Langue et culture : Oui j’ose… 

Crédit : Clovis Fecteau

Parler de langue et de culture, c’est marcher sur des œufs. J’y saute nu-pieds au risque de m’y couper. 

Je reprendrai ici le titre d’un article de Maxime Pedneaud-Jobin publié dans La Presse dernièrement : « Si un Japonais parle grec, cela fait-il de lui un Grec ? ». Cette phrase représente bien le débat sur la culture et la langue qui oppose le Québec au reste du Canada anglophone. D’autant plus que la situation du français devient de plus en plus inquiétante et que le débat sur sa place occupe de plus en plus la scène politique. Le gouvernement du Québec et plus précisément le ministre de la Langue française et responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Jean-François Roberge et Bernard Drainville, ministre de l’Éducation, semblent vouloir appeler les Québécoises et Québécois à une espèce de mobilisation de grande ampleur pour freiner, voire, renverser la tendance du déclin. 

Une idée qui semble bien belle, mais dont la vision semble floue. Pour qu’une telle démarche fonctionne, tout dépendra de la place que l’on réservera au français. Sera-t-il une simple langue de communication? Ou sera-t-il le vecteur principal d’une culture riche, vibrante et unique?  

Pour le Canada, la réponse semble claire, la langue n’est pas véhicule de culture. Cette dernière peut très bien être propagée et partagée dans différentes langues.  

La nation québécoise possède une vision bien différente ; la culture est indissociable de la langue qui la porte et dès lors, pour qu’une culture soit riche, vibrante et unique la langue qui l’accompagne doit l’être tout autant. Si la culture est une cathédrale, au Canada, on a fait le choix d’en construire une pour y caser chacune et chacun. Ici, on a choisi d’en faire une pour tous. 

Bien que la situation du français au Québec et au Canada semble encore faire débat, il semble qu’un consensus sur son déclin se met en place. Cependant, les mesures mises de l’avant par certains groupes pour la protéger divergent fortement. Si certains prônent des mesures restrictives quant à l’utilisation d’autres langues, certains mettent plutôt de l’avant une revalorisation de la culture. Je suis de cette avenue.  

Alors que notre société consomme de plus en plus de contenus culturels étrangers (ce qui est en soi tout à fait valable), alors que les jeunes, de manière générale, perdent peu à peu nos références cultes avec l’internationalisation des référents culturels, il va de soi qu’en tant que société nous mettions davantage l’accent à promouvoir ce qui vient d’ici. À l’école, par exemple, on présentera des films américains en récompense, on fera danser les élèves sur des tounes de Taylor Swift et de Rihanna dans les spectacles de Noël, on apprendra des chansons de Michael Jackson dans les cours d’anglais et on lira des traductions de Harry Potter. Pourtant les enfants consomment déjà tout ça chez eux ou dans la cour d’école. Alors au lieu de leur présenter ce qu’ils aiment déjà, ne devrions-nous pas, au contraire, leur apprendre à aimer la culture de l’endroit où ils vivent. Leur apprendre les chansons de Jean-Pierre Ferland. À chanter du Léonard Cohen ou du Charlotte Cardin dans les cours d’anglais. À danser sur du Robert Charlebois. À lire du Naomie Fontaine. À écrire comme David Goudreault ou s’exprimer comme Boucard Diouf. Leur faire écouter La Guerre des Tuques, Les Bougons, Les Boys et Bon Cop, Bad Cop durant les périodes libres du vendredi.  

Pour encore une fois, je vais reprendre les mots de M. Pedneaud-Jobin :  

« Danser sur du Rihanna, c’est faire ce que la planète entière fait, danser sur du Roxane Bruneau, c’est contribuer à construire une nation originale, c’est contribuer à promouvoir la diversité des cultures. »[1] 

De plus, mettre de l’avant cette culture dès le primaire, c’est tisser des liens intergénérationnels plus forts, c’est renforcer, autour de références communes, les liens entre les personnes de divers horizons. C’est encourager les artistes d’ici. C’est mettre de l’avant nos couleurs, c’est contribuer à la création d’un sentiment d’appartenance commun à tous, autour de références d’ici. Au terme d’un parcours scolaire, on devrait pouvoir connaitre les plus grandes lignes de l’écran et de la musique québécoise (« Ils l’ont-tu l’affaire, les Amaricains » ou « Envoye dans l’lit, maudite chanceuse. »)  

Et quand bien même parler plusieurs langues est une richesse inestimable, un avantage en embauche et en voyage. Quand une nation vibre au rythme d’une même langue. Quand on la chante, la danse, la signe, la débat. Quand on en est fière. Quand on la partage, on offre au monde une nouvelle culture, une nouvelle richesse. Quand cette culture prospère, sa langue et sa nation, prospère aussi.  

Oui, la culture québécoise c’est Félix Leclerc et la Bottine Souriante, mais c’est aussi, Kim Thúy, Rachid Badouri, Corneille ou Dany Lafrenière et j’en passe des tonnes. La culture d’ici est imprégnée d’un métissage tissé serré, c’est le choix qu’on a fait au Québec, celui de l’interculturalisme et du français.  

« La vitalité d’une langue est le reflet fidèle de la vitalité des peuples qui la parlent. » 

Marina Yaguello 

[1] https://www.lapresse.ca/debats/chroniques/2023-02-06/si-un-japonais-parle-grec-cela-fait-il-de-lui-un-grec.php 

Communiqué de l’intersyndicale du Cégep du Vieux Montréal

Crédit photo: Stéphane Thellen

Le texte suivant est un communiqué de presse présentant les démarches des différents syndicats du Cégep du Vieux Montréal afin de faire entendre leur revendications à l’égard de leurs conventions collectives lors des négociations avec l’administration du cégep.

