Démocratie étudiante; inquiétudes et désorganisation

Photo: Clovis Fecteau

Les grèves ont, depuis presque toujours, été de grands moteurs de changements. Employées par divers mouvements sociaux, elles ont permis de façonner nos sociétés. Dans le monde, on pense entre autres aux grèves ouvrières dans les mines ou les usines pour demander de meilleures conditions de travail. Au Québec, lorsqu’on parle de grève, on ne peut éviter de parler de la grève étudiante historique de 2012 et de celles qui l’ont précédée, notamment en 2005. Très souvent employée par les syndicats ouvriers comme moyen de pression, la grève a vite été adoptée par les mouvements de revendication étudiants principalement sur la question des frais de scolarité. Cependant, même si votées lors d’instance démocratique, les grèves font rarement l’unanimité autant au sein même des mouvements que dans la société de manière plus globale. Puisqu’en effet, les grèves ont pour but de créer un certain ralentissement – généralement économique – pour mettre de la pression sur les acteurs décisionnels afin qu’ils cèdent aux demandes des grévistes.

Au Cégep du Vieux Montréal, la réputation de grévistes militants nous précède. Cependant, l’idée d’une grève ne semble plus être aussi unanime chez les étudiants qu’elle l’était autrefois. Pour qu’une grève passe au CVM, il faut qu’elle soit proposée et soutenue par au moins 100 personnes puis présentée et votée – à majorité – devant une assemblée générale de grève qui doit réunir au minimum 10% de la population étudiante et dans laquelle tous doivent être permis de se prononcer sur le sujet. 

Le 23 mars, une assemblée générale de grève (AGG) est convoquée pour proposer une grève afin de requérir une rémunération de tous les stages dans une demande qui se veut féministe alors que la majorité des stages non rémunérés se trouvent à être dans des milieux majoritairement féminins. 

Cependant, pour certains, cette AGG est loin d’être aussi démocratique qu’elle le prétend et à son issue où une grève est votée pour une semaine, les critiques fusent. Des échos appellent à un manque de démocratie, de respect et d’écoute de la part de l’organisation, du présidium et de l’Association générale étudiante du Cégep du Vieux Montréal (AGECVM). Un mot revient souvent : hostile. Des échos, plusieurs étudiants qui se positionnaient autant pour ou contre la grève ont le sentiment d’avoir été mis de côté. Certains affirment avoir vécu « des situations tendues » et des « droits de parole [qui] n’étaient pas respectés ». Plusieurs dénoncent un climat antidémocratique et biaisé où il ne semble pas y avoir de place pour une discussion ou du moins où celle-ci est contrôlée et biaisée et la parole offerte principalement à un seul point de vue.

De plus, malgré un ajustement lors de la dernière AGG le vendredi 31 mars, beaucoup affirment ne pas connaître proprement le Code Morin qui est utilisé comme code de procédure lors des assemblées. Ainsi, il est difficile pour ceux qui le veulent de prendre part activement aux discussions de l’assemblée et par conséquent de faire valoir leurs opinions en utilisant ses droits. Il fut également mentionné par plusieurs que la méconnaissance du code Morin a mené à des situations délicates et antidémocratiques. Par exemple, très peu sont au courant qu’il est possible de demander un vote caché et que ceux qui le connaissent n’ont pas avantage à le demander. Dès lors, le vote est presque toujours à main levée et beaucoup se sentent forcés de voter avec la majorité. Des personnes présentes ont rapporté avoir été « dévisagées, huées, réprimandées ou insultées » lorsqu’elles votaient contre la grève. Je ne crois pas que ce soit un climat voulu par qui que ce soit et qu’une intervention immédiate du présidium devrait avoir lieu. Rappelons que dans la loi provinciale sur les élections :

« Commets une infraction quiconque sciemment […] porte atteinte ou tente de porter atteinte à la liberté de vote, empêche ou tente d’empêcher une procédure relative au vote ou change ou tente de changer les résultats de l’élection ou du référendum ». (1987, c. 57, a. 589. Chapitre E-2.2 Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités)

Cette loi ne parle pas des élections d’assemblées générales étudiantes, mais marque le ton de la gravité qu’ont des actions, comme celles mentionnées plus haut, sur les procédures démocratiques. Plusieurs ont également mentionné s’être sentis forcés à aller voter alors qu’il est totalement démocratique de s’abstenir et que « ce n’est pas démocratique de forcer ou de mettre de la pression sur des individus pour aller voter ». Certains, notamment dans le groupe des gens d’architecture, ont même mentionné « [s’être] sentis agressés » par des membres de l’organisation alors « qu’[ils] pratiquai[ent] des droits démocratiques, valables et planifiés. »

« On savait que si on y allait, la grève allait passer. Certains se sont même fait mettre dehors parce qu’ils expliquaient aux gens que s’il y avait quorum, la grève allait certainement passer. Ce n’est pas normal que l’issue soit déjà écrite. C’est normal que les gens qui sont contre la grève ne viennent pas. Ce n’est pas invitant, on se fait regarder des fois même insulter. Dans la salle c’est juste toute la même grosse gang d’amis, pis c’est eux qui décident. […] Ce n’est pas démocratique. »

Source anonyme

Selon des sources internes de l’AGECVM, les problèmes autour des procédures d’AGG seraient d’abord internes et résulteraient de comportements d’anciens membres. Même si certains affirment :

« Un climat toxique et d’intimidation réprimande les idées opposées et ne représente pas l’opinion majoritaire de l’AGECVM. »

Source anonyme

Les nouveaux membres de l’exécutif affirment vouloir travailler à régler ces problèmes et à recréer le lien de confiance entre les représentants de l’association étudiante et tous ses membres. Plusieurs récentes démissions au sein de Bureau Exécutif (BE) semblent pointées dans cette direction. Dans les lettres de démission obtenues par le journal, il est notamment mention de « malaise avec certaines attitudes » et d’un « profond désaccord […] opposition avec les actions actuelles et la direction entreprise par le bureau exécutif ». 

« Si […] une chose [est] à réitérer, c’est que même si on veut s’investir et participer à la « démocratie étudiante », si on n’est pas dans leur clique, ça ne sert à rien d’essayer. »

Source anonyme

Seulement voilà que, suite à de nombreuses démissions au sein de l’exécutif de l’AGECVM, l’ensemble de l’exécutif a été renouvelé depuis l’automne, la personne ayant le plus d’ancienneté étant arrivée la session dernière. Après avoir rencontré les membres de l’exécutif, tous semblent vouloir mettre les efforts pour démocratiser davantage l’association étudiante et travailler à recréer un lien de confiance avec les étudiants de tous les programmes. Déjà, plusieurs affiches ont été mises dans le cégep pour encourager les étudiants à faire part de leurs impressions par rapport à l’association étudiante du cégep. Lors de la rencontre, plusieurs pistes de solution ont été apportées pour améliorer le climat et lutter contre les actions antidémocratiques qui pourraient avoir lieu lors des prochaines AGG. Le bureau exécutif s’engage à avoir recours à un présidium impartial et extérieur, à faciliter l’accès au Code Morin et d’offrir des outils pour être en mesure de réagir plus rapidement lorsque des comportements antidémocratiques sont constatés. 

À noter que toutes les rencontres du Bureau Exécutif sont ouvertes au public et que leurs procès-verbaux sont disponibles sur le site de l’AGECVM

%d blogueurs aiment cette page :