Découvertes musicales du mois d’avril 2021

La fin de session approche (peut-être êtes-vous déjà dedans). Dans tous les cas, j’écris encore sur de la nouvelle musique pour relaxer entre deux examens ou pour une session d’étude intensive. Tous deux sortis en mars 2021, les projets que je vous propose ont en commun le renouveau d’une identité artistique. J’ai donc eu l’opportunité de m’entretenir avec les principaux intéressés pour vous présenter Le grand héron d’Alexandre Duguay et Printemps de Filpo.

Le grand héron – Alexandre Duguay

Né dans une famille de musiciens, Alexandre Duguay commence son parcours musical en piano et en chant classique, puis touche au jazz au secondaire et poursuit son exploration en s’inspirant de plusieurs genres, allant même plus récemment jusqu’au rap et au beatmaking. C’est en cherchant une nouvelle façon de présenter ses projets qu’il décide d’effectuer un travail complètement solo. Avec l’apprentissage autodidacte de la guitare et une période de nouvelles découvertes musicales plus proches du folk, c’est en partie pour se mettre au défi et découvrir tout ce dont il est capable qu’il se lance dans la création de Le grand héron.

Alexandre Duguay (A.D.) : « Ce projet-là, je l’ai enregistré moi-même dans mon salon, j’ai fait la guitare, le piano, la bass… tout ce qu’on entend! J’ai même fait le mix! »

Le grand héron, c’est un EP touchant. Je dis touchant, car c’est le premier effet que j’ai ressenti après l’écoute. Avec ses airs doux à la voix et ses harmonies recherchées, tantôt rafraichissantes, tantôt conflictuelles, il émane de chaque pièce une énergie qui crie l’émotion. Le mélange d’instruments qu’on entend à un moment ou un autre dans le EP crée chaque fois un nouveau son, une nouvelle couleur musicale et ça rend le tout encore plus agréable. C’est envouté par la guitare sèche caractéristique de tous ses morceaux qu’Alexandre Duguay nous fait traverser des textes empreints de poésie.

A.D. : « C’est un désir de créer pis de le faire entièrement en français avec un langage plus poétique, un peu vaporeux, rêveur. J’aime que les textes donnent l’espace à l’interprétation. »

La suite pour Alexandre : il n’y a rien de coulé dans le béton. Cette nouvelle identité musicale lui plait et il dit souhaiter conserver une certaine uniformité stylistique, mais le désir de recherche de nouveaux sons demeure toujours en lui. On peut peut-être s’attendre à des collaborations ou à encore plus d’instruments joués par une seule et même personne! Dans tous les cas, comme Alexandre le dit si adroitement, c’est un projet qui porte bien son nom, « à l’image du grand héron : patient, solitaire », mais j’ajouterais : « et majestueux ».

Printemps – Filpo

Créé un peu avant la pandémie, Filpo est le nouveau groupe du guitariste, chanteur et auteur-compositeur Paolo Philpot, anciennement à la tête de Cherry Chérie. Avec Gabriel L’Heureux à la basse, Gabriel Lapointe à la batterie et Paul Aubry aux claviers, le quatuor se lance dans le rock indie le plus total avec l’album Printemps. Le groupe, alors sans nom, entre en studio au début de l’année 2020 pour enregistrer certaines pièces et se construire une nouvelle identité sonore, mais l’arrivée de la Covid-19 vient changer la donne. Les concerts étant en temps normal leur principale source de revenu en tant que musiciens indépendants, Paolo et ses camarades doivent tout d’un coup retrouver une certaine stabilité autrement. Malgré tout, pour le projet Filpo, la pandémie aura mis en marche certaines choses.

Paolo Philpot (P.P.) : « La pandémie nous a permis de réfléchir à comment on allait présenter ça au public pis de prendre la décision de lancer un nouveau projet. »

En mars 2021, le groupe nous offre donc un album de 10 plages traversant un vaste tableau de couleurs et d’environnements. C’est ce qui fait tout le plaisir lors de l’écoute : l’évolution, le changement. En plus de caractériser l’album pour ses créateurs, ces thèmes s’entendent dans sa construction et dans la musique même. Chaque pièce suit son propre chemin, assurant ainsi une constante nouveauté durant la découverte de l’album.

P.P. : « Les thématiques de l’album, c’est beaucoup le renouveau, le changement. Ça parle d’amour : de là le titre Printemps. »

À travers les solos de Paul Aubry et les riffs de Gabriel L’Heureux, les textes de Paolo, agrémentés par le jeu puissant de Gabriel Lapointe, passent comme une flèche et nous font vivre ou revivre ses désirs d’émancipation, de revendication et de recherche de soi dans lesquels on se retrouve tous. Un rock aux synthétiseurs très 1970 à l’inspiration punk et à forte tendance 1990 : la recette du bonheur.

P.P. : « Les textes et leur écriture sont très importants pour moi. Je m’inspire beaucoup de jeunes poètes québécois, de la littérature. Je voulais vraiment inscrire le projet dans la tradition québécoise de la chanson. C’est un peu le pont entre le côté anglo-saxon du rock et les textes plus québécois, avec une dimension collective et sociale. »

Avec l’été qui vient, difficile de dire ce qui sera possible côté concerts, mais l’idéal pour Filpo serait d’avoir l’occasion de performer en spectacle avec son nouvel album et le présenter au public en direct. Sinon, ce sera du nouveau travail de studio. « Difficile de relancer la création quand on n’a pas eu la chance de jouer notre musique », explique l’auteur-compositeur. Pour l’instant, je ne peux que vous recommander d’aller écouter Printemps en masse et d’encourager ces excellents musiciens, en attendant de pouvoir apprécier le tout en personne.