Les syndicats du Cégep du Vieux Montréal déposent leurs demandes de négociation au Comité de direction

Montréal, 29 novembre 2022 – Réunis dans une démarche intersyndicale, le Syndicat des employé∙e∙s de soutien (SEECVM), le Syndicat des professionnel∙les (SPPCVM), le Syndicat des interprètes professionnels (SIP) et le Syndicat des professeur∙e∙s (SPCVM) du Cégep du Vieux Montréal ont déposé dans le cadre d’une action symbolique leur cahier de demandes sectorielles auprès de la direction du collège.  Ces cahiers de demandes sont le fruit de consultations des membres menées au cours des derniers mois et s’inscrivent dans le cadre de la négociation de leurs prochaines conventions collectives puisque celles-ci arrivent à échéance le 31 mars prochain.

Lors de l’événement ayant rassemblée une cinquantaine de personnes à la cafétéria du personnel, les représentant∙e∙s des différents syndicats ayant tour à tour pris la parole, se sont montré∙e∙s déterminé∙e∙s et convaincu∙e∙s de la justesse et la pertinence des demandes qui sont faites par l’ensemble des travailleuses et travailleurs syndiqué∙e∙s du CVM. 

Julie Gilbert, animatrice lors de l’événement, s’est adressée à la dizaine de représentant∙e∙s de la direction en reprenant le slogan du Front commun des 460 000 syndiqué∙e∙s de la fonction publique impliqué∙e∙s dans la prochaine ronde de négociation :

« Nous, d’une seule voix », nous vous enjoignons de prendre non pas seulement connaissance de ces cahiers, mais de reconnaitre dans ceux-ci des avancés pour toutes et tous : autant le personnel que les étudiant∙e∙s et la direction. Car une institution ayant à son bord une équipe dont on prend soins est une institution qui s’en sort gagnante à tous les niveaux! Nous comptons sur vous pour faire pression auprès de vos instances de négociations pour que cette négociation se conclue avec une vraie reconnaissance de l’expertise, du savoir-faire, de l’expérience et de la valeur du travail de vos équipes ».

Pour Roméo Pilon, président du syndicat des employé∙e∙s de soutien, « il s’avère indispensable d’améliorer les conditions de travail des employé∙e∙s pour mieux soutenir l’éducation »! Les quatre grandes priorités du personnel de soutien sont : 1) valoriser le personnel de soutien en améliorant les conditions de travail ainsi que la conciliation travail et vie personnelle; 2) agir pour la santé, la sécurité et le mieux-être au travail; 3) faciliter le mouvement de personnel, la création et la modification des classes d’emplois; 4) promouvoir de meilleures relations de travail et régler les litiges de manière plus efficace.

Pour la représentante du syndicat des interprètes professionnels, Isabelle Roy, « c’est primordial, pour assurer une attraction et une rétention du personnel dans les cégeps, que les conditions de travail et les conditions salariales soient rehaussées ». (…) « Avec la diversification des effectifs étudiants, la direction devra davantage être à l’écoute des préoccupations et des solutions proposées par le personnel », d’ajouter Mme Roy. 

Dans le même sens, Kevin Kaine, président du syndicat des professionnel∙les, ajoute qu’il est important de rappeler que « d’ici 2030, la majeure partie des emplois créés sur le marché du travail demanderont au minimum un diplôme d’études collégiales.  Le personnel des cégeps se trouvera une nouvelle fois au cœur des défis que devra relever la société québécoise.  Pour y arriver, il faudra s’attaquer aux problèmes de précarité et de surcharge de travail afin de s’assurer de rendre les emplois dans le réseau des cégeps attrayants et afin de retenir notre personnel déjà à l’œuvre ».

Jean-Sébastien Pilon, président du Syndicat des professeur∙e∙s, présente le cahier déposé par l’ensemble des professeur∙e∙s de cégeps de la province.  Les enjeux identifiés s’articulent autour de six grands axes.  L’alliance des syndicats de professeur∙e∙s de cégep (ASPPC) demandent : 1) de réduire la quantité de précaires (actuellement 40% des professeur∙e∙s du réseau!) et une amélioration des conditions d’insertion professionnelle; 2) d’ajouter des ressources directement dans les classes afin d’améliorer les conditions de travail et de réussite étudiante; 3) de baliser la formation à distance et la formation continue afin de pérenniser le modèle collégial mise à mal par la concurrence de plus en plus exacerbée; 4) d’assurer la collégialité et la transparence dans tous les rapports institutionnels; 5) de favoriser la conciliation famille-travail et vie personnelle; 6) d’améliorer les conditions salariales pour favoriser l’attractivité dans un contexte de pénurie de personnel juxtaposé à la hausse des effectifs étudiants.

C’est tous ensemble que NOUS, d’une seule voix, on se fera voir et entendre dans les prochains mois! Au cégep du Vieux Montréal, la négociation 2023, c’est parti!  

Renseignements:
Stéphane Thellen
514-980-3430 poste 2086

Biodiversité, pandémies et mobilisation étudiante 

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Photo: Élodie Lorimier

« Fischia il vento e infuria la bufera 

Scarpe rotte eppur bisogna andar 

A conquistare la rossa primavera 

Dove sorge il sol dell’avvenir » 

« Le vent hurle et la tempête fait rage 


Tes chaussures sont cassées et pourtant tu dois partir 

Aller conquérir le printemps rouge 

Où se lève le soleil des jours futurs » 

Extrait de la chanson révolutionnaire italienne « Fischia il vento »)

Jeudi le 1er décembre devait avoir lieu une assemblée générale de grève de l’Association générale étudiante du Cégep du Vieux Montréal (AGECVM) où allait être discutée la tenue d’une éventuelle grève pour la biodiversité et contre la COP15. Malgré les efforts considérables menés par les membres du syndicat étudiant dans le but de mobiliser la population étudiante autour de cet enjeu, celle-ci n’a pas été au rendez-vous jeudi. En effet, l’assemblée a dû être annulée du fait que trop peu d’étudiants s’y sont rendus, 645 étudiants (10% de la population étudiante) devant être présents pour que les décisions de l’assemblée soient considérées comme démocratiquement valides.  

