qu’est-ce que je fais ici? 

Pourquoi tu tiens à moi? 

Pourquoi je tiens à toi? 

Est-ce que je pense à toi? 

Pourquoi j’en suis là? 

 

Je ne sais plus qui je suis, 

À trop vouloir de toi, le cœur en étoile, 

Mes rêves sont de passage, 

Je crois bien que je fais naufrage, 

À quoi bon écrire si ce n’est que pour être lue? 

À quoi bon penser si ce n’est que pour s’effacer? 

Et si je disparaissais, penserais-tu encore à moi? 

 

Mon âme est en naufrage, 

Mon cœur souffle des échos d’appel à l’aide, 

Je pourrais tout arrêter, 

Lever le doigt et rouvrir les yeux, 

Sortir, flâner, m’amuser, 

Exister aux yeux de mes amis, 

Et enfin mordre dans ma vie, 

Et enfin mordre dans ma vie, 

Mais je ne veux pas, je ne veux plus. 

 

Pars loin de moi, je m’en fous,  

Je ne sais plus qui je suis, je ne sais plus continuer ainsi,  

Je regarde ma vie passer, 

La renier me rassure, 

Y rêver me fait pleurer, 

Tic-tac, tic-tac, tic-tac, 

Toujours cette impression que le temps s’est arrêté, alors qu’il ne fait que filer,  

Je n’ai plus peur du noir, 

Je ne veux plus être une star, 

Je coule et j’ai peur, 

Danser me fige le sang, 

Je ne sais plus où aller, 

J’entends cette voix et on dirait que c’est l’océan, 

Le néant m’attend. 

Léa Hains, « Taille de petit poids », p.38 

Si vous voulez lire le reste de ce magnifique recueil de poésie écrit par Léa Hains, une étudiante au Cégep du Vieux-Montréal, le lancement de son livre se déroulera le samedi 11 novembre à La Finca café & marché local à partir de 17h.  

Le Choix de l’Otaku

Image du livre Moi, quand je me réincarne en slime de Fuse

Manga du mois : That Time I Got Reincarnated Into A Slime

Au Japon, les mangas sont ce que les bandes dessinées sont en Amérique du Nord. Leur seul particularité, c’est qu’ils sont très petits et qu’ils se lisent de droite à gauche. Cependant, ceux-ci peuvent parfois devenir très populaires et engendrer un succès tel, qu’on s’empresse de créer des adaptations cinématographiques ou des dessins animés. Ce manga de Taiki Kawakami, qui vous est proposé ce mois-ci, était originalement un roman de Fuse. Il s’intitule : « Le jour où j’ai été réincarné en slime ». Celui-ci va d’ailleurs voir sa première adaptation en film sortir au cinéma le 25 de ce mois.  On suit dans cette histoire les aventures de Satoru Mikami, salarié lambda tout à fait banal, qui après avoir été assassiné, se retrouve réincarné dans un autre monde. À son plus grand dam, il se retrouve dans le corps d’un slime, une créature à l’apparence gélatineuse qui est aussi le monstre le plus faible de tout le bestiaire fantastique. De plus, il n’obtient pour seuls attributs les capacités « Grand Sage » et « Prédateur ». Néanmoins, cette réincarnation fortuite marque le début d’une grande et palpitante aventure remplie de rebondissements et de fantaisie.

 Pour tout les fans de « sword-fantasy »,  ce manga, avec tous les éléments de fantaisie variés et recherchés ainsi que l’intrigue de l’histoire, vous plaira sans équivoque.  L’adaptation en anime est également excellente.

Si vous êtes intéressés par cette œuvre, sachez que le manga, les histoires dérivées et les romans associés sont en vente dans la plupart des libraires. De plus, les deux saisons du dessin animé sont disponibles sur toutes les plateformes de diffusions spécialisées. Alors restez à l’affut pour une prochaine critique littéraire. À bientôt pour une nouvelle chronique et bonne lecture!