Retrouvez Filpo sur Instagram et Facebook.

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Exposition virtuelle des finissantes en Design et présentation

Du 5 au 8 mai au Cégep du Vieux Montréal, les finissantes du programme Design et présentation vous invitent à leur exposition qui marquera la fin de leurs études collégiales.

L’événement devait être accessible au public qui aurait pu aller voir le résultat directement au cégep, mais il sera seulement ouvert aux personnes invitées par les étudiantes. Comme plusieurs expositions présentées dans diverses institutions culturelles, l’événement sera toutefois accessible virtuellement grâce à Matterport, une entreprise permettant de voir une exposition en 3D comme si on y était. L’équipe présente l’événement comme une exposition « immersive et apte à faire plonger les gens dans un univers aussi mémorable qu’étonnant ». Vous trouverez davantage de détails sur le compte Instagram de l’événement.

Découvertes musicales du mois de mars 2021

Toujours en recherche de nouveauté, je me suis tourné vers une musique aux couleurs du soul, du rap et de la pop pour le mois de mars. Sans le remarquer, deux thèmes semblent revenir dans mes trois découvertes : l’introspection et le ressentiment personnel. Projets que j’attendais, musiciens découverts récemment, voici trois artistes qui ont sorti de la nouvelle musique dans le dernier mois. Je vous présente donc Magi Merlin, Nomad et Meloire.

Magi Merlin – Drug Music

Excellente chanteuse à la voix particulièrement libre et malléable, Magi Merlin offre un EP qui, avec ses sons graves et lents, semblent pesants, lourds, comme si elle sortait un poids d’elle-même pour nous l’offrir en musique. Un univers sonore complet et complexe se crée autour des quatre plages du projet et nous entraîne dans cette écoute. À la croisée entre le néo-soul très présent et le RnB, j’entends également des couleurs du jazz et particulièrement du gospel dans ses harmonisations et dans ses choix d’instrumentation. Les pistes s’entremêlent et se superposent dans lesquelles sa voix est complémentée de chœurs et de fioritures chantées, le tout dans cette étagement musical dichotomique entre l’onirique et l’écrasant. Vraiment, un magnifique projet.  Réalisé par un artiste dont j’ai déjà parlé, Funkywhat, c’est avec la même adresse que ses beats se mélangent à merveille aux chansons et à la voix de Magi. Évidemment, Magi Merlin ne se résume pas à cet EP. C’est pourquoi, pour découvrir cette artiste, je vous recommande aussi tous ses singles sortis auparavant et son autre EP On My Way to the Listening Party qui sont tous aussi réussis. Personnellement, j’ai un faible pour sa chanson Sit with your friends. En somme, une artiste à garder à l’œil et si je ne vous ai pas convaincu, l’écoute de Drug Music le fera à ma place.

Nomad – Zéro

Musicien dont je suivais déjà le travail et album que j’attendais, vous l’avez peut-être entendu avec Kirouac et Kodakludo sur FEU de leur album AMOS, ou avec l’artiste et beatmaker Abadie, Nomad est un rappeur prometteur qui a sorti son premier projet solo le 26 mars 2021. Dans un message partagé sur sa page Instagram, il nous fait comprendre que ce n’est pas le EP qu’il voulait sortir, mais celui qu’il devait sortir, avec des pièces qui lui ressemblent plus et qui sont témoins de sa vie. C’est tout à son honneur puisqu’on le ressent très bien dans sa musique et particulièrement dans ses textes. Plusieurs peuvent certainement être rejoints par son écriture qui semble même évoluer durant le EP. Passant d’un message plus difficile, représentatif d’un moment précis au début du projet, et allant jusqu’à Bad Vibes, la dernière pièce, dans laquelle on écoute une certaine acceptation, comme une arrivée à une nouvelle étape. En musique, c’est une production minutieuse et un rap souvent chanté qui me fait penser aux couleurs franco-européennes. Toujours une belle évolution dans l’instrumentation et dans les beats, on écoute des environnements sonores différents et variés qui fonctionnent très bien avec le propos. Nomad réussit vraiment à nous faire voyager avec lui dans ses textes et sa musique. À écouter d’un trait pour bien en profiter.

Meloire – Les enfants seuls

Je voulais terminer par vous présenter rapidement Meloire, un jeune artiste dont nous avons eu la chance d’entendre le premier projet au printemps passé avec le single Mouth Closed. Le 12 mars 2021 sortait son troisième single Les enfants seuls et je trouvais important de le présenter, aussi simplement faut-il, car il mérite d’être surveillé. Jouant sur la frontière entre la musique électronique et le chant avec ce qui pourrait s’apparenter au rap, Meloire présente des pièces chantées par-dessus une instrumetation électronique complètement faite maison. Je mets l’emphase sur sa production, soignée et particulièrement bien mixée, puisque ça le fait réellement briller. Texte particulièrement frappant, Les enfants seuls présente la réalité d’un jeune artiste se cherchant à l’aube de l’âge adulte. Une réalité partagée par plusieurs jeunes, surtout en ce moment, tous confinés, tous seuls. En conclusion, de beaux textes, une construction de l’instrumentation recherchée et une utilisation personnelle de la voix. J’ai très hâte de voir son développement futur.

