Regard de l’homme

Image : Myriam Bourbeau

Dans le cadre du concours d’écriture féministe ayant pour thème « Regard de l’homme », La rédaction de L’Exilé est heureuse de publier le texte de Morgane Gordon, gagnante de la compétition.

i am the monster under your bed
n’aies pas peur ma belle à 25 ans on n’a plus peur des monstres sous le lit
on n’a plus peur de se faire attraper par leurs pattes immondes elles ne s’accrochent plus à nos chevilles ne nous attirent plus vers lui
on n’a plus peur de se faire regarder par leurs yeux répugnants qui nous dévisagent et nous espionnent
le monstre vicieux ne se cache plus sous le lit

i am the monster under your bed
n’aies pas peur ma belle c’est un compliment un petit surnom affectueux tu es tellement charmante tu capotes pour rien je veux juste être gentil
n’aies pas peur ma belle je te souris mes yeux descendent légèrement avant de retourner aux tiens
n’aies pas peur ma belle ma main sur ton épaule n’est qu’un signe familier

i am the monster under your bed
n’aies pas peur ma belle embrasse ta gêne sois fière de ta honte plante-la au plus profond de toi croque d’une seule bouchée la douleur
n’aies pas peur ma belle arrache ton amertume subit la violence passive laisse-toi marcher dessus pour savoir ce que ça fait
n’aies pas peur ma belle ignore-le avale ta voix tu n’es pas écoutée de toute manière

i am the monster under your bed
n’aies pas peur ma belle tu es une femme au dos rond au corps ondulé la pièce de viande de ton corps se déchire sous tes propres dents
n’aies pas peur ma belle tu es une femme au passé joyeux au regard éteint tu vas être un objet brisé utile
n’aies pas peur ma belle tu es une femme qui a peur d’être femme laisse-moi t’expliquer comment être femme
n’aies pas peur ma belle aiguise tes cicatrices elles ne sont que mentales

Selena Fortier et sa « showférence »   

Par Meggie Cloutier-Hamel et Xavier Beauchamp

Selena Fortier parlant à nos deux journalistes Meggie Cloutier-Hamel et Xavier Beauchamp après sa « showférence ». Crédit photo : Philippe Le Bourdais

Allier humour et sensibilisation à la violence conjugale, c’est le pari que fait la militante Selena Fortier. Dans Hochelaga-Maisonneuve, le 26 novembre dernier, au Bistro le St-Cath, l’ambiance est conviviale et la jeune femme nous accueille avec bonne humeur pour sa conférence sur un sujet austère. Et pourtant, elle y arrive.   

« Je trouve que la violence conjugale est très dans une case, puis c’est pour ça que bien des gens ne se reconnaissent pas, fait que j’ai envie de sortir ça de la case, puis d’ouvrir le dialogue, puis en parler sur des plateformes où on n’est pas nécessairement habitué »    
Selena Fortier

Son histoire   

La conférence rapporte les événements que Selena Fortier a vécu il y a quelques années. Tout commence par sa rencontre avec un homme, un homme qui lui plaisait beaucoup. Au début de leur relation, elle remarque des comportements étranges de la part de son amoureux. La situation se dégrade avec le temps : « C’est sûr qu’il y avait tellement d’affaires qui ne marchaient pas […] mais j’étais tellement certaine que c’était l’homme de ma vie, mais en même en temps je ne voulais pas vivre ce qu’il me faisait vivre », nous confie-t-elle. Elle essaie à plusieurs reprises de le quitter ou d’améliorer les choses, notamment avec une thérapie de couple, mais rien n’y fait. Presque deux années passent et elle réussit à le quitter définitivement et débute son « processus de rétablissement », comme elle le mentionne.  

Après sa rupture, il lui faudra environ deux ans de psychothérapie et l’aide de divers soutiens pour qu’elle se sente mieux, nous affirme-t-elle. En effet, Mme Fortier relate qu’elle a eu recours à plusieurs ressources pour l’aider, comme le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC), mais que son processus est surtout une démarche d’introspection. De là est né son projet sur la violence conjugale, baptisé « showférence ». Détentrice d’un baccalauréat en psychologie, Mme Fortier a quitté le milieu de l’intervention psychosociale pour se concentrer sur ce projet qu’elle affectionne énormément.  

Éventail d’émotions   

La présentation de Selena Fortier est construite de différentes parties qui relatent ce qu’elle a vécu. On nous avertit d’ailleurs de la présence de propos sensibles au début de celle-ci.  Tous les moments racontés sont vrais nous dit-elle. Les anecdotes sont racontées entre présent et passé. On comprend les idées contrastées qu’elle a ressenties durant cette relation entre amour, haine, incompréhension, peur. Des voix hors champ, de la musique, des costumes, un « violentomètre », des dessins et la participation du public s’ajoutent à sa « showférence », car bien que dans le cadre du 26 novembre dernier, elle présentait son discours comme une conférence, Mme Fortier considère que ce nouveau terme est plus représentatif du dynamisme qu’elle amène. « Je suis toujours en apprentissage, ça fait partie du réalisme que je raconte mon histoire, que j’arrive avec des moments où c’est parfois maladroit, parfois cocasse, ce qui fait la magie du moment », souligne-t-elle.     

La place de l’humour  

L’approche humoristique de la « showférence » de Selena Fortier provient d’un besoin de reprendre le pouvoir sur sa vie et d’aller vers le positivisme. C’est dans ses cours du soir à l’École nationale de l’humour qu’elle se sent à l’aise et encouragée à parler de la violence conjugale qu’elle a vécue à l’aide d’anecdotes. En juin 2022, elle participe au MiniFest, un festival d’humour montréalais qui lui donne confiance pour se lancer dans le domaine. Celle qui se définit comme une activiste raconte, à travers la « showférence », son histoire en espérant changer la manière d’aborder le thème de la violence conjugale.  Son initiative lui a notamment value une bourse du programme « Tous engagés pour la jeunesse » de Desjardins et Noovo offerte durant l’émission La semaine des 4 Julie.

Le message qu’elle souhaite envoyer  

Par son action, Mme Fortier désire libérer la parole sur la violence conjugale. La militante désire dépoussiérer cet enjeu, en faisant changer la honte de camp et en sortant le thème de la violence conjugale de sa case lourde. Elle vise aussi le milieu de la scène, en abordant des sujets qui lui tiennent à cœur. Elle rappelle l’importance de l’organisme SOS violence conjugale qui vient en aide à tout individu qui a vécu de près ou de loin les conséquences de telles situations. Son but est donc d’ouvrir le dialogue, à son échelle et de manière positive.   

Les prochaines dates de la « showférence » de Selena Fortier

Pour toute aide concernant la violence conjugale

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