« Ce livre ne s’adresse qu’à 0,00005% de la population »: la dernière de Bertrand Laverdure

Un livre qui a le potentiel de plaire à tous, c’est ce qu’on peut appeler une perle rare. De la réflexion sur le monde littéraire à la culture populaire, quelques séries de poèmes mènent jeunes comme aînés à la réflexion.

Une déclaration d’amour et d’amitié

Le livre est divisé en cinq sections, dont les quatre dernières s’adressent à quatre destinataires mentionnés dans l’ouvrage. En plus du titre, on peut avoir l’impression de ne pas être invité à lire la suite, pourtant, les poèmes sont parsemés de références tantôt amusantes, tantôt qui portent à réflexion.

La première partie, écrite en 2015 lors d’un séjour à Paris, traite de l’aspect commercial des livres. « Je parle de la rapidité avec laquelle on gobe les produits culturels, explique l’auteur, on a transformé tout le vocabulaire qu’on réservait à la littérature pour le marketing […] on dit ‘‘on consomme des livres’’, ‘‘on consomme la culture’’, on parle des chiffres de vente des livres. »

« On a oublié de réfléchir, de les appréhender de façon complexe, de lire en détail, de façon fine », déplore-t-il.

La deuxième section regroupe des poèmes écrits durant la pandémie sur Twitter accompagnés du mot-clic #covidpoèmes. Celui-ci a encouragé la participation de nombreux utilisateurs pendant plus de deux semaines avec pour but de leur donner la possibilité d’exprimer ce qu’ils vivaient.

La troisième rend hommage à l’amour entre colocataires. Inspiré par la relation avec sa « coloc », Gabrielle Boulianne-Tremblay, Bertrand Laverdure explore ce rapport en zone grise qui n’est, selon lui, « pas de l’amitié, pas de la camaraderie, mais qui est une sorte de bienveillance, une sorte d’amour platonique ».

La quatrième section présente une autre grande amitié, cette fois-ci avec l’artiste Gauthier Keyaerts qui a pris la photo de couverture. Les poèmes sont tirés de cartes postales échangées entre eux, Keyaerts habitant à Bruxelles. Ce n’est pas la première fois que le concept de poésie sur cartes postales apparaît dans les œuvres de Laverdure, qui a fait quelque chose de similaire avec son ami Charles Sagalane l’année dernière.

La cinquième section consiste en une suite de poèmes retenue comme demi-finaliste au Prix de poésie Radio-Canada 2020. Retenu pour la troisième fois, l’auteur est flatté : « de savoir que des lecteurs sous anonymat aiment ce que je fais, sachant que je change de style à chaque fois, qu’ils me choisissent parmi 800 ou 1 000 suites de poèmes, ça me fait un petit velours. »

Dans cette dernière partie, Bertrand Laverdure s’adresse aux femmes en situation d’itinérance à Montréal. Il se demande à quoi ressemblent leurs vies, et fréquentant souvent la station de métro McGill, s’inspire des personnes dans cette situation qu’il croise souvent à cet endroit.

Des références « pop »

L’auteur n’hésite pas à faire référence à la culture populaire et aux jeunes artistes qu’il admire. En effet, Billie Eilish et Timothée Chalamet ont fait couler l’encre dans la poésie québécoise.

L’image en couverture, prise dans une berge en Grande-Bretagne, est la figuration du milieu littéraire illustrée par le poète dans la première section : « c’est un petit milieu très fragile, écologique, où l’équilibre est instable. Moindrement qu’il y a de la pollution – commerciale, publicitaire ou économique – ça tombe. Moindrement qu’on pille dessus, qu’on est agressif, ça se décompose. Ça tient à des fils. »

Le livre est disponible en ligne, ainsi que dans plusieurs librairies. Faites vite, le livre est déjà parti en réimpression!

Cannes : Un festival mythique


Depuis l’an 2000, Marc Cassivi et Marc-André Lussier couvrent tous les deux le festival de Cannes. Pendant douze jours à chaque année, ils visionnent plusieurs films qui vont sortir en salle quelques mois plus tard et regardent une compétition qui, à la fin, va attribuer une récompense convoitée : la Palme d’or. Les deux journalistes publient un livre pour raconter leur festival, pour raconter « Cannes au XXIe ».