Mais que signifie ce manque d’engagement étudiant, quelles pourraient être ses causes?  

Pour commencer, il faut dire que depuis la pandémie, l’AGECVM, comme d’autres organisations militantes, a été aux prises avec un problème de mobilisation inédit. Il est plus difficile que jamais de convaincre les étudiants de participer aux assemblées générales de leur association étudiante. De la même manière, bien que les choses aient tendance à s’améliorer, les étudiants sont maintenant moins nombreux à s’impliquer dans leur association étudiante. Il est probable qu’ayant vécu durement la crise de la Covid-19 et les nombreux confinements qui en découlèrent, une partie des étudiants se soient refermés sur eux-mêmes politiquement et qu’ils ne souhaitent plus se soucier de considérations autres que celles qui les concernent individuellement et dans l’immédiat.  

Il faut considérer en plus qu’en détruisant les liens sociaux et en plaçant la population dans un certain état d’urgence, la pandémie à créer une crise de la santé mentale d’une ampleur inédite, dont les étudiants sont entre autres victimes.  

Agir politiquement ou mourir 

La population étudiante doit absolument sortir de son état d’apathie actuel. L’apolitisme n’existe pas, ne pas s’impliquer politiquement revient à céder son pouvoir à d’autres, aux riches et aux puissants. Ne pas participer à ses AG de grève, ne pas s’impliquer en politique, ne pas participer à la vie de son association étudiante, cela revient à laisser les rênes de notre avenir à ceux qui sont en train de le détruire.  

Notez que de nombreux scientifiques qualifient la Covid-19 de zoonose, soit une épidémie d’origine animale. La pandémie serait une conséquence de la pression exercée par les activités humaines sur les écosystèmes. Les épidémies de la sorte seraient aujourd’hui de plus en plus fréquentes. (1)  

La pandémie de la Covid-19 est donc à placer en lien direct avec la destruction exponentielles des écosystèmes menée par notre modèle économique capitaliste, productiviste et consumériste. Cela nous ramène à la question de la biodiversité et de la disparition des espèces. La grève contre la COP15 proposée par l’AGECVM avait justement pour but de lutter contre les conséquences létales qu’a l’inaction des différents gouvernements en matière de protection de la biodiversité. 

En étant inactif, en se repliant sur nous-mêmes, nous participons à la reproduction d’un système économique et politique absurde qui va jusqu’à menacer nos vies même. 

Brisons l’ordre quotidien 

Continuer de vivre nos vies quotidiennes comme si de rien n’était, alors qu’autour de nous le monde est en train de tomber sous nos yeux, n’est plus envisageable. Il faut opérer une rupture de l’ordre quotidien qui nous empêche d’agir en nous enfermant dans l’immédiat. Il faut cesser de reproduire ce système qui est littéralement en train de nous tuer.  

Pour cela, il y a les grèves. Les grèves étudiantes viennent briser cet ordre mortifère de différentes manières. Elles nous libèrent pour un moment, nous donnent une voix et nous permettent de mener des luttes politiques nécessaires. Elles seront sans aucun doute un élément essentiel de la mise en place du mouvement social qui nous sauvera de la menace de la destruction littérale du monde. 

Ce mouvement, il faut le mettre en place. Il nous faut retrouver confiance en notre pouvoir collectif de changer l’ordre des choses. C’est aujourd’hui notre devoir et notre plus grand intérêt.  

P.S. Ce texte est librement inspiré d’une conférence d’Alain Deneault intitulée « Nature, économie et pandémie » ayant eu lieu au Cégep du Vieux Montréal, le 12 avril 2021, dans le cadre de la Semaine de la citoyenneté : Pour une autre suite du monde. 

  1. Piedboeuf, G (9 avril 2020). Comment la planète a manqué le bateau. Récits numériques (Radio-Canada). Repéré le 1er décembre 2022 à https://ici.radio-canada.ca/recit-numerique/843/pandemies-science-zoonose-solutions-prevention-virus-covid-19 

Une fierté dans l’ombre de nos inquiétudes

Crédit: Université Laval

Des résultats d’élections controversées, oui, mais un nouveau portrait politique diversifié dont nous pouvons être fiers.  

Depuis presque toujours intéressé et impliqué dans la scène politique, surtout du Québec, j’avais envie de parler de politique, mais j’avoue, dégouté par les résultats, je ne le cache pas, je n’avais pas envie d’être le 300e à parler de distorsions ou de défaites historiques. J’ai donc effectué mes recherches pour trouver quelque chose de plus positif.   

Le 3 octobre dernier, les Québécois se rendaient aux urnes1 pour élire les députés qui allaient composer la nouvelle Assemblée nationale du Québec. Mais ça, vous le saviez et j’espère que toutes celles et ceux qui étaient en mesure de voter l’ont fait.  

Et maintenant les résultats tombés, qu’importe le parti pour lequel vous avez voté ou auquel vous vous identifiez et si vous avez ou non gagné vos élections, le Québec peut être fier. En effet, même si le résultat des élections avec le mode de scrutin actuel et les distorsions qu’il a créé ont généré un raz-de-marée d’indignation et de questionnements au Québec, ces élections ont eu, sur d’autres plans, dont celui de la diversité, des résultats historiques qui méritent d’être soulignés.  

22%, c’est le pourcentage de députés issus de la diversité au Québec qui siégeront dans la nouvelle Assemblée nationale à la suite des élections du 3 octobre dernier.