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10e édition du PCCQ : Quel film remportera le prix?

C’est aujourd’hui qu’ont débuté les délibérations nationales du Prix collégial du cinéma québécois (PCCQ). Rassemblant des représentants de 54 collèges, ces délibérations virtuelles, pandémie oblige, couronneront un des cinq films en lice pour ce prix: Prix qui en est à sa dixième édition. Qui le remportera? Voici un tour d’horizon des films en lice.

Jusqu’au déclin (Patrice Laliberté)

Photos : Couronne Nord – Courtoisie

Premier film québécois distribué par Netflix, Jusqu’au déclin raconte l’histoire d’Antoine (Guillaume Laurin), un père de famille, qui participe à un camp survivaliste donné par Alain (Réal Bossé). Camp situé en pleine forêt qui a pour but de les entraîner en cas de catastrophe. Tout bascule toutefois lors d’un accident.

Nadia, Butterfly (Pascal Plante)

Photos : Maison 4:3 – Courtoisie

Deuxième long-métrage de Pascal Plante et sélectionné pour la sélection officielle 2020 du festival de Cannes, Nadia, Butterfly suit Nadia Beaudry (Katerine Savard), une nageuse de l’équipe canadienne qui va prendre sa retraite. Certains ne veulent pas mais elle est sûre de sa décision. Faits intéressants : l’actrice principale est elle-même une nageuse et le film se déroule aux Jeux Olympiques de Tokyo.

Les Rose (Félix Rose)

Photos : Office National du Film – Courtoisie

Documentaire distribué par l’Office national du film du Canada (ONF) qui montre un portrait de Paul Rose, figure marquante de la crise d’octobre. Fils de celui-ci, Félix Rose tente de comprendre ce qui a mené son père ainsi que son oncle (Jacques Rose) à participer à ce mouvement et ainsi, commettre l’enlèvement du ministre Pierre Laporte. Ce film est sorti en août 2020 alors que l’on allait souligner les 50 ans de la crise d’octobre.

Mafia Inc. (Daniel Grou/Podz)

Photos : Les Films Séville – Courtoisie

Film dont l’action se déroule en 1995, il met en vedette Vincent « Vince » Gamache (Marc-André Grondin) qui est proche du parrain de la mafia montréalaise (Frank Paternò joué par Sergio Castellitto). Celui-ci lui confie davantage de responsabilités contrairement à son fils Giaco (Donny Falsetti). Tout ça à travers une histoire douteuse de construction de pont reliant la Sicile et le sud de l’Italie. Éventuellement, un geste posé par Vincent dépassera les limites émises par le parrain.

Je m’appelle humain (Kim O’Bomsawin)

Photos : Maison 4:3 – Courtoisie

Documentaire qui relate l’histoire de la poétesse innue Joséphine Bacon. La réalisatrice suit Joséphine Bacon sur les lieux qui ont marqué sa vie. On va par exemple sur un lieu qui n’existe plus, qui est devenu une station-service qu’a fréquenté Joséphine Bacon lors de son arrivée à Montréal à la fin des années 1960. Le film se déplace également vers le Nushimit, une terre ancestrale située sur la Côte-Nord, près de Baie-Comeau.

Le film gagnant sera annoncé le samedi 27 mars, soit demain, à la fin des délibérations nationales.

Chick Corea : cinq albums à découvrir ou redécouvrir

Février 2021 fut un mois de deuil pour la grande communauté du jazz à l’international en predant trois musiciens qui ont marqué les esprits. Les décès du saxophoniste Howard Johnson, du batteur Milford Graves et finalement du pianiste Chick Corea furent tout aussi attristants que fulgurants dans le cas de Chick. C’est sur ce dernier que portera cet article de recommandations musicales, Sans aucun doute l’un des pianistes les plus influents de son époque, je vous propose de découvrir en musique ce jazzman légendaire.

Un peu d’histoire

Amateurs de jazz, soyez indulgents. Ce n’est pas un tâche aisée que de résumer la carrière d’un monument en quelques centaines de mots, mais je me lance!

Chick Corea naît le 12 juin 1941 à Chelsea, dans le Massachussetts. Très jeune, son père trompettiste lui apprend le piano classique, étant d’ailleurs sa formation de base comme presque tous les musiciens de jazz de l’époque. En parallèle du piano, il apprend aussi la batterie, qui demeure encore aujourd’hui l’un de ses talents cachés. Chick est accepté dans les prestigieuses écoles de la Columbia University puis Julliard, mais quitte rapidement; c’est en jazz qu’il veut faire carrière. Dans ses débuts, on le voit jouer avec Cab Calloway, Blue Mitchell, et plusieurs spécialistes de la musique latine, élément qui deviendra central dans son style. Déjà reconnu pour son jeu, son premier album paraît en 1968 avec pour titre Tones for Joan’s bones.

Après cela, tout s’enchaîne. Il performe avec le saxophoniste Stan Getz et le trompettiste Miles Davis, une collaboration qui deviendra tournante dans son parcours alors qu’il deviendra membre du fameux quintette, et il enchaîne les sorties d’albums. Novateur, Chick Corea arrive pile au bon moment pour participer aux débuts du jazz fusion en participant entre autres au mythique Bitche’s Brew et est considéré comme un des fondateurs du jazz rock. Dans cete montée en 1971 le groupe Return to Forever qui sera un ensemble phare du mouvement fusion en alliant jazz latin que Chick chérit toujours. Sans cesse en création, le Chick Corea Elektric Band sort son premier album éponyme en 1986 dans lequel Corea explore encore plus les couleurs du synthétiseur, de la basse et de la guitare électrique en continuité avec le son qu’il avait commencé à créer avec Return to Forever. S’ensuit l’album Chick Correa Akoustic Band en 1989 avec le même batteur et bassiste que dans l’Elektric Band. On le voit alors revenie tranquillement à un jazz lus traditionnel dans la formation de ses ensembles et le son de ses albums sans jamais vraiment oublier son style.

