Aliss de Patrick Sénécal : Un Voyage Entre Fascination et Répulsion

Un texte Alexia Ledoux

Crédit photo : Clovis Fecteau

Le roman Aliss de Patrick Sénécal est tout un récit. Même après y avoir réfléchi en profondeur, je n’arrive pas à déterminer s’il s’agit du meilleur livre que j’ai lu ou la plus grande atrocité. C’est l’histoire d’Aliss, une adolescente, qui décide de quitter le Cégep et de déménager à Montréal pour vivre de nouvelles expériences. Elle se perd dans une station de métro et découvre un quartier absurde, lançant un clin d’œil au récit d’Alice au pays des merveilles. 

Du moment où j’ai commencé ma lecture, je ne pouvais plus déposer ce livre. J’ai tout de suite été complètement enivré par l’univers créé par Sénécal. 

Décider de lire ce roman c’est d’assumer que l’on sera touché par son côté philosophique, mais également choqué et dégouté par sa perversité. Un roman m’a rarement fait vivre autant d’émotions, à certains moments je me réjouissais des nouveaux exploits accomplis par Aliss, alors qu’à d’autres, je souhaitais jeter le roman afin de l’anéantir. 

Cela étant dit, je me dois de mentionner qu’il aborde des thèmes sensible (scènes de viol, de violence et de torture graphique, de sexe et d’utilisation de drogues), ce qui pourrait ne pas plaire à tout le monde. En toute honnêteté, arrivée à la fin du roman, j’ai été un peu déçue de l’avoir terminé, bien que je sache que je n’aurais jamais le courage de le relire!

Les cours de littérature : un cours pour apprendre « à lire » ou à aimer lire?

Crédit : Romane Thibodeau

J’ai beau aimer la littérature, l’écrire comme la lire, or le programme collégial, m’horripile tellement je le trouve terriblement peu attrayant. Et je ne semble pas être le seul… Quelques profs (également auteurs et poètes) avec qui j’ai pu échangé sur le sujet semblaient partager ce malaise… surtout vis-à-vis l’analyse – souvent défendu ardemment pas des enseignants qui n’écrivent pas (ou peu) – qui dénaturerait l’œuvre, rien d’encourageant. 

Propos également partagés dans un ouvrage fort intéressant : « Lettre à mes collègues sur l’enseignement de la littérature et de la philosophie au collégial » qui a réactivé la petite roue de ma réflexion sur l’enjeu. D’ailleurs, je vous recommande cette petite lecture!

Je ne cacherai pas l’opinion peu flatteuse que je porte à l’encontre du programme, et je dis bien du programme, car de littérature je me gave. Mais quelle platitude que de se faire imposer un ouvrage et d’en analyser les plus profonds et inusités sens cachés dans la forme. Certes, la forme, j’en conviendrai est intéressante à analyser, mais devrait-on en faire pour autant le centre du cours? Un poète se questionne-t-il des heures durant à savoir quelle métaphore ou quel procédé littéraire serait le plus approprié pour refléter sa pensé? Certains oui, d’autres non. Alors, est-il raisonnable d’appliquer la même grille d’analyse pour toutes les œuvres? J’en doute fort, surtout que la plupart des auteurs ou poètes étudiés sont décédés (impossibilité alors de corroboré ou confirmer telles ou telles interprétations), bien que je ne sois pas expert.

Et c’est peut-être ça qui m’empêche de comprendre cette obstination du programme à nous enfermer dans ce carcan de l’analyse de forme, certes pertinente, mais complètement insensée, selon moi, lorsqu’appliquée à certaines œuvres. Je ne prétends pas être un expert et d’avoir la réponse absolue. Toutefois, je crois soulever des questions partagées par plusieurs de mes pairs, car je le vois bien, dans mes cours, le faible niveau de motivation, déjà bien bas pour ceux qui sont d’emblés réticents à ‘la littérature », mais également chez ceux qui nourrissent envers celle-ci un certain intérêt.