22%, un chiffre duquel nous pouvons être fiers, car bien que difficile à calculer précisément, il est sans équivoque, selon les chiffres de Statistique Canada, équivalent ou supérieur à la représentation des diversités dans la population. À savoir que par diversité, on inclut les personnes qui ne sont pas d’origine britannique ou française, qu’elles soient visibles ou non. Les chiffres n’incluant pas les personnes autochtones. 

La première femme autochtone a été élue députée à l’Assemblée nationale.  

La caquiste Kateri Champagne Jourdain de la communauté innue de Uashat mak Mani-utenam a gagné son siège dans une circonscription de la Côte-Nord avec une écrasante majorité de plus de 3 000 voix sur le second candidat en liste.  

À noter également que pour les 22,4% de la population canadienne issue de la diversité, c’est seulement 14,8% des sièges qu’ils obtiennent à la Chambre des communes. Pour les élus noirs, la situation est bien loin d’être meilleure au fédéral avec 1,5 % des élus contre 3,5 % de la population, alors qu’au Québec, le tableau s’inverse avec une représentation de 4% pour une population de 3,9%.    

Ottawa n’aura donc qu’à se regarder dans le miroir avant de donner quelconques leçons aux Québécoises et Québécois en matière d’ouverture et de diversité. 

Même chose du côté de la parité, c’est presque chose faite au Québec qui se situe, selon les chiffres de 2021 du « Inter Parliamentary Union2 » au 4e rang mondial avec 46% de femmes députées, alors qu’à Ottawa, le fédéral obtient la 19e place avec 30,5% de présence féminine à la Chambre des communes.  

Connaissez-vous beaucoup d’autres états qui peuvent se vanter d’une meilleure représentativité? Pas moi. 

Cependant, signe du clivage qui sépare la métropole québécoise du reste du Québec, c’est bien à Montréal que l’on retrouve la plus grande concentration de diversité par rapport à son poids démographique ; 37% de députés issus des minorités pour un peu moins du tier de la population de la ville. Évidemment, ce n’est pas une grande surprise pour la métropole qui s’est toujours démarquée du reste du Québec sur le plan de la diversité et de l’inclusion. Bien sûr, il reste que ces résultats ne devraient pas être instrumentalisés par les politiques pour accentuer la lutte déjà existante entre les centres urbains et les régions. 

Sans conteste, il y a encore beaucoup à faire ; notre mode de scrutin actuel et le faible taux de participation, plus particulièrement chez les jeunes, inquiètent certains électeurs et analystes qui y voient une menace pour la démocratie. Le Québec a toutefois de quoi être fier de cette représentativité unique et historique. 

Moi, j’en suis fier. Vous pouvez l’être aussi. 

Plaidoyer en faveur d’une démilitarisation globale

Je rêve d’une armée de poètes, d’un peuple de savants, d’un monde où le vin des uns ne coulerait pas au prix du sang de d’autres, d’un pays qui aimerait ses différents.

À vous qui vous moquerez de moi, je répondrai que mes rêves ne sont guère moins lucides que vos sombres cauchemars.

La guerre, comme toutes les créations humaines, devrait être considérée comme un objet social modifiable plutôt que comme une fatalité d’origine naturelle. Les États sont aujourd’hui presque tous dotés d’armées et, parmi les civils, nombreux sont ceux qui considèrent celles-ci comme des maux nécessaires.

Il n’en est rien, puisque la guerre est avant tout une absurdité : elle est le fruit de l’incapacité de certains hommes à reconnaître le lien fraternel qui les unit à tout être humain. Le voile nationaliste, les allégeances tribales et la peur de l’autre sont autant de forces qui poussent les pays à s’armer pour la guerre.

L’idée de s’armer pour se protéger d’attaques extérieures est un non-sens, car l’armement est lui-même à l’origine de la destruction. Arrêtez de fabriquer des armes, d’en vendre et d’en acheter et vous mettrez fin aux conditions permettant à la guerre dans sa forme moderne d’exister, au grand bonheur de la majorité.

En effet, la vérité est que la guerre n’est profitable à personne, sauf peut-être à quelques oligarques richissimes, alors que des mères voient leurs enfants tués au front et que des innocents sont massacrés.

Bien sûr, cet effort doit être international pour fonctionner, sans quoi la peur de l’autre serait de nature à avorter toute initiative allant dans le sens de la démilitarisation.

Tant que la guerre et l’armement ne seront pas reconnus universellement comme des folies, tant que la majorité n’exigera pas qu’on y mette fin, tant que les différents pays ne cohabiteront pas sur cette Terre en respectant les besoins et les droits de chacun, nous serons pris dans cette calamité qui s’auto-génère.

N’est-il pas aberrant qu’un pays libéral comme le Canada, qui en principe proscrit le meurtre, ne voie pas de problème à fabriquer des armes de guerre, à en vendre et à en acheter? N’est-il pas absurde que la morale la plus élémentaire et que les droits humains soient le plus souvent mis de côté en temps de guerre?

Tout cela me semble profondément insensé et inhumain. Peut-être arriverons-nous un jour à nous défaire de la guerre? Si seulement nous nous donnions le droit de rêver…

La vie, la mort et le sens social

Tous les êtres vivants sont animés par la passion de vivre. Cette force les pousse à conserver l’équilibre précaire permettant le bon fonctionnement de leurs processus biologiques, face à la nature chaotique de l’univers. Il s’agit donc en fait d’une lutte perpétuelle contre la mort. Au moindre dérèglement de l’organisme, le corps répond par une pulsion opposée. Celle-ci se manifeste dans la conscience par l’expérience de la douleur.

L’humain est un animal social qui a recours à la communauté pour répondre à une part importante de ses besoins. Nous vivons tous au sein d’un réseau complexe d’interdépendances qui nous lie aux différents membres de nos communautés.