Il participe à des dizaines de projets musicaux en plus des siens, notons entre autres les collaborations avec le vibraphoniste Gary Burton, le pianiste Herbie Hancock et le chanteur Bobby Mcferrin. Le 9 février 2021, le pianiste s’éteint, attaqué d’un cancer violent détecté tardivement. Une belle carrière aux multiples couleurs, aux multiples collaborations et aux multiples récompenses (il recevra 23 Grammys au total), Chick Corea ne cessa jamais d’impressionner, d’innover et surtout de jouer.

Dans le but de vous faire connaître le musicien et de vous inciter à écouter un peu de jazz, j’ai sélectionné cinq albums de sa discographie qui m’ont particulièrement marqué. Certains très connus, d’autres moins, j’ai essayé de trouver de la musique éclectique et variée qui sauront, je l’espère, plaire au plus grand nombre. Voici donc le pianiste Chick Corea.

Now He Sings, Now He Sobs (1968)

Afin que vous puissiez écouter un musicien en évolution, j’ai décidé de construire ma liste en ordre chronologique. Ainsi, si l’envie vous prend, vous pourrez écouter Chick Corea à différents moments de sa carrière. Je choisis de commencer par son deuxième album : Now He Sings, Now He Sobs. Sans le cacher, il faut dire que pour un non-initié, cet album peut paraître quelque peu ardu par moments, mais il en vaut complètement la peine. En trio avec Roy Haynes à la batterie et Miroslav Vitouš à la contrebasse, Chick est encore dans une volonté de découvrir, de rechercher et de se prouver. Je recommande la réédition de 2002 en CD dans laquelle sont ajoutés plusieurs enregistrements supplémentaires. Dans ces compositions presque toutes originales, le pianiste enchaîne les solos ininterrompus et les longs échanges musicaux avec ses collègues en reprenant un rythme de batterie ou une ligne de contrebasse. Malgré un jazz très moderne aux couleurs et aux rythmes libres et déjantées, on retrouve du post-bop très présent autant que du latin dans Bossa et un peu dans Samba Mantra de même que de l’exploration sonore dans The Law of Falling And Catching Up qui s’apparente au free jazz. Un musicien jeune et imaginatif, particulièrement inspiré et inspirant.

Crystal Silence (1972)

Collaboration mémorable qui deviendra représentative de la carrière des deux artistes, cet album de duo fait collaborer Chick Corea avec le vibraphoniste Gary Burton sur huit pièces dont cinq compositions originales. Un choix de pièces au tempo plutôt lent permet aux deux musiciens de développer des idées musicales sans se presser. Burton se mêle parfaitement au style latin de Corea pour allier swing et inspirations sud-américaines ou espagnoles. Toujours dans la découverte, les solos s’entremêlent, se juxtaposent et s’échangent du vocabulaire dans cet environnement souvent calme et facile d’écoute.  Le duo se retrouvera pour offrir de nouveaux albums et concerts. Un jazz relaxant et magnifique, une collaboration à écouter lors d’une soirée froide ou pour le plaisir de s’immerger dans leur univers musical.

Light As A Feather (1973)

Deuxième album de la formation Return to Forever créée par Chick un an plus tôt, l’album ne se fit pas attendre et reçut une réception aussi encourageante que la première. Sans doute la porte d’entrée pour plusieurs au jazz fusion et à la musique de Chick Corea, l’album et le groupe sont devenus mythiques. J’aurais pu parler du premier album du groupe (que je recommande évidemment), mais ce second, même s’il parait seulement un an plus tard, me semble encore plus accompli, comme la suite logique au premier. La formation de Chick Corea au piano électrique, Flora Plurim au chant, Airto Moreira aux percussions latines et à la batterie, Stanley Clarke à la basse et Joe Farell à la flute traversière et aux saxophones reprend le son sud-américain mêlé au fusion débuté dans le premier album et l’emmène vers des couleurs encore plus rock, annonçant la suite des travaux du pianiste. Des thèmes dansants aux harmonisations plus poussées par l’incorporation de la chanteuse qui se fait beaucoup plus présente transforme l’album en une véritable fête. De cet œuvre sortent des classiques comme Spain, You’re Everything ou Light as a Feather. Encore une fois je vous recommande la version 2 CD de 1998 dans laquelle vous aurez les enregistrements alternatifs ainsi que de nouvelles pièces que vous reconnaitrez peut-être de Crystal Silence.