Effectivement, il est difficile de ne pas reconnaître que ces cours découragent plus qu’ils n’invitent à la découverte. L’atmosphère souvent pesante, les exigences rigides et les œuvres considérées comme des incontournables que l’on semble vouloir nous faire apprécier à tout prix peuvent avoir un effet démobilisateur. Plutôt que d’inciter à la curiosité et à l’apprentissage, ces cours semblent axés sur la simple mémorisation et connaissance de faits.

Oui, le but de la formation générale collégiale est de fournir des connaissances de bases communes à la plus grande majorité de la population. Objectif louable, certes, mais en pratique beaucoup plus difficile à accomplir. Très peu d’enseignants de littérature choisiront les mêmes ouvrages (les classiques étant innombrables).

Les programmes actuels, souvent centrés sur des classiques jugés « intouchables », ne favorisent pas l’épanouissement de la curiosité intellectuelle. Les étudiants se retrouvent souvent pris dans un pilori académique, contraints d’assimiler des informations plutôt que de les appréhender avec intérêt. L’idée de choisir des œuvres plus accessibles pourrait être une réponse à ce découragement, mais « baisser le niveau » est-il vraiment ce que l’on cherche?

Le manque de flexibilité et d’ouverture à des thèmes contemporains ou « différents » peut aussi contribuer à cette perception négative. Les cours semblent parfois figés dans des approches traditionnelles, négligeant les multiples facettes de la littérature et de la philosophie qui pourraient captiver.

L’apprentissage devrait être une aventure stimulante. Or, les cours de littérature au collégial, tels qu’ils sont conçus, semblent transformer cette aventure en un parcours monotone, essentiel à repenser le fonctionnement afin qu’il devienne une source d’inspiration, suscitant la passion et l’enthousiasme plutôt que de décourager par ses méthodes et contenus hostiles à toute flexibilité. Continuons d’offrir une certaine base de connaissances communes sur les grands mouvements et auteurs, mais également, et principalement, attisons la curiosité et la créativité, et ce, notamment par davantage de rédactions de différentes formes, plus souples et nettement plus agréables.

Combien d’étudiants rédigeront dans leur « vie d’adulte » une dissertation critique ou une analyse littéraire, versus ceux qui auront à rédiger (et surtout lire) des rapports, lettres, essais, articles…?

La littérature est importante, je la chéris et elle devrait être davantage appréciée, mais le programme a plutôt l’effet inverse en étant devenu un mal nécessaire. Et bien que tous devraient en lire, les aider à choisir ce qui les intéresse est bien plus utile et forme de bien meilleurs citoyens qui devront plus tard participer à la vie politique et choisir leurs représentants.

Libérer les villes : pour une réforme du monde municipal, un ouvrage à lire!

Crédit : Clovis Fecteau

Jeudi le 19 octobre dernier, Maxime Pedneaud-Jobin, maire de Gatineau de 2013 à 2021 ainsi que collaborateur à La Presse depuis août 2022 lançais son livre Libérer les villes : Pour une réforme du monde municipal à Montréal en présence de plusieurs mairesses et acteurs municipaux. 

Avec la publication de cet ouvrage, M. Pedneaud-Jobin compte persuader l’ensemble des acteurs politiques provinciaux au gouvernement et dans les oppositions de mener une réforme approfondie du secteur municipal, sans parler de fusions. Il espère mettre en lumière le rôle des municipalités dans nos sociétés, leur potentiel et leur difficulté. C’est spécifiquement une refonte de la fiscalité et du cadre légal des municipalités que demande l’ancien maire de Gatineau.

M. Pedneaud-Jobin base sont argumentaire sur le fait que les villes sont au premier rang sur plusieurs enjeux de société important, notamment l’environnement, les catastrophes naturelles, les crises du logement, l’accueille des immigrants, etc. Les municipalités sont le premier acteur sur la qualité de vie des citoyens, elles gèrent les déchets, l’eau potable et la majorité des infrastructures. 

L’auteur de Libérer les villes, toujours actif dans le milieu souligne avec enthousiasme le renouveau qui se fait sentir sur la scène municipale avec l’arrivée massive d’une nouvelle génération de responsables municipaux très engagée et désireuse de relever les défis actuels, tels que la lutte contre les changements climatiques, l’adaptation des infrastructures, la préservation de la culture et de la langue, et l’accueil des nouveaux arrivants. Ils aspirent également à davantage d’innovation, qui est limitée par le statut actuel de ces municipalités en tant que « créatures des provinces ».

