III. Une clopine

Un poème de Aymeric Lalonde

J’ai une étoile rouge au bout de ma cigarette,

Elle détruit et donne la mort à tout ce qu’elle touche;

La peau, elle la marque, le tabac, elle le brûle, et le poumon, elle lui impose son enfer noir et cancéreux d’un train sans fin s’enfonçant dans le fond de la dépendance;

La cigarette danse et danse au bout de ma bouche et de celle, de ceux qui l’entoure, enveloppé de leur bec sec, ratatiné, raté, l’amour d’un baiser envolé;

La cigarette au bout de mes lèvres comme un baiser alcoolique.

J’ai une étoile rouge au bout de ma cigarette,

Je l’aspire, pire encore, je la dévore par mes bronches;

Le bout de ma clope rongée par la boule de chaleur, luisante sur le manche et sombre en fumée;

L’argent envolé, enfumé dans un paquet de vingt, vingt fois plus coûteux que la chaleur d’un regard posé sur ma personne.

L’amour j’en fume,

L’amour me donne le cancer.

IIII. Fumée

Un poème de Aymeric Lalonde

Fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée! fumée!

Notre monde part en fumée. Notre économie part en fumée;

Le Québec, notre culture, la langue française ainsi

Que les langues autochtones partent en fumée;

Ma tête n’est que fumée, mes jambes fumées, mes bras fumées;

La terre, si belle, si naturelle, couleur fumée;

Brique par-dessus brique, fumée;

Les bombes tombent, fumée, fumée noire;

Nos ombres disparues, par la fumée.

Les soirées de boite, à boire, éclipsé par la fumée;

De Saint-Denis à Saint-Laurent, des bars miteux où les mineurs, telle une fumée paisible, se faufilent dans la fumée d’évènements d’un soir, de bars de fumeurs. Tout le monde fume.

II. Les feux d’artifices, d’armistices?

Un poème d’Aymeric Lalonde

Quelle idée m’as-tu mis dans la tête, pauvre misère!

En marchant et en contemplant les rivières d’explosions polychromatiques polluant le ciel d’un miel bien bruni sur une toast de guimauve volante m’as-tu averti avec des sons stridents et assourdissants!

Était-ce un appel à la guerre, Gaza en feux et la construction de l’Homme à la perte, aux cieux, de mots volants chantés par les armes de la mort;

Une prière à la renaissance,

Une prière à la malchance des peuples bunker du monde capitaliste;

Une prière au tout début d’une réalité naissante obscure,

Cure à cet imaginaire en guerre.

Mais je ne pense guère que ce qui se passe outre-mer n’est béate,

Puisque la fête va bientôt finir,

Elle attend seulement que quelqu’un frappe,

Et se met à battre,

Contre les portes de notre perception obstruée par la désinformation.

I.  En taule

Un poème de Aymeric Lalonde

J’ai vu et senti la prison se refermer sur nous dès ma naissance,

La barrière de fer et de barbelés encercler notre société de mœurs et de raisons de vivre,

De maudits de préjugés pas pensables,

D’une coalition d’esclaves,

D’un pays remplit de bon et de mal,

Jamais l’entre deux,

Pourtant, c’est entre les deux jambes qu’on donne la vie,

Et non pas par la tête et surtout pas par les doigts de pieds,

Je ne sais même plus comment donner un enfant à une femme,

Par la pollution peut-être,

Ou par l’argent,

Est-ce que je vais avoir besoin de vous payer afin d’avoir un petit-moi,

Je ne sais même pas comment vendre,

Je sais que lire et écrire,

Penser et parler,

Mais encore là,

Je parle dans mon jargon,

Dans mon langage de colon,

Colonie inculte,

De cambouis et de poutine,

Et je speak white pour mieux vendre,

Ah j’ai compris,

Maintenant que les réseaux sociaux nous permettent tous,

Peut-être que c’est en vendant mon corps que je vais gagner ma vie,

Que je vais gagner la course du plus gros cochon,

La tirelire qui déborde,

Chaque cent qui s’empilent,

Chaque pauvre avec le ventre vide,

Mais pas de panique,

Toi t’as travaillé fort,

Toi t’as l’auto de l’année,

Toi t’as fait vivre l’économie,

Si ta tirelire va exploser,

Va-t’en acheter une autre au Walmart,

Ou au dépanneur,

Dépense plus,

Tu vas voir la vie est beaucoup plus belle quand tu consommes,

Dépense plus,

L’argent va te revenir un jour ou un autre,

Dépense plus maintenant,

Pourquoi attendre,

C’est quoi attendre au fait,

J’ai besoin de bouger,

Mes doigts quand ils ne se pratiquent pas à scroller,

Ils finissent par s’engourdir,

Et ça me donne un mal de tête,

Mais que c’est beau un petit chat avec un costume de lutin vert,

Vert comme l’argent,

Surtout pas vert comme la nature,

Je fais un chin aux pauvres,

Le verre de vin dans la main gauche,

Pendant que la main droite serre la main au réchauffement climatique,

Je vais brûler une forêt,

Peut-être construire un centre commercial,

Non mieux,

Une tour à condo,

Mais quoi faire des animaux,

Les tuer,

Les enfermer,

Les envoyer dans un zoo,

Ils vont être heureux et bien traités dans leur nouvel habitat artificiel,

Dans leur prison,

Dans nos maisons.