The Chick Corea Elektric Band (1986)

Nouvelle formation, nouveau son, ce groupe nous projette dans une musique complètement différente: le jazz-rock. Il est formé de Scott Henderson et Carlos Rios à la guitare électrique, Chick Corea sur différents claviers ainsi que sur son Keytar caractéristique, John Patitucci à la basse électrique et Dave Weckl à la batterie. Les deux derniers étant aussi les membres d’un prochain trio, le Chick Corea Akoustic Band. Avec des ambiances à la croisée entre le pop-funk des années 1980 et le rock progressif, leur jazz-rock est reconnaissable entre autres par le jeu de Weckl, une batterie puissante et omniprésente sur toutes les pistes en plus d’une basse solide et créative. Dans son genre, cet album a tout pour lui. Il représente à merveille le jazz rock et aucune pièce ne mérite d’être ignorée, mais il me faut parler de Got a Match? Probablement la pièce la plus connue et appréciée de l’album et même du groupe, elle est plus proche de la tradition ce qui offrait sans doute du repos aux oreilles des puristes. Elle reste néanmoins une pièce dansante, au solo déjanté du Keytar et une performance incroyable de Patitucci. Si l’album et la pièce en question vous plait, je vous recommande vivement le concert enregistré au Festival International de Jazz de Bern la même année (1986) pour encore plus de plaisir avec des versions de 15 minutes et plus!

Further Exploration (2012)

Je termine avec un album plus récent qui m’a vraiment fait découvrir un nouveau Chick Corea. Enregistré devant un public au Blue Note en 2010, l’album se veut un hommage musical à un grand, si ce n’est le plus grand, pianiste de l’histoire: Bill Evans. Qui de mieux pour accompagner Chick que les deux membres des trios originaux d’Evans: Eddy Gomez à la contrebasse et Paul Mortian à la batterie. En plus de revisiter le répertoire, chaque musicien contribue avec du matériel personnel. On entend entre autres une autre composition originale de Chick Corea intitulée Bill Evans ainsi qu’une pièce d’Evans encore jamais jouée devant public: Son No.1. Le génie de Chick derrière l’album est de réussir à rendre hommage sans simplement imiter le pianiste. Il crée collaborativement à la manière du génie d’Evans tout en conservant son originalité. donnant une toute autre touche aux pièces. Si vous conaissez la musique d’Evans, vous serez en terrain connu en entendant les échanges et entremêlements des improvisateurs, sinon, vous en serez tout autant émerveillés. Un véritable tour de force et un magnifique honneur rendu à Bill Evans.

C’était donc cinq albums du regretté pianiste Chick Corea. En espérant vous avoir fait découvrir un pianiste ou même un style si le jazz n’était pas votre tasse de thé. Je vous souhaite évidemment d’avoir apprécié. Si c’est le cas, jetez un coup d’œil à ses albums Trilogy ou encore à sa collaboration avec Bobby Mcferrin, ça vaut toujours la peine. Dans tous les cas, il est certain que cet old cat ne sera pas oublié et sa musique, jouée encore longtemps. 

Lumière sur les étudiants en danse contemporaine

Au Cégep du Vieux Montréal (CVM), on retrouve deux techniques formant les danseurs de demain : Danse – interprétation contemporaine, affiliée avec l’École de danse contemporaine de Montréal (EDCM), et Danse – interprétation classique en partenariat avec l’École Supérieure de Ballet du Québec. Étudiante dans le programme en contemporain, je voulais mettre la lumière sur le quotidien que vivent mes camarades de première année, ainsi que sur la formation en général.

Fondée en 1981 par Linda Rabin et Candace Loubert, l’École de danse contemporaine de Montréal a pour objectif de former des interprètes en danse contemporaine. Située depuis 2017 dans l’édifice Wilder à côté de la Place des Arts, elle est associée avec le CVM afin de premettre aux étudiants d’avoir une formation collégiale complète sous forme de technique en trois ans. Les cours du tronc commun (philosophie, français et anglais) viennent s’ajouter aux cours spécifiques du programme en danse pour ceux qui prennent le cursus avec le cégep. En effet, certains danseurs ayant, par exemple, déjà complété un DEC ou d’autres études auparavant recevront leurs crédits pour les cours. Ce ne sont donc pas tous les étudiants de l’École de danse contemporaine qui sont inscrits au CVM.

Dans la peau d’un danseur de première année… en pandémie

Après un processus comportant deux auditions, la cohorte de première année se constitue normalement d’environ 25 étudiants du Québec, d’autres provinces du Canada, mais aussi de l’international. Cependant, par les temps qui courent, les danseurs provenant de l’extérieur du pays n’ont pas pu se joindre et d’autres étant entrés en septembre ont préféré quitter le programme à cause du climat pandémique. La cuvée 2020-2023 est donc maintenant constituée de 11 personnes.

Au programme, du lundi au vendredi, trois cours d’une heure trente minutes ayant une pause d’une demi-heure entre chaque classe, le matin, en présentiel à l’EDCM. Ils commencent à 8h et finissent à 13h30. On débute en barre pour danseurs contemporains ou en entraînement connexe, suivi d’une classe de technique contemporaine et d’un cours de recherche créative, de composition chorégraphique ou d’interprétation. L’après-midi, vers 15h, les cours principalement théoriques sont donnés en virtuel, soit les classes spécifiques au programme (danse et société, anatomie pour la danse, éléments de composition, etc.), soit les cours du tronc commun ou bien des cours universitaires pour ceux quicontinuenet d’autres études en même temps. C’est un énorme changement à l’horaire habituel sans COVID-19 qui permet de plus longs cours, et ce, toujours en présentiel…

En raison de la pandémie, les studios ont été aménagés pour permettre la distanciation physique : des carrés au sol délimitent un espace individuel pour danser et les masques sont obligatoires depuis la rentrée et sont fournis par l’école. C’est également une contrainte pour les chorégraphies faites notamment dans le cours d’interprétation, car les déplacements entre les carrés peuvent uniquement se faire sans mettre les mains au sol.