Le sens social vient de la possibilité pour un sujet de faire confiance aux êtres qui l’entourent. Celui-ci, pour s’épanouir pleinement, doit se sentir en sécurité parmi les siens et ne pas voir en eux une menace perpétuelle à son intégrité mentale ou physique. Pour atteindre un sentiment de sécurité et d’harmonie avec le monde et l’existence, le sujet doit être en mesure de compter sur l’aide de ses voisins quand il se retrouvera dans une situation où il sera menacé.

Pour moi, le sens de la vie est donc lié étroitement à la pulsion de vie et à la solidarité sociale. Une personne qui agit à l’encontre de la solidarité a de bonne chance de souffrir de l’absurdité de son existence. Faire souffrir un autre, l’approcher de la mort, c’est rendre possible l’agression des êtres humains entre eux et donc éventuellement sa propre agression de la part d’un autre. L’humain, comme tout être qui vit, déteste passionnément la mort, il ne peut donc pas, sans souffrance psychique, imposer la mort totale ou partielle à un autre, cela lui semble incohérent, sa nature le poussant à considérer la mort de toute autre personne comme étant socialement la sienne.

Le sens qu’un être humain trouve à sa vie dépend donc avant tout de l’harmonie sociale. Quelqu’un vivant dans une société absurde aura tendance à être malheureux, de la même manière qu’un être humain qui agit de manière absurde aura tendance à en souffrir. Être heureux, c’est cultiver l’harmonie et la solidarité au sein de soi-même et de la société.

La journée internationale des travailleuses et des travailleurs: 1000 mots (approximativement) sur son origine

Dans plusieurs pays sur la planète Terre, les prolétaires célèbrent le 1er mai en tant que « Journée internationale des travailleuses et des travailleurs ». Depuis quand en est-il ainsi? Et surtout pourquoi un tel événement commémoratif et revendicateur?

Depuis quand?

C’est à l’occasion du Congrès de fondation de la IIe Internationale, tenu à Paris en 1889, que les délégués ouvriers de différents horizons économiques et politiques (syndicalistes, socialistes et marxistes) vont prendre la décision de faire du 1er mai, dans les pays industrialisés capitalistes, une journée d’arrêt de travail visant à commémorer des événements tragiques survenus trois années plus tôt, en 1886, dans la ville américaine de Chicago.

Pourquoi?

Il faut savoir qu’à cette époque, dans certains pays de l’hémisphère ouest, la 2e révolution industrielle est en cours. Le mode de production correspond au capitalisme qui nous met en présence de deux classes sociales fondamentales : la bourgeoisie (les détenteurs des moyens de production) et les prolétaires (des personnes qui pour vivre et survivre ne détiennent qu’une seule chose : la vente de leur force de travail). Durant ce dernier quart du XIXe siècle, la condition ouvrière est peu enviable : la main-d’œuvre est de plus en plus dépouillée de ses qualifications; ce sont quasiment toutes et tous les membres de la même famille ouvrière qui œuvrent dans les usines naissantes; les heures de travail sont longues (jusqu’à 12 à 14 heures par jour); la semaine au boulot est interminable (elle compte en règle générale six jours); le travail des femmes et des enfants est peu encadré par la loi; les conditions de rémunération sont aléatoires et dépendent de la volonté ou de la décision arbitraire du patron; les employeurs n’ont quasiment aucune obligation juridique face à leurs salarié.e.s; les pénalités pour insubordination face aux employeurs ou à ses représentants va de la coupure de salaire jusqu’à la détention dans des cachots improvisés; bref, c’est le règne de l’insécurité au travail et de l’exploitation la plus éhontée. Il est même possible de qualifier la situation dans les entreprises capitalistes à l’époque de « despotisme d’usine ». À la fin du XIXe siècle, dans certains pays d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord, le capitalisme et le libéralisme triomphent. C’est le triomphe du profit pour une minorité (arrogante, dominante, possédante et dirigeante) qui prône le non-interventionnisme de l’État dans l’entreprise privée. La bourgeoisie a créé son opposé qui l’enrichit : la classe laborieuse à qui elle accole l’étiquette de « classe dangereuse » et à qui elle consent peu de droit.

Allons maintenant dans certains détails

Il est généralement reconnu que la Deuxième révolution industrielle se met en place durant la décennie des années 1880. L’utilisation de nouvelles sources d’énergie (l’électricité), de nouveaux moyens de circulation (le train) et la mécanisation des industries naissantes ont des effets majeurs sur le plan social. La population déserte la campagne (le milieu agricole) pour aller s’entasser dans les villes où sont localisées les grandes industries mécanisées qui ont un grand besoin de main-d’œuvre peu qualifiée. À cette époque, le droit de propriété est toujours consacré par la loi comme un rapport sacré et les travailleuses et les travailleurs en usine viennent tout juste de se voir reconnaître (en 1842 aux États-Unis d’Amérique (É-U) et en 1872 au Canada) le droit de s’associer pour négocier collectivement leurs conditions de travail et de rémunération.

Les événements de Haymarket (Chicago) en 1886

Quelques années après la Guerre civile, le capitalisme connaît des années de croissance aux É-U. La grande industrie est la base sur laquelle se développent des associations de travailleurs (des « syndicats ») qui ont pour objectif de lutter en vue d’améliorer les conditions de travail et de rémunération des ouvriers qui sont perçus et traités par les employeurs comme une simple marchandise malléable, corvéable et surtout exploitable à volonté. L’association qui a pour nom « Les Chevaliers du travail » est la première organisation syndicale de masse à voir le jour, en 1876, aux É-U. Il s’agit d’une organisation syndicale de type industrielle. C’est elle qui met sur pied le mouvement de revendication de la journée de travail de 8 heures. Cette revendication aboutit à la grève nationale du 1er mai 1886 qui mobilisa entre 190 000 et 200 000 grévistes aux É-U dont environ 75 000 à 80 000 dans la seule ville de Chicago. La manifestation du 4 mai 1886 à Haymarket donna lieu à un affrontement sanglant qui se solda par de nombreux morts et blessés du côté des ouvriers.