Dans ce livre dont le nom est doré s’inscrit sur la page couverture (un bel objet), les deux journalistes se remémorent les éditions des vingt dernières années. Ils n’ont sauté que celles de 2003 et 2020 (la COVID-19 a eu raison de cette dernière). Une sélection officielle a tout de même été faite. Ils ont couvert ensemble pendant plusieurs années, mais dorénavant, le festival est couvert en alternance. Cassivi une année, Lussier l’année d’après et ainsi de suite.  Cette année, cela sera au tour de ce dernier d’effectuer le voyage, dans un contexte (pour le moins) différent et incertain. Pourquoi Cannes en particulier ? Parce qu’une sélection à Cannes est beaucoup plus prestigieuse comparativement à celles des autres événements du même type comme à Venise ou Toronto.

En entrevue avec L’Exilé, les deux journalistes expliquent que l’idée derrière ce livre est de souligner le fait que depuis 20 ans, ils couvrent tous les deux le festival. Cela fait partie d’une « obsession des chiffres ronds », explique Marc Cassivi qui ajoute que c’est une « boucle intéressante à boucler ».
L’idée de raconter ce qu’ils ont vu depuis leurs débuts là-bas. Comme le décrit Marc-André Lussier, « bien des choses ont changé en vingt ans ». 

Vingt ans, c’est l’occasion de faire une rétrospection et de se demander ce qui a changé depuis deux décennies. Lussier affirme sans hésitation que les réseaux sociaux ont eu un effet déterminant sur la critique. Côté cinéma, l’arrivée de plateformes comme Netflix a fait changer les choses dans le milieu du cinéma. Un débat a par ailleurs déjà eu lieu il y a quelques temps à Cannes. Selon les règles de l’événement, un film faisant partie de la fameuse sélection officielle doit être obligatoirement être présenté en salle. Voir un film sur un grand écran, est une expérience qui est fortement différente comparativement au visionnement d’un film sur un ordinateur ou un écran de télévision. Rédigé par Marc Cassivi, le chapitre intitulé « La polémique Netflix », qui aborde l’édition de 2017, résume très bien toute l’histoire entourant ladite plateforme — histoire qui n’est pas encore terminée d’ailleurs. Cassivi croit que la pandémie marquera le milieu cinématographique, tant du côté du festival que dans l’industrie au sens large. Une question se pose même aujourd’hui : « Qu’est-ce qu’un film de cinéma maintenant? » 
Lussier cite, à titre d’exemple, Roma d’Alfonso Cuarón (2018) : « Cela a beau avoir été produit par Netflix, ça reste un grand film de cinéma même si la plupart des personnes l’ont vu sur la plateforme que sur grand écran. »

 « Il y a eu des années moins inspirantes que d’autres » affirme M. Cassivi. Les années où des films québécois — notamment ceux de Xavier Dolan — ont été sélectionnés l’ont beaucoup marqué. 2014, année où le film Mommy était présenté, s’est annoncé particulière : « Cela a été un film coup de cœur, c’est là qu’il s’est fait remarquer selon moi ». Présent lors de la projection, le journaliste a chronométré 12 minutes d’ovation. Il ajoute que la meilleure programmation qu’il a vue est celle de 2019, l’année du film Parasite de Bong Joon-ho notamment.  Marc-André Lussier souligne que Dolan, encore jeune et peu connu de la scène internationale à l’époque, a fait fureur dès 2009.  « Xavier sortait de nulle part et là il arrive avec son film. Il devient la coqueluche du festival ! C’est vraiment incroyable ! »

Une ambiance

Le livre permet également d’en savoir un peu plus sur ce festival prestigieux et sur l’ambiance qui y règne. « À Cannes, c’est particulier ! ». Côté journalistique, c’est un festival où « des journalistes peuvent donner leur avis vocalement ». Cela peut être un énorme silence à la fin d’une projection comme cela peut être une énorme ovation. Les deux journalistes ont un accès aux projections de presse et également aux projections officielles. Ils fréquentent principalement celles réservées à la presse, mais ils assistent également aux projections officielles dans des cas précis. Lorsque c’est un film québécois par exemple. Leur accréditation les aide beaucoup à accéder à ces dernières. Un passage du livre est consacré à la hiérarchie des « badges » qui existe au festival. Pour La Presse, le plus haut niveau de badge qui existe (le blanc) a été accordé à ses journalistes il y a quelques années maintenant puisque le média fréquente le festival depuis de nombreuses années. Bien avant le début des années 2000.

