Un projet qui pourrait changer la donne, surtout pour les personnes en situation d’itinérance

Le dossier de l’itinérance est lourd à Montréal, toutefois, une étudiante aurait peut-être trouvé une façon de l’alléger. Son projet pourrait aussi servir dans les hôpitaux, dans les écoles postsecondaires et dans les aéroports.

Conçu par Emmanuelle Tessier, une étudiante à la Polytechnique Montréal, l’Abri Pliable, Permanent à Utilisation Intérimaire (APPUI) est un banc-lit accessible dans les lieux publics (parcs, corridors sous-terrain, etc.), dans les hôpitaux, dans les établissements d’études supérieures et dans les aéroports ou aux alentours de ceux-ci.

Une autre étudiante, Camille Gendreau, l’accompagnait dans la réalisation du projet, mais elle s’est retirée il y a quelques mois. « On s’entendait bien […], mais on a eu des malentendus, entre autres sur la propriété intellectuelle », raconte Emmanuelle Tessier.

APPUI a de l’avenir

Selon une estimation du gouvernement du Québec de 2018, 5 789 personnes se trouvaient en situation d’itinérance visible dont 845 dans des lieux extérieurs. 80 % de ces 845 personnes étaient à Montréal, une réalité mise en lumière lors de la pandémie.

Dans un résumé du projet, Emmanuelle Tessier souligne qu’il est fréquent de voir dans les hôpitaux les proches des patients attendre à leurs chevets. APPUI est le genre d’initiative qui pourrait faciliter cette expérience stressante.

L’attente peut également être longue dans les aéroports, surtout pour les parents voyageant avec des enfants. Pour ce qui est du postsecondaire, le manque de sommeil des étudiants est un enjeu assez flagrant. En 2018, Statista a démontré des chiffres inquiétants sur ce phénomène en France qu’APPUI pourrait contrer en permettant de se reposer dans l’enceinte du campus.

« Le docteur Olivier Farmer qui est un spécialiste en itinérance […] trouvait que c’était ingénieux et qu’il y a clairement un besoin pour ça. » Emmanuelle Tessier se réjouit de l’intérêt de la communauté itinérante envers son projet, car elle croit qu’« une fois que c’est accepté par [cette communauté], ça va être plus facile de le faire accepter socialement ».

Au Cégep, Emmanuelle Tessier étudiait dans le programme Science de santé et formation, alors APPUI n’était qu’un projet dans un cours optionnel d’architecture. Cela ne l’a toutefois pas empêchée d’avoir du succès.

Avant que le projet emporte des prix à la compétition « Expo-sciences Hydro-Québec 2021 », le Collège Jean-de-Brébeuf l’avait sélectionné pour représenter l’établissement à la compétition d’architecture internationale professionnelle Laka. « C’est vraiment une compétition pour des architectes professionnels, donc on n’a rien gagné là », dit l’étudiante. Malgré cela, elle dit avoir reçu des commentaires positifs en lien avec son jeune âge et sa capacité à concevoir un tel projet.

Le projet est actuellement en instance de brevet. « Un brevet, c’est une propriété intellectuelle qui fait que si tu l’obtiens, t’as les droits absolus pendant [un maximum de 20 ans] sur la production, la vente et l’utilisation de ton invention, explique-t-elle, même si le but n’est pas de faire du profit dessus, c’est important d’avoir les crédits. »

L’impact écologique

Bouches d’aération, chaleur et espace, Emmanuelle Tessier a pensé à tout. Elle examine la possibilité d’ajouter un port USB et une petite fenêtre pour des raisons de sécurité et pour les personnes claustrophobes. « J’étais vraiment confortable dans le prototype. Je pouvais être couchée et avoir le bras déplié en touchant à peine le plafond », assure-t-elle.

Pour des raisons de sécurité, les matériaux utilisés sont principalement de l’acrylique renforcée par de la fibre de verre. Cela oblige l’utilisation de moules coûtant environ 100 000$, ce qui représente un défi majeur de financement et, alors, de production. Une cagnotte GoFundMe existe pour soutenir le projet.

« [L’environnement], c’est un peu un critère va-et-vient, parce qu’à un moment donné, il faut choisir ses batailles. D’un point de vue écologique, on est un peu avantagé parce que les panneaux de plexiglas utilisés pour la COVID, c’est de l’acrylique. » Emmanuelle Tessier explique que ces panneaux deviendront inutiles, ce qui lui donnera la chance de les réutiliser : « C’est un produit qui, techniquement, fait partie de la liste des produits recyclables. »

Une invitation lancée aux artistes

La structure permettrait aux artistes locaux de se servir de l’extérieur comme canevas pour obtenir plus de visibilité. « Je ne cherche pas à leur imposer un mobilier non plus, s’il y en a qui veulent dessiner dessus [je suis à 100% avec eux], explique Emmanuelle Tessier, tu peux peindre dessus avec un type de peinture particulier, et ça se nettoie aussi ».

Occupée par la pandémie, la Ville de Montréal n’a pas voulu donner suite à la demande d’entrevue sur APPUI. Toutefois, elle a mentionné dans un courriel que « le budget annuel dédié à l’itinérance a été doublé pour 2022 ». Il reste à voir si APPUI fera un jour partie des récipiendaires de ce budget.