La IIe Internationale

C’est un délégué français, Raymond Lavigne, qui a proposé, lors du congrès de fondation de la IIe Internationale (tenu à Paris en juillet 1889), de faire du 1er mai l’occasion d’une manifestation internationale de solidarité ouvrière en mémoire du tragique « massacre de Chicago ».

Conclusion

Ce sont donc les événements dramatiques survenus à Haymarket – durant la première semaine du mois de mai 1886 – et une décision adoptée lors du Congrès de fondation de la IIe Internationale en 1889, qui sont à l’origine de la « Journée internationale des travailleuses et des travailleurs ». Cette journée commémorative n’est surtout pas à confondre avec la « Fête du Travail » qui a lieu aux États-Unis (depuis 1892) et au Canada (depuis 1894) le premier lundi du mois de septembre. Événement « festif » qui vise à occulter le caractère sanglant, répressif et oppressif du rapport capital / travail salarié. Un jour de congé férié, décrété par deux gouvernements hostiles à la classe ouvrière. Mais, comme dirait l’Autre, ça c’est une autre histoire qu’on m’invitera peut-être un jour à vous relater, dans une de vos prochaines publications!

Yvan Perrier

Commémoration du « Printemps étudiant 2012 »

2022, cela fait maintenant dix ans que le mouvement étudiant déclenchait une grève d’une ampleur et d’une durée sans précédent au Québec. L’objectif de ce mouvement d’opposition était le suivant : l’annulation de la hausse des droits de scolarité projetée par le gouvernement Charest dans le budget de 2012-2013. Et depuis, les droits de scolarité suivent la hausse de l’inflation1. Manifestement, nous sommes loin d’un gel. Oui, la hausse envisagée par le gouvernement Charest, sur la période d’abord de 5 ans et ensuite de 7 ans, a été bloquée. Mais, le gouvernement Marois a mis en place un mécanisme automatique annuel haussier de ces droits. Résultat : les droits (ou les frais ?) de scolarité́ sont toujours en hausse et plusieurs étudiant∙e∙s ne cessent de s’endetter pour accéder au savoir.

Combien coûterait l’annulation des droits de scolarité́ à l’université́ au Québec ? À l’époque, le coût de la mesure correspondait à moins de 1% du budget de la province de Québec. Aujourd’hui ? Aujourd’hui cela coûterait beaucoup moins que les 10 milliards du tunnel Levis -Québec promis par le gouvernement caquiste dirigé par François Legault.

Droits de scolarité : l’abolition est une mesure envisageable et possible

Au sortir du conflit étudiant de 2012, l’ex-premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, accordait une entrevue au quotidien Le Devoir2. Entrevue dans laquelle il confirmait que le Québec avait les moyens d’abolir (oui, vous avez bien lu, « abolir ») les droits de scolarité et qu’il s’agissait seulement, pour que cette mesure se concrétise, d’une volonté politique.

Conclusion

Pour obtenir un jour, le gel des droits de scolarité et leur éventuelle abolition, il faut continuer à rappeler de combien ceux-ci augmentent annuellement. Il faut également préciser qu’année après année le gouvernement du Québec a de plus en plus à sa disposition les ressources financières pour les abolir. Il s’agit là, comme le précisait Jacques Parizeau, d’une simple question de volonté́ politique.

Yvan Perrier,
Professeur au département de Sciences sociales

À qui la rue?

Par Édouard Bernier-Thibault

Portrait de la mobilisation et des évènements de la semaine de grève du 22 au 25 mars.

Que reste-t-il de la mobilisation et de l’esprit de 2012 dans le monde étudiant du Québec?

Aujourd’hui, certaines personnes jugent que l’implication politique n’est plus ce qu’elle était. Elles considèrent la communauté étudiante plutôt désordonnée et démobilisée dans son état présent.

Toutefois, des enjeux pressants comme la justice climatique pousse plusieurs personnes aux études à s’engager, comme le montre les nombres impressionnants de jeunes qui vont manifester à ce sujet.

Dix ans après 2012, la collectivité étudiante est-elle capable de retisser et de renforcer ses liens de solidarité pour demander une éducation accessible, libre et émancipatrice? La gratuité scolaire est-elle encore un projet pour lequel elle est prête à se battre? La communauté étudiante peut-elle être, encore une fois, un agent de changement dans la société?

C’est pour répondre à ces questions que j’ai documenté mon expérience et celle de mes camarades de l’AGECVM pendant les journées de grève du 22 au 25 mars. En essayant de m’impliquer comme je le pouvais, j’ai observé certains phénomènes, j’ai échangé avec plusieurs personnes, j’ai eu certaines réflexions et j’ai cru apercevoir certains enjeux. Le présent article a pour but de contribuer autant que possible à la construction (ou reconstruction) d’une communauté étudiante plus informée et plus solidaire.

Mise en contexte

Après un long et ardu processus d’adoption des mandats de grève pour le 22 au 25 mars, je me demande à quel point la préoccupation des étudiant-e-s pour des enjeux sociaux est importante. Est-ce que les étudiant-e-s sont prêt-e-s à faire des sacrifices pour améliorer leurs conditions de vie, pour changer la société? Je suis sorti de l’Assemblée générale du 11 mars avec une grande motivation pour les évènements à venir, mais une certaine préoccupation par rapport au réel désir d’engagement de la communauté étudiante…

Durant la semaine de relâche, j’ai essayé de m’impliquer comme je le pouvais dans le comité de mobilisation, qui a comme mandat principal de sensibiliser, mobiliser et coordonner les collégien-ne-s à propos de leurs intérêts et droits. J’y ai rencontré des personnes exceptionnelles qui se dédient et s’épuisent à essayer de faire bouger notre grande collectivité étudiante. Tout ce qui s’est déroulé durant la semaine de grève est en grande partie le fruit de leur travail.