Il y a également les soirées auxquelles Marc Cassivi a surtout assisté. Ces soirées sont plus sélectes et le badge n’est pas du tout utile puisqu’une invitation y est obligatoire. Pour y assister, il faut développer des contacts. M. Cassivi dit qu’il ne s’est pas trop censuré dans le récit de ses soirées, certaines choses s’étant produites dans quelques de celles-ci ne se racontent pas trop dans un livre.

La population de Cannes est composée précisément de 73 965 personnes d’après les derniers chiffres sortis en 2018. C’est une petite ville tranquille au bord de l’eau et tout d’un coup, les limousines arrivent, les journalistes également. Selon les organisateurs du festival, ce sont plus de 4000 journalistes et de nombreux professionnels du cinéma qui sont présents à l’événement chaque année.  Lorsque toutes ces personnes arrivent, c’est signe que le festival de Cannes est commencé. Dans le cas des deux journalistes qui nous intéressent, ils arrivent 48 heures à l’avance. Pourquoi ? En 2006, Marc-André Lussier est arrivé le jour même de l’ouverture et une annonce de dernière minute est arrivée : un visionnement de presse du très attendu film Da Vinci code est organisé. À la dernière minute. Depuis, les deux Marc arrivent à l’avance pour éviter ces mauvaises surprises. À leur arrivée, ils voient une ville tranquille. Ils ont déjà vu l’installation du fameux tapis rouge. Le jour du palmarès, il y a beaucoup moins de monde. Après le palmarès, c’est le calme après la tempête : le tapis rouge se fait retirer, des personnes partent et Cannes retrouve son statut de ville tranquille… Pour 365 jours.

Un festival prestigieux

Créé en 1946, Cannes est aujourd’hui l’un des festivals de films les plus prestigieux au monde voire le plus prestigieux. « Je pense que ce qui fait sa particularité, c’est son caractère exclusif. Il y a à peine une cinquantaine de longs-métrages qui sont sélectionnés contrairement à Berlin ou à Toronto qui en sélectionnent 350. À Cannes, une sélection c’est très prestigieux par rapport aux autres festivals. Et ça l’est encore. » affirme Marc-André Lussier. Marc Cassivi, quant à lui, se questionne sur l’effet qu’aura la pandémie sur le circuit des festivals: « Je me demande dans quelle mesure les habitudes des gens auront changé. On a vu aux États-Unis cette semaine que le box-office va mieux. Dans quelle mesure, les plateformes auront pris encore plus de place et est-ce que Cannes va s’adapter ou est-ce que Cannes va continuer à être le dernier bastillon qui résiste à l’envahisseur des plateformes ? Cela risque d’avoir un impact sur son avenir. »

Notre avis

Cannes au XXIe est un livre très intéressant, enrichi par le regard de deux journalistes d’expérience œuvrant dans la section culturelle de La Presse. Si vous êtes cinéphile, ce livre est assurément pour vous. Le livre énumère leur regard de vingt éditions. Comme écrit plus haut, en vingt ans, les temps ont énormément changé. La passion des auteurs — l’un d’entre eux utilise même le thème officiel du festival comme sonnerie de téléphone — transparaît dans chaque chapitre, à la fin desquels on retrouve d’ailleurs le palmarès des films de l’édition. Bref, il s’agit d’une excellente occasion d’en savoir un peu plus sur ce mythique événement.

Cannes au XXIe 
Marc Cassivi et Marc-André Lussier 

Publié aux éditions Somme toute 
Disponible en librairie