Par Édouard Bernier-Thibault
Les dix ans du printemps érable ainsi que la mobilisation des étudiantes et étudiants durant ces dernières semaines nous forcent à reconsidérer, entre autres, le projet de la gratuité scolaire. Après avoir été le sujet de débat par excellence en 2012, il me semble qu’on entend beaucoup moins parler de la question de l’accès à l’éducation.

Pourtant, l’évolution et la situation présente de la condition étudiante est loin d’être idéale. Selon les données du gouvernement colligées par La Presse, les frais de scolarité ont augmenté de 1020$ (en tenant compte de la baisse des crédits d’impôt) depuis 2012, passant de 2 886$ à 3761$ aujourd’hui. En plus de cela, le coût de la vie, et surtout du logement ont augmenté, rendant la vie des personnes étudiantes toujours plus coûteuse.
La rémunération des stages est un autre enjeu important qui a beaucoup été mis de l’avant dans les dernières semaines. Plusieurs stagiaires (surtout celles dans des métiers traditionnellement féminins) doivent travailler un grand nombre d’heures par semaine sans aucune rémunération.
Finalement, bien qu’elle affirme reculer sur ses intentions initiales, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) semble vouloir faire des démarches pour rendre illégale la contribution automatique de tous les membres de l’AGECVM à une assurance collective, ce qui aurait l’effet de réduire considérablement son importance ainsi que d’affaiblir les associations étudiantes.
Tout cela tend vers une plus grande précarité étudiante, c’est-à-dire une instabilité et une insécurité socio-économique plus forte au sein de la communauté étudiante. Les effets négatifs que cette précarité peut avoir sur la santé mentale, physique ainsi que sur la réussite scolaire sont évidents.
Bref, la communauté étudiante est loin de « l’avoir facile » ou d’être à l’abri du genre de mesure comme la hausse des frais de scolarité contre laquelle elle s’est battue en 2012. De plus, la pandémie dans laquelle nous sommes depuis deux ans a grandement affaibli les liens de solidarité entre les étudiants ainsi qu’entre les associations étudiantes.
Avec des élections provinciales cet automne (3 octobre), il se peut très bien que cet enjeu soit l’un des thèmes importants de la campagne. Le dernier budget du gouvernement caquiste est présenté comme offrant « un appui financier accru et une réduction de l’endettement » pour les personnes aux études. Pour cela, le budget du ministre des Finances, Éric Girard, prévoit de fixer la hausse des frais de scolarité à un niveau plus bas que prévu (selon le principe de l’indexation), de financer des mesures de soutien à la réussite et de reconduire pour un an l’élimination des intérêts sur les prêts étudiants instaurés en contexte de pandémie l’année dernière (principalement).
Toutefois, des personnes comme Manon Massé, la co-porte-parole de Québec Solidaire ainsi que certains syndicats enseignants et étudiants considèrent le budget comme étant insuffisant pour lutter contre la précarité étudiante et pour l’accès aux cégeps et universités. De plus, le discours ainsi que le vocabulaire de M. Girard pour parler d’éducation prend une forme plutôt « économique », voire « marchande »: « Nous souhaitons doter le Québec d’un système d’éducation modernisé, plus performant et plus innovant […] Dans un contexte de rareté de main‑d’œuvre, où il faudra augmenter le nombre de Québécois ayant les compétences que recherchent les employeurs au sein de la population active, il faut miser plus que jamais sur l’éducation. » L’une des critiques majeures du mouvement étudiant de 2012 était justement de considérer et traiter l’éducation selon sa seule valeur marchande.
Dans ce contexte, faut-il s’attendre à un retour du grand débat sur l’accès et l’organisation de l’éducation? C’est probable. Je ne m’aventurerai pas à prendre position sur la question ici. Mon souhait était de présenter brièvement la situation de la communauté étudiante aujourd’hui, les grandes lignes par rapport à l’éducation dans le récent budget provincial, puis certaines critiques de celui-ci. C’est aux étudiants et étudiantes de réfléchir individuellement et collectivement sur leurs intérêts ainsi que leurs positions par rapport à l’éducation, pour mieux les protéger et militer pour les faire triompher dans la société.
Voici quelques liens pour vous informer et prendre connaissance de certaines des positions sur la question:
https://lactualite.com/lactualite-affaires/contre-la-gratuite-scolaire-a-luniversite/
Voici la proposition de grève qui a été faite par l’AGECVM, où est inscrite une liste d’arguments formulée par notre association étudiante pour la gratuité scolaire, la rémunération des stages et les assurances collectives .