Capacités physiques et mentales

Albert Einstein disait : « Les danseurs sont les athlètes de Dieu. » En effet, la danse est bien un sport, même si quelques-uns n’en sont pas convaincus. La danse contemporaine, comme plusieurs autres styles, demande d’importants efforts physiques. Un mélange de force musculaire et de mobilité doit être bien maîtrisé. C’est un long processus qui doit se faire notamment avec des exercices de renforcement individuel à l’intérieur ou à l’extérieur des cours. Un réchauffement avant le premier cours est notamment primordial afin de préparer le corps. Une salle d’entraînement et un physiothérapeute ou un ostéopathe sont disponibles une journée durant la semaine. Un travailleur social est également à la disposition des élèves. À l’EDCM, on apprend aux danseurs à devenir autonomes sur ces aspects importants. Les élèves étudient notamment plusieurs techniques de préparation du corps comme la technique Pilates ou le Feldenkrais et sont initiés aux différentes techniques de danse contemporaine dont les professeurs s’inspirent pour monter leurs cours.

Aussi, l’École de danse contemporaine de Montréal permet de développer un sens artistique aux danseurs en devenir. Durant les trois années de formation, sans oublier le camp d’été de trois semaines au mois d’août, le danseur cherche à se connaître davantage en tant qu’artiste, mais aussi en tant que personne. Écoute attentive du corps, improvisation et création sont au programme. On retrouve aussi une médiathèque qui regroupe un grand répertoire de vidéos de danse qui sont disponibles pour les étudiants.

Performance

L’EDCM permet aux étudiants de collaborer avec des chorégraphes reconnus de la scène québécoise et internationale, notamment Marie Chouinard, Virginie Brunelle, Frédéric Gravel, Hélène Blackburn, etc. D’autant plus que certains d’entre eux sont diplômés de l’école. Avec un total de cinq grands spectacles, soit un en première année et deux en deuxième et troisième année, les étudiants sont initiés aux processus de création, et ce jusqu’à la production finale, même en ces temps difficiles, car les représentations sont maintenant virtuelles. D’ailleurs tous les étudiants se préparent pour le spectacle de fin de session, soit du 19 au 22 mai pour les danseurs de première et de deuxième année. Quant aux élèves de troisième année, leur spectacle aura lieu du 26 au 29 mai.

L’école donne également la chance à ses élèves de créer des pièces avec le projet Incubateuroù, à chaque session, l’étudiant peut monter un solo sur lui-même ou une chorégraphie sur ses camarades qui sera présenté à un public. Cette année, en raison de la pandémie, ces projets ont été réalisés en vidéo et ont été publiés sur YouTube.

Tous ont vraiment hâte de retrouver les salles de spectacles afin de redécouvrir un public en chair et en os. Bien que les présentations virtuelles leur permettent de présenter leur travail, on ressent le manque de chaleur humaine. Après la réouverture des cinémas en zone rouge, on attend impatient celle des salles et des théâtres.

FWNK : Sincère, personnel et organique

Si le temps des fêtes ne fut pas des plus agréables, j’ai eu l’opportunité de découvrir deux artistes qui, en novembre dernier, ont sorti leur premier EP, qui m’a gardé au chaud pendant ces semaines éloignées de tous. J’ai eu le privilège de parler avec ce duo de créateurs afin de vous présenter de fond en comble, NKUSI et Funkywhat ainsi que leur sortie récente : FWNK

Dans le petit monde du beat-making au Québec, c’est grâce à des cercles d’amis en commun que les producteurs entrent en contact pour une première fois par les réseaux sociaux. D’ailleurs, Mori$$ Regal, qui est le MC de la dernière pièce du EP, est en grande partie responsable de cette rencontre fortuite. C’est malgré tout sans s’être rencontrés en personne qu’ils apprennent à se connaître par la musique en écoutant le travail de l’un et l’autre. 

« C’est comme une blind date! »

NKUSI

Ils réalisent rapidement qu’ils aiment le même genre d’univers musical et sonore, pourtant, l’idée d’un projet commun n’est pas aussi présente que celle du plaisir de faire de la musique ensemble.

Ce sont certainement les mots qui me sont venus à l’esprit quand j’ai voulu qualifier leur projet : sincérité et personnalité. C’est un travail dans lequel la musique est personnifiée par ses créateurs et dans lequel on entend réellement les artistes derrière la musique dans ce qu’il y a de plus simple et honnête. C’est tout à leur honneur, car eux-mêmes s’entendent sur un troisième mot lorsque j’en ai discuté avec eux : organique. 

« C’est propre à nous, à nos couleurs et c’est pas forcé. On n’a pas forcé les featurings, les sessions, les délais, tout s’est fait organiquement. »

NKUSI

« Il [le EP] était supposé sortir vraiment plus tôt, mais chaque fois quelque chose nous gossait, donc on prenait le temps. »

Funkywhat

Réalisé en deux sessions dans la plus grande spontanéité, FWNK vous fera voyager dans les mondes musicaux du hip-hop old-school, du soul, du jazz et plus encore, le tout enrobé d’une couleur unique et de beats aux rythmes décalés et planants. Tel que mentionné brièvement plus haut, on retrouve dans cet EP la participation du rappeur Mori$$ Regal que je vous recommande de découvrir, évidemment. L’autre collaboration est avec la chanteuse Kaya Hoax, qui est elle aussi sérieusement à surveiller ; elle fait un travail extraordinaire.