Lundi 21 mars

Le lundi n’est pas une journée de grève, mais la mobilisation est déjà en marche. Après avoir terminé la bannière pour la grève le dimanche soir, le comité de mobilisation travaillent toute la journée pour informer les étudiant-e-s de ce qu’il allait se passer cette semaine.

Un membre du comité Envieuxronnement et moi-même sommes aller visiter les associations étudiantes de l’Université de Montréal pour coordonner des actions communes. À notre déception, plusieurs ne sont pas en mesure de nous suivre cette semaine. Celles qui ont voté des grèves ont déjà planifiés des évènements au même moment que les nôtres. Je ne peux m’empêcher d’être légèrement frustré par cette situation. Nous sommes toutes des personnes en grève, qui sont mobilisées et à peu près en accord sur les mêmes idées, mais nous n’arrivons pas à nous coordonner pour agir ensemble.

Peu importe, la mobilisation au CVM s’est bien déroulée. Tout le monde se prépare pour les quatre jours de piquetage qui vont suivre.

Mardi 22 mars

5h du matin, réveil difficile. Je me dirige péniblement vers le Cégep. Plusieurs personnes sont déjà présentes à mon arrivée. Le contact avec les autres collégien-ne-s et l’ambiance du piquetage me remontent tout de suite le moral. Je me rends compte rapidement que je l’ai bien facile avec mon réveil à 5h. D’autres ont dû se lever beaucoup plus tôt pour être au piquetage. « Après la défaite de l’AG du 10 mars, c’est beau de voir que plusieurs personnes sont présentes ici ce matin pour soutenir la grève », dit une amie et étudiante en Sciences humaines. Effectivement, je me suis dit que le nombre impressionnant de personnes au piquetage remettait peut-être en question au moins en partie le discours de certains sur la dépolitisation des jeunes.

Après la déclaration officielle de grève, plusieurs personnes sont venues en aide aux associations de l’UQAM, afin de les assister pour leur piquetage. L’expérience est intéressante, mais tumultueuse : nous faisons face à deux personnes violentes qui tentent de briser notre piquetage de force. Une d’elles frappe un étudiant du CVM. Malgré cela, le piquetage tient bon et ces évènements nous ont remplis d’énergie pour la suite.

L’évènement principal de la journée est la manifestation pour la gratuité scolaire, qui commence à 13h à la Place du Canada et termine au parc Émilie-Gamelin. Avant la manifestation, plusieurs organisations militantes sont présentes pour distribuer leurs pamphlets, vendre leurs livres et revues ou même pour recruter de nouveaux membres. À un moment, je me suis dit qu’il est un peu absurde d’avoir toutes ces organisations progressistes et anticapitalistes, mais divisées et même parfois presque hostiles les unes aux autres pour ce qui apparaît à mes yeux comme des détails. Est-ce vraiment pertinent de se morceler autant quand il faut mener des combats ensemble pour avoir une chance de gagner nos luttes?

La manifestation est superbe. Même si le nombre de personnes n’est pas aussi élevé qu’à celle d’il y a dix ans, le niveau d’énergie est fort. On donne tout pour crier les phrases et les chants qui nous tiennent à cœur. Nous avons scandé ceux-ci toute la semaine. Même si on est fatigués, on sent le début de quelque chose de beau et on est prêt pour la suite.

Mercredi 23 mars

Le mercredi est moins chargé en événements. Après un piquetage moins populaire au Cégep et moins agité à l’UQAM, plusieurs d’entre nous se dirigent à un rassemblement pour la rémunération des stages devant le Consulat général d’Italie. L’évènement a lieu à cet endroit pour protester contre la condition particulièrement précaire des stagiaires dans ce pays, où deux d’entre eux sont morts récemment. Le collectif Un Salaire pour toustes les stagiaires milite actuellement partout au Québec, principalement pour la rémunération de tous les stages.

Jeudi 24 mars

À la suite du piquetage habituel, c’est au Cégep de Saint-Laurent (CSL) que plusieurs d’entre nous se dirigent pour les aider avec leur piquetage. Une fois sur place, le piquetage est terminé, mais cela m’a donné l’occasion de poser des questions à des étudiant-e-s du CSL pour voir quel est l’état de la mobilisation chez eux. J’ai eu la chance de discuter avec une étudiante en musique du collège qui m’a parlé des difficultés de l’organisation de toutes les personnes étudiantes. Cela était-il différent en 2012? Qu’est-ce qui a fait que plus de personnes se sont impliquées dans le mouvement étudiant?

À 11h30, un groupe composé majoritairement de cégepien-ne-s s’est réuni devant les bureaux de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) afin de protester contre ses tentatives d’affaiblissement des assurances collectives des associations étudiantes du Québec. L’occupation fut courte en raison de la pluie, et celle-ci s’est déroulé sans conflit avec la police ou la sécurité.

La journée s’est terminée en force, avec une manifestation de soir pour la rémunération des stages et la gratuité scolaire. La colère générale est palpable, les slogans sont plus vifs, mais il y règne quand même une ambiance positive. Ce qui en ressort avant tout est une frustration réelle, mais légitime, ainsi qu’un refus clair d’accepter la précarité étudiante.

Vendredi 25 mars

Cette quatrième et dernière journée de grève est à la fois triste et soulageante. D’un côté, l’élan de contestation que nous avons aidé à bâtir allait inévitablement perdre de la force après la fin de la grève. Cependant, la fatigue de tous est évidente; il est clair que nous avons besoin d’un répit.

Malgré tout, c’est dans une ambiance de fête que commence la manifestation pour la justice climatique, organisé par le comité du CVM Envieuxronnement. Musique, danse et chant sont au rendez-vous en attendant de se mettre en marche vers le monument George-Étienne Cartier, où va se donner un « teach-in » en début d’après-midi pour la solidarité avec les premiers peuples et la justice climatique.

Fin ou début?

Les évènements du 21 au 25 mars sont-ils des phénomènes isolés ou le début d’un mouvement? Difficile à dire pour l’instant, mais je souhaite sincèrement qu’ils soient le début de quelque chose de plus grand. Le monde ne manque pas de problèmes face auxquels il faut s’indigner. Il ne manque que des solutions, ou plutôt des gouvernements qui écoutent et appliquent les bonnes solutions.

Aujourd’hui, particulièrement, il me semble qu’il est plus que légitime de prendre une pause, de se questionner, de se rassembler et de perturber ne serait-ce qu’un peu le cours des choses pour éviter de perdre tout ce qui nous est cher. On dit parfois que si on ne s’occupe pas de la politique, elle s’occupera de nous. Détournons-nous donc un peu de nos devoirs, de nos bureaux, de nos maisons et de nos bébelles pour nous retrouver ensemble, pour nous rassembler et décider de ce que nous voulons et de ce que nous ne voulons pas!

Condition étudiante et budget provincial : synthèse

Par Édouard Bernier-Thibault

Les dix ans du printemps érable ainsi que la mobilisation des étudiantes et étudiants durant ces dernières semaines nous forcent à reconsidérer, entre autres, le projet de la gratuité scolaire. Après avoir été le sujet de débat par excellence en 2012, il me semble qu’on entend beaucoup moins parler de la question de l’accès à l’éducation.

Pourtant, l’évolution et la situation présente de la condition étudiante est loin d’être idéale. Selon les données du gouvernement colligées par La Presse, les frais de scolarité ont augmenté de 1020$ (en tenant compte de la baisse des crédits d’impôt) depuis 2012, passant de 2 886$ à 3761$ aujourd’hui. En plus de cela, le coût de la vie, et surtout du logement ont augmenté, rendant la vie des personnes étudiantes toujours plus coûteuse.

La rémunération des stages est un autre enjeu important qui a beaucoup été mis de l’avant dans les dernières semaines. Plusieurs stagiaires (surtout celles dans des métiers traditionnellement féminins) doivent travailler un grand nombre d’heures par semaine sans aucune rémunération.

Finalement, bien qu’elle affirme reculer sur ses intentions initiales, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) semble vouloir faire des démarches pour rendre illégale la contribution automatique de tous les membres de l’AGECVM à une assurance collective, ce qui aurait l’effet de réduire considérablement son importance ainsi que d’affaiblir les associations étudiantes.

Tout cela tend vers une plus grande précarité étudiante, c’est-à-dire une instabilité et une insécurité socio-économique plus forte au sein de la communauté étudiante. Les effets négatifs que cette précarité peut avoir sur la santé mentale, physique ainsi que sur la réussite scolaire sont évidents.

Bref, la communauté étudiante est loin de « l’avoir facile » ou d’être à l’abri du genre de mesure comme la hausse des frais de scolarité contre laquelle elle s’est battue en 2012. De plus, la pandémie dans laquelle nous sommes depuis deux ans a grandement affaibli les liens de solidarité entre les étudiants ainsi qu’entre les associations étudiantes.

Avec des élections provinciales cet automne (3 octobre), il se peut très bien que cet enjeu soit l’un des thèmes importants de la campagne. Le dernier budget du gouvernement caquiste est présenté comme offrant « un appui financier accru et une réduction de l’endettement » pour les personnes aux études. Pour cela, le budget du ministre des Finances, Éric Girard, prévoit de fixer la hausse des frais de scolarité à un niveau plus bas que prévu (selon le principe de l’indexation), de financer des mesures de soutien à la réussite et de reconduire pour un an l’élimination des intérêts sur les prêts étudiants instaurés en contexte de pandémie l’année dernière (principalement).

Toutefois, des personnes comme Manon Massé, la co-porte-parole de Québec Solidaire ainsi que certains syndicats enseignants et étudiants considèrent le budget comme étant insuffisant pour lutter contre la précarité étudiante et pour l’accès aux cégeps et universités. De plus, le discours ainsi que le vocabulaire de M. Girard pour parler d’éducation prend une forme plutôt « économique », voire « marchande »: « Nous souhaitons doter le Québec d’un système d’éducation modernisé, plus performant et plus innovant […] Dans un contexte de rareté de main‑d’œuvre, où il faudra augmenter le nombre de Québécois ayant les compétences que recherchent les employeurs au sein de la population active, il faut miser plus que jamais sur l’éducation. » L’une des critiques majeures du mouvement étudiant de 2012 était justement de considérer et traiter l’éducation selon sa seule valeur marchande.

Dans ce contexte, faut-il s’attendre à un retour du grand débat sur l’accès et l’organisation de l’éducation? C’est probable. Je ne m’aventurerai pas à prendre position sur la question ici. Mon souhait était de présenter brièvement la situation de la communauté étudiante aujourd’hui, les grandes lignes par rapport à l’éducation dans le récent budget provincial, puis certaines critiques de celui-ci. C’est aux étudiants et étudiantes de réfléchir individuellement et collectivement sur leurs intérêts ainsi que leurs positions par rapport à l’éducation, pour mieux les protéger et militer pour les faire triompher dans la société.

Voici quelques liens pour vous informer et prendre connaissance de certaines des positions sur la question:

https://iris-recherche.qc.ca/publications/tarification-de-leducation-postsecondaire-ou-gratuite-scolaire/

https://lactualite.com/lactualite-affaires/contre-la-gratuite-scolaire-a-luniversite/

https://www.marxiste.qc.ca/article/greve-etudiante-faisons-revivre-les-traditions-revolutionnaires-de-2012

Voici la proposition de grève qui a été faite par l’AGECVM, où est inscrite une liste d’arguments formulée par notre association étudiante pour la gratuité scolaire, la rémunération des stages et les assurances collectives .

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