Maxime Pedneaud-Jobin soutient que malgré cette énergie et ces idéaux, des changements significatifs ne peuvent se produire sans une réforme du cadre municipal. La fiscalité municipale obsolète, ne répond plus aux besoins actuels, et parfois nuit aux citoyens et aux entreprises. Le cadre légal actuel entrave l’innovation.

Dans son ouvrage il martèle que la réforme municipale est nécessaire pour toutes les villes, municipalités et villages du Québec. Il répète que le projet est ambitieux, oui, mais nécessaire et que les avantages potentiels en valent la peine. Dès les premières pages, il rappelle les évènements difficiles qu’à vécu la ville de Gatineau notamment lors des inondations en 2017. Il souligne que malgré la précieuse aides que l’armée canadienne à apporter, ils n’étaient que 70 soldats alors que 

« 900 employés municipaux, cols blancs et cols bleus à temps plein sur le terrain. Nos 2 000 autres employés travaillaient deux fois plus fort parce qu’une municipalité ne peut pas arrêter d’offrir ses services, même pendant une crise. La vraie armée, quand la guerre climatique s’engage, c’est celle des municipalités. L’argent dépensé, c’est celui des municipalités ».[1]

Crédit : Patrick Woodbury

Les villes occupent une place centrale dans l’amélioration de la qualité de vie, la protection des plus vulnérables, la promotion des arts, la résilience face aux crises, la lutte contre l’isolement des personnes âgées et des immigrants, ainsi que le renforcement de la démocratie.

« Libérer les villes du carcan dans lequel elles sont prises, c’est donner des ailes à tout le Québec. »

Maxime Pedneaud-Jobin

Libérer les villes est un ouvrage riche et abordable dans sa lecture qui nous renseigne sur ce pan méconnu de la politique québécoise pourtant si important.


[1] PEDNEAUD-JOBIN, Maxime, Libérer les villes : Pour une réforme du monde municipal, Gatineau, Éditions XYZ, 2023, p.10

Verity

Résumé : « Verity » est un roman à suspens doublé de romantisme écrit par Colleen Hoover. Lowen, une écrivaine peu connue est engagée pour achever la série de livre que la célèbre Verity Crawford ne peut pas finir dû à un accident de voiture qui lui a causé une paralysie. Elle décide donc d’emménager dans l’immense demeure familiale où le mari et la fils de Verity habitent encore. En fouillant dans le bureau de l’écrivaine, Lowen déterre des secrets qu’elle n’aurait jamais dû trouver. S’ajoute au fait que Jeremy et elle commencent à se rapprocher et que la malade lui fait une peur bleue. Réussira-t-elle à comprendre le mystère de Verity Crawford avant qu’il ne soit trop tard?

Mon avis : Tout d’abord, je tiens à dire que je ne soutiens pas les actions que l’autrice ai pu faire par le passé mais je souhaite dissocier le livre de l’autrice parce que somme toute, elle écrit de très bon livre. Bref, en général, je ne suis pas une fan des romans à suspens parce qu’ils m’empêchent de dormir la nuit mais « Verity » est un livre pour lequel je n’ai pas hésité à sacrifier mon sommeil. L’histoire d’amour m’a aussi permis de doser la quantité de « plot twist » par chapitre que je lisais et j’en suis très reconnaissante. Je crois que c’est l’un de mes livres préférés écrit par l’autrice puisque c’est un genre qu’elle a peu exploré mais qu’elle a merveilleusement bien rendue.

Oscar et la dame rose

Résumé : « Oscar et la dame rose » est un roman épistolaire écrit par Éric-Emmanuel Schmitt dans lequel un petit garçon est à l’hôpital parce qu’il a un cancer et qu’il ne lui reste plus beaucoup de temps à vivre. Il noue alors une amitié avec l’une des infirmières – dames roses – qui l’invite à jouer à un jeu : chaque jour que l’enfant passera sera pour lui 10 ans d’une vie. Ainsi, malgré le fait qu’il décédera bientôt, il aura tout de même vécu sa vie. On voit donc ces deux dernières semaines se transformer en années et comment le petit garçon a décidé d’en profiter le plus possible.

Mon avis : Éric-Emmanuel Schmitt est l’un de mes auteur préféré parce qu’il a le don de toucher chaque partie de mon cœur pendant ma lecture. « Oscar et la dame rose » m’a fait pleurer parce que tout au long du livre nous avons la perspective du petit garçon sur la façon dont il gère sa maladie et le compte à rebours qui trône au-dessus de sa tête. C’est un petit 99 pages qui se lit très bien mais qui vous marque à vie. Si vous cherchez un roman mignon, triste, et court, courrez à la bibliothèque parce que ce livre vous attends. C’est l’un de mes coup de cœur de cette année.

C’est le Québec qui est né dans mon pays

Un texte de Lila Houde

Résumé : « C’est le Québec qui est né dans mon pays » est un roman graphique écrit par Emmanuelle Dufour et qui raconte l’inexistence de lien entre les autochtones et les allochtones à travers plusieurs intervenants et membres de sa communauté. On peut donc avoir un nouveau point de vue sur plusieurs évènements qui ont eu lieu entre les premières nations du Québec et les colonisateurs.

Mon avis : J’ai bien aimé ce livre puisqu’au moment où je l’ai lu, je préparais un projet sur les premières nations. Il y avait beaucoup d’informations très pertinentes, et le format me permettait de ne pas perdre mon attention et de pouvoir me concentrer sur ce qui était important. C’est une bande dessinée documentaire donc évidemment ce n’est pas un livre pour « se divertir » mais davantage pour en apprendre plus et se sensibiliser sur l’histoire des autochtones. Somme toute, j’ai donné à ce livre 4 étoiles parce que je préfère les livres de fiction mais j’ai tout de même adoré.

Travaux manuels

Un texte de Lila Houde

Résumé : « Travaux manuels » est un recueil de nouvelles érotiques créé sous la direction de Stéphane Dompierre avec l’aide de 15 autres auteurs québécois. Les nouvelles sont toutes plus crues les unes que les autres, avec une façon de voir l’érotisme qui surpasse l’imagination. Ainsi, plusieurs auteurs comme Sarah-Maude Beauchesne, Sara Lazzaroni, Simon Boulerice, Mathieu Handfield, Maxime Olivier Moutier, Isabelle Laflèche et Ryad Assani-Razaki ont décidé de laisser leur genre habituel pour se plonger dans l’univers de l’érotisme le temps d’un livre. 

Mon avis : Chaque lecteur a un livre dont il ne pourra entendre aucune critique négative à son sujet et le mien, c’est « Travaux manuels ». Il est tout simplement inconcevable de ma part de ne pas aimer ce livre. Chaque nouvelle est étrange, drôle, gênante, sexy, bref c’est un cocktail molotov d’émotion. Ne vous y méprenez pas, certaines nouvelles m’ont laissé sur ma faim mais elles n’enlèvent rien à l’intégralité du livre. 

Au final, si vous avez envie de vous laisser tenter par un livre qui donne chaud, je vous le conseille. Si vous débutez dans cet univers, sachez que « Travaux manuels » est un livre de littérature érotique et donc qu’il y a une forme qu’on ne voit pas partout et qui peut ne pas plaire à tous.  

Jeremy Shaw: Au-delà de l’expérience humaine 

Un texte d’Éléonore Ines

Affiche promotionnelle pour l’exposition au centre Plygon. Crédit: Éléonore Ines

Le Musée d’Art contemporain de Montréal présenta dernièrement son nouveau calendrier culturel, affichant ce qu’il a à nous offrir dans les mois à venir, commençant par l’expérience PHASE SHIFTING INDEX, installation de l’artiste canadien Jeremy Shaw. 

L’exposition, qui fut créée pour le centre Pompidou à Paris, réside actuellement à la galerie Polygon de Vancouver, et ce, jusqu’au 24 septembre. Elle sera ensuite présentée par le MAC du 12 décembre 2023 au 25 février 2024 dans les locaux de la Fonderie Darling (les locaux temporaires du MAC à la place Ville-Marie ne permettant pas d’accommoder une installation d’une telle envergure). La présentation nord-américaine de PHASE SHIFTING INDEX nous est présentée en collaboration par la galerie Polygon et le Musée d’art contemporain de Montréal, commissionnée pour le MAC par John Zeppetelli et Raphaëlle Cormier. 

Il est difficile de s’approprier quelque chose qui n’existe pas. C’est pourtant ce qui définit le génie de l’artiste. Né à Vancouver et aujourd’hui basé à Berlin, Jeremy Shaw est un artiste visuel qui explore différentes pratiques transcendantes à travers un angle technologique et multidisciplinaire. En s’attardant sur la question métaphysique du principe moderne de la réalité, Shaw propose au public une expérience immersive dans une culture parascientifique dépassant le statut actuel de la connaissance et de la compréhension humaines. 

Le projet explore, à travers le phénomène des subcultures, notre obsession intemporelle envers le principe de la transcendance. L’installation met en scène 7 grands écrans sur lesquels sont présentées sept vidéos d’une durée de 36 minutes qui jouent ensemble, en boucle, fusionnant en créant une synergie électrisante. Les visuels sont accompagnés d’une bande sonore poignante, composée par le DJ canadien Konrad Black.  

Les courts-métrages présentent chacun une troupe de danse fictive qui utilise, à travers leur pratique respective, le corps physique comme un outil afin d’évoluer vers un état métaphysique. Ces groupes de danse possèdent des valeurs et des idéologies différentes. Cependant, c’est l’utilisation du corps comme vaisseau qui unit ces individus et qui crée une subculture fictive dépassant la nécessité de frontières temporelles et physiques. Bien que cela peut sembler contradictoire, le résultat concret laisse l’auditeur s’imaginer qu’il est en train d’écouter un documentaire. Or le tout est orchestré par l’artiste qui réussit à tester notre perception de la réalité en créant tout simplement une fausse réalité. 

Pendant qu’on est distrait par la myriade hypnotisante des danseurs artificiels, notre cerveau assimile certaines informations qu’on ne prend pas la peine de remettre en question. Nos cinq sens, naïfs, sont trahis par leur stimulation immédiate et la perception de l’auditeur concernant ce qui se trouve devant lui est définie par une illusion imposée par l’artiste. Le développement de cette réalité paradoxale est tissé à travers plusieurs repères culturels qu’on associe à une certaine époque. L’utilisation de médiums délaissés (pellicule 16 mm, VHS, Hi-8) vient instaurer un sentiment de familiarité chez l’auditeur, qui associe inconsciemment le contenu visuel à une époque qu’il connaît. Les costumes, inspirés de différentes modes des années 60-90, contribuent également à la création d’une narrative que le public reconnait, à laquelle il peut s’associer. Or, l’important ici est que cette narrative est créée, justement, par le public. Les repères de l’auditeur sont stimulés dans le but d’exploiter sa naïveté. La construction de cette réalité parallèle par l’artiste sert à créer un sentiment de confort, du connu, avec l’unique but de pouvoir venir déconstruire cette même narrative. En effet, il faut être confortable pour pouvoir devenir inconfortable. Dès que l’artiste vient vouloir briser cette narrative, on bascule vers une pratique plus contemporaine, s’apprêtant à des rendus technologiques qui viennent littéralement transcender les contraintes de l’existence des acteurs dans un monde physique.  

Je n’en dirai pas plus, partiellement car je ne saurais le faire. On pourrait croire qu’il est impossible d’illustrer visuellement un phénomène qui est défini par son existence à l’extérieur d’une réalité physique et temporelle. J’ose croire que Shaw réussira à changer votre avis. 

La présentation est mise en scène dans une grande pièce, grise dans sa totalité, où l’on ne perçoit que les 7 écrans et quelques bancs, également gris, mis à la disposition du public. Immergé dans ce cocon, le public se retrouve soudainement déconnecté de ce qui ne se trouve pas directement devant lui. Prévoyez pour votre visite une plage horaire suffisante, car il est indispensable pour l’auditeur de vivre la présentation de 36 minutes dans sa totalité. 


Un aperçu de l’exposition est disponible sur le site du compositeur Konrad Black (vidéo de 6 minutes);  https://www.konradblack.com/phase-shifting-index

Ne manquez pas le passage de PHASE SHIFTING INDEX au MAC dès le 12 décembre.  https://macm.org/expositions/jeremy-shaw/

L’improvisation, une discipline loin d’être improvisée

Sous les projecteurs de l’Exode : Retour aux origines de l’improvisation théâtrale, de la Grèce Antique à la naissance des matchs d’impro au Québec.

Étant donné la place qu’occupe l’improvisation dans la culture québécoise et dans celle du Cégep, quoi de plus pertinent que de vous présenter les origines de cette facette du théâtre plus qu’intéressante. 

Il faut d’abord reconnaitre que ses origines sont nombreuses et que l’époque de départ de cet art est plutôt floue. En effet, si nous considérons l’improvisation seulement comme un verbe/une action, on peut dire qu’elle existe depuis la préhistoire, lorsque les hommes contaient leurs aventures de chasse – et donc que l’improvisation n’a pas vraiment une date de début. Cependant, si l’impro est perçue comme un art annexé, voire dépendant, du théâtre, on commence plutôt lors de la Grèce Antique ou même grâce à Molière. Il faudra attendre le 20e siècle en Amérique[1] pour considérer les « matchs d’improvisation » comme une discipline sérieuse. 

Disons que nous laissons de côté la préhistoire pour nous concentrer sur ce qui nous intéresse vraiment : l’improvisation théâtrale. Elle apparut environ deux siècles av. J-C dans la Grèce Antique. Les pièces de théâtre faisant partie du quotidien des Grecs de l’époque, l’improvisation à l’aide d’un « canevas » devient de plus en plus populaire. L’idée est reprise ensuite par les Romains au Moyen-Âge qui utilisent l’improvisation dans les universités pour encourager les étudiants à entretenir des joutes verbales pour défendre leurs opinions et leurs convictions. Lors de la Renaissance italienne, on voit naître la « Commedia Dell’arte » qui est tout simplement l’ancêtre direct de l’improvisation. Des troupes font le tour de l’Europe, des spectacles sont organisés et elles commencent à devenir populaires. C’est au XVIe siècle que le terme « improvisation » qui signifie « chanter ou composer, sans action préalable » – en latin imprōvīsu – circule sur les bouches des Européens[2]. En revanche, l’improvisation demeure un art et non un sport ou une activité compétitive.

Vers le XXe siècle, l’improvisation traverse l’océan pour se retrouver aux États-Unis. Celle-ci est vraiment reconnue comme un art à part entière et pas seulement comme une simple branche du théâtre. Elle devient tellement populaire que, dans les années 1970, des Québécois vont jusqu’aux États-Unis pour voir des spectacles et ramènent leurs expériences dans notre chère province. Pour ajouter une touche québécoise, ils l’adaptent pour que ça devienne un sport se basant sur les règles et les appellations du hockey sur glace (patinoires, maillots, pénalités, équipes, points, etc.) et c’est ainsi que Robert Gravel et Yvon Leduc fondent la LNI (Ligue Nationale d’Improvisation du Québec) en octobre 1977. Ils partagent leur nouvelle création avec leurs cousins, les Français qui adoptent rapidement les matchs d’improvisation et fondent leurs propres équipes[3].

Le principe des matchs d’impro est très simple. Deux équipes de six joueurs, chacun portant un maillot de style hockey, s’affrontent sur un terrain délimité appelé patinoire. L’arbitre – habillé en arbitre de hockey – est chargé de comptabiliser les points, d’énoncer les catégories et de faire respecter les règles. Chaque improvisation est caractérisée par un thème et une forme spécifique. Les éléments variables sont donc : la nature (mixte ou comparée), le titre, la quantité de joueurs, la catégorie et la durée. Les deux équipes ont un caucus de 20 secondes pour légèrement planifier leur sketch, puis la performance a lieu. Une fois l’impro terminée, le public vote pour l’équipe qui a le mieux performé selon lui et l’équipe ayant obtenu la majorité des votes emporte le point. Finalement, les matchs d’improvisations sont un mélange de théâtre, de hockey et, évidemment, d’improvisation[4].

Aujourd’hui, bien que les Français aient mis de côté les matchs pour laisser la place aux improvisations longues et aux scènes organisées, l’impro appartient à la culture québécoise. Elle est désormais ancrée dans son histoire et en fait partie intégrante. En effet, rares sont ceux qui n’en ont jamais vu ou fait et j’espère pour vous que vous ne faites pas partie de cette catégorie, parce que, selon moi, vous passez à côté de quelque chose de génial!

Bref, si c’est malheureusement votre cas, ou si vous voulez juste venir profiter d’un super spectacle, le Cégep vous offre des soirées d’improvisation tous les mercredis soirs à partir de 20h à l’Exode pour venir encourager nos équipes. Les équipes sont incroyables et le public l’est tout autant donc venez en faire partie!


[1] « Qu’est-ce que l’impro? » foirhttps://www.foir.ch/explications

[2] « Les origines de l’improvisation théâtrale ». tadam-improvisation, 2022, https://www.tadam-impro.fr/blogs/news/origines-improvisation-theatrale

[3] « Le match d’improvisation, de ses origines à aujourd’hui ». Tribuhttps://www.tribu-talent.com/le-match-dimprovisation-de-ses-origines-a-aujourdhui/

[4] « Match improvisation ». Wikipedia, 16 août 2023. Wikipediahttps://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Match_d%27improvisation&oldid=206972154.

Taille de petit poids, par Léa Hains

L’océan 



Penser pour penser, 

Crier, hurler, être admirée, 

Tout ça pour s’oublier, ou ne pas se faire oublier,  

Laisser une trace, 

Être mémorable, 

S’octroyer une valeur imaginaire, 

Penser que les autres tiennent à nous, 

Effaçant ainsi notre valeur de mouche. 

 

Je suis qui moi? 

Qu’est-ce que je fais ici? 

Pourquoi tu tiens à moi? 

Pourquoi je tiens à toi? 

Est-ce que je pense à toi? 

Pourquoi j’en suis là? 

 

Je ne sais plus qui je suis, 

À trop vouloir de toi, le cœur en étoile, 

Mes rêves sont de passage, 

Je crois bien que je fais naufrage, 

À quoi bon écrire si ce n’est que pour être lue? 

À quoi bon penser si ce n’est que pour s’effacer? 

Et si je disparaissais, penserais-tu encore à moi? 

 

Mon âme est en naufrage, 

Mon cœur souffle des échos d’appel à l’aide, 

Je pourrais tout arrêter, 

Lever le doigt et rouvrir les yeux, 

Sortir, flâner, m’amuser, 

Exister aux yeux de mes amis, 

Et enfin mordre dans ma vie, 

Et enfin mordre dans ma vie, 

Mais je ne veux pas, je ne veux plus. 

 

Pars loin de moi, je m’en fous,  

Je ne sais plus qui je suis, je ne sais plus continuer ainsi,  

Je regarde ma vie passer, 

La renier me rassure, 

Y rêver me fait pleurer, 

Tic-tac, tic-tac, tic-tac, 

Toujours cette impression que le temps s’est arrêté, alors qu’il ne fait que filer,  

Je n’ai plus peur du noir, 

Je ne veux plus être une star, 

Je coule et j’ai peur, 

Danser me fige le sang, 

Je ne sais plus où aller, 

J’entends cette voix et on dirait que c’est l’océan, 

Le néant m’attend. 

Léa Hains, « Taille de petit poids », p.38 

Si vous voulez lire le reste de ce magnifique recueil de poésie écrit par Léa Hains, une étudiante au Cégep du Vieux-Montréal, le lancement de son livre se déroulera le samedi 11 novembre à La Finca café & marché local à partir de 17h.