« Le beat avec Regal, c’était juste obvious, ça prenait un rappeur et tout ce qu’on disait comme le soul, le funk, le jazz, c’est son truc! Kaya Hoax, c’est une de mes amies qui vient de commencer la musique et j’y ai montré le beat qu’on avait fait, elle l’a amené chez elle et quand elle est revenue, elle avait la tune au complet toute écrite.  »

Funkywhat

Le duo ne prévoit pas de gros projets à l’avance, mais il est convaincu que ce n’est pas une collaboration unique, pour le plus grand bonheur de nos oreilles.

« On va garder ça dans la même ligne d’idée que le projet et ce qui nous vient en tête sans forcer, on va le faire. »

NKUSI

Encore une fois, la sincérité envers eux-mêmes et leur création exprime très bien la personnalité du EP FWNK ainsi que de ses beatmakers NKUSI et Funkywhat. En espérant que cette même sincérité vous encouragera à les découvrir.

Vous êtes musiciens, vous cherchez de la visibilité, que vous alliez au Cégep du Vieux Montréal ou non, contactez-moi et je me ferai un plaisir d’écouter votre travail. 

Une lueur d’espoir pour les musées

Tout comme un véhicule à essence ne peut avancer sans carburant, une société ne peut fonctionner sans ce qui lui donne tout son sens, la culture. La pandémie nous aura sans doute permis de prendre un peu conscience de l’importance de la culture dans notre mode de vie. Quand il ne restait plus rien et qu’on avait l’impression d’être impuissant face à tout ce qui arrivait autour de nous, le cinéma, la télévision, la musique et l’art en général nous saisissaient par les épaules pour nous guider et pour nous permettre de passer à travers les temps plus sombres. Pourtant, l’industrie artistique a été énormément marquée par cette pandémie. Elle a souffert beaucoup, elle souffre encore d’ailleurs, et aura de la difficulté à s’en remettre.

Les musées et les galeries d’expositions artistiques ont probablement été les plus touchés par les événements. La plupart ont vu leurs portes se fermer en mars dernier, coupant drastiquement tous leurs revenus et empêchant le public de profiter de tout ce que ces endroits ont à offrir. Avec la réouverture des musées dans quelques jours, c’est un grand soulagement qui se fait sentir dans tout le milieu, mais ça va prendre encore du temps avant que les choses redeviennent comme avant.

J’ai eu l’immense privilège de récolter le témoignage de deux anciennes étudiantes du Cégep du Vieux Montréal, qui travaillent désormais dans le milieu culturel.

Maude Darsigny Trépanier est aujourd’hui médiatrice au Musée McCord. Le Musée McCord, c’est un musée d’histoire sociale qui prône l’ouverture d’esprit, l’ouverture aux autres, au monde et à la ville. Il vise à offrir une  expérience enrichissante qui permet aux visiteurs de mieux  comprendre leur ville, entre autres grâce à l’histoire et au partage d’expériences. Le dialogue et les interactions sociales occupent une place centrale au cœur du musée.

Judith Brassard Bradette est médiatrice au Musée d’Art Contemporain (MAC).  Situé au cœur du quartier des spectacles, ce musée est spécialisé dans  l’art contemporain, c’est -à-dire l’art d’aujourd’hui. On y retrouve des œuvres d’artistes locaux et internationaux et de nouvelles expositions souvent inattendues et saisissantes.

En tant que médiatrices culturelles, Maude et Judith ont été personnellement touchées par la fermeture des musées. Pour bien comprendre, il faut savoir tout d’abord en quoi consiste le métier de médiatrice culturelle. Les médiateurs et les médiatrices culturelles ne sont pas des guides, tient à préciser Maude. Les guides, clarifie-t-elle, sont des personnes en position d’autorité qui donnent  un discours et transmettent des connaissances, tandis que les médiateurs et médiatrices culturelles sont vraiment là pour faire un pont entre l’œuvre et celui qui la regarde. En effet, les guides ne font que donner de l’information, décrire un objet et « imposer » d’une certaine façon, leur interprétation.  L’approche des médiateurs culturels, c’est avant tout le contact avec le public, la discussion et l’ouverture d’esprit. « Notre but, c’est vraiment de créer des relations, créer des liens. On n’est pas là pour déverser un savoir, mais plutôt  pour poser un dialogue ou du moins faciliter un dialogue entre l’œuvre et le public. […] C’est une question de philosophie aussi au niveau de l’approche qu’on utilise au musée », ajoute Judith.

Ainsi, plus de public, plus de médiateurs et de médiatrices culturelles. Mais bien sûr, ils ne sont pas les seules victimes de la fermeture. Au Musée d’Art Contemporain, il y a eu des mises à pied, explique Judith Brassard Bradette,  ainsi que des réductions de salaires pour tout le monde. Le musée, quant à lui, a perdu des sommes phénoménales. Le contenu numérique développé par les institutions muséales c’est de la bonne visibilité, explique Judith, mais les gens ne paient pas nécessairement pour ces choses-là. La réouverture des musées à l’été a été une lueur d’espoir pour beaucoup, mais les revenus générés par les musées étaient loin d’atteindre ceux qu’ils faisaient habituellement, à cause des nombreuses mesures mises en place par la santé publique. Des protocoles stricts limitaient la quantité de personnes qui pouvaient entrer dans les musées et la quarantaine empêchait les artistes à l’étranger de venir accrocher leurs œuvres.

Les musées sont donc pris au piège; soit ils dépensent beaucoup pour développer du contenu numérique et adapter leur établissement pour se préparer à une réouverture, soit ils évitent de s’endetter, mais perdent énormément de visibilité et risquent même de tomber dans l’oubli.

Mais les institutions muséales n’ont pas seulement souffert de problèmes économiques. Les musées et les galeries d’expositions sont d’abord des endroits de partage et de transfert de connaissances. En perdant leur public, ils ont perdu leur raison d’être, tout ce qu’ils représentaient. « En regardant  quelque chose en diapositive ou de manière numérique quand ce n’est pas  conçu pour être numérique, on perd quand même une qualité. On peut aussi perdre l’espèce de présence puis un certain rapport par rapport aux œuvres  directement. » explique Maude Darsigny Trépanier. Judith est aussi de cet avis quant au contenu numérique : « On s’entend que les visites interactives ne remplaceront jamais le contact avec les œuvres originales ça c’est certain, t’as pas l’échelle, t’as pas la sensation, le volume dans certaines  œuvres. Même si c’est une vidéo, ce n’est pas la même chose la regarder sur ton écran que dans une salle de musique. Il y a aussi l’aura muséale quand tu  rentres dans ce lieu-là qui va jouer sur ton état d’esprit et sur ta perception de ce que tu vas  expérimenter. »

Le confinement aura toutefois amené les musées et les salles d’expositions à se démarquer. Maude explique que l’industrie des arts s’est « revirée sur un dix cennes » en trouvant de nouvelles idées innovantes pour toucher le public malgré cette période difficile. Le Musée McCord, comme la majorité des musées, explique-t-elle, a commencé à offrir des visites virtuelles. D’autres initiatives, tel que le projet Casa, ont permis aux artistes émergents de faire connaitre leur art. Le projet a ouvert ses salles à des expositions annulées, écourtées ou même créées à la suite de la pandémie. Maude se dit surprise, mais surtout très fière du milieu artistique qui a su s’adapter à cette nouvelle réalité.

Pour sa part, Judith croit aussi que la pandémie, au travers de toutes ces tragédies, aura amené quelques bonnes choses. « Essayer de réfléchir à qu’est-ce qu’on peut faire, combien de personnes on peut accueillir à la fois, ça nous a permis d’innover en créant un programme qui était vraiment cool cet été. […] Normalement on accueille des vingtaines, voir des trentaines de familles, et là on s’est ramassé à faire des visites privées, ce qui était génial d’une certaine manière parce que ça nous a permis d’avoir un contact avec le public qu’on n’a jamais d’habitude mais du un à un, on avait une famille à la fois, les gens se sentaient super importants parce qu’ils avaient accès au musée des fois même avant l’ouverture, ça a été super populaire. […] Ça a été une occasion d’avoir un contact vraiment fort avec le public. » Mais évidemment, moins de public,  moins de revenus. Le Musée d’Art Contemporain a passé de vingt familles et parfois plus par jour avant la pandémie à quatre par jour cet été, ce qui a été très difficile économiquement.

Après une réouverture estivale temporaire, les musées n’ont pas eu d’autre choix que de fermer leurs portes le 28 décembre dernier. Ce fut donc un soulagement extrême lorsque, le 2 février, le gouvernement du Québec a annoncé la réouverture de plusieurs commerces et établissements, incluant les musées. Ces derniers devront encore une fois s’adapter, se réinventer et travailler fort pour respecter les mesures sanitaires tout en attirant le public dans leurs établissements. Car c’est vraiment ce qu’il faut retenir de cette situation : la réouverture ne signifie pas que les musées retourneront à leur grandiosité d’autrefois, du moins pas de sitôt. Ce sera encore un défi difficile à relever qui demandera beaucoup d’ingéniosité. « C’est ça aussi le danger en ce moment, explique Judith, parce que ça commence à s’étirer, et donc là tranquillement bin on se trouve des jobs ailleurs, et là bin c’est une expertise qui est en train de se perdre, parce que quand ça va rouvrir, qui va rester? […] On est peu nombreux dans le milieu culturel et c’est vu comme un luxe, mais est-ce que c’est vraiment un luxe? Une société sans culture, c’est complètement triste. »

Le Musée d’Art Contemporain est situé au cœur du quartier des spectacles, et le Musée McCord en plein centre-ville de la métropole. Ces deux institutions muséales ont chacune énormément de choses à offrir et n’attendent qu’à ouvrir leurs portes au public. « On avait une exposition toute neuve, ajoute Judith,  super belle, complètement folle que personne n’a vue encore à part certains membres de l’équipe. C’est une exposition qui dort, en attendant la réouverture du musée, qu’on espère bientôt. » 

Ton espoir aura porté fruit, Judith. On se voit le 8 février.  

Masque, musique et danse : le Projet Masque

Masque, musique et danse, les trois éléments clés d’un nouveau projet qui vient de débuter à Montréal : le Projet Masque. Développé en pleine deuxième vague de COVID-19, il regroupe entreprises locales, musiciens et danseurs. Une belle initiative créée par la pianiste Elaine Gaertner.

Au début de l’automne, Elaine Gaertner, pianiste accompagnatrice d’étudiants en danse classique, a réalisé qu’il fallait continuer à conscientiser les jeunes au port du masque. Elle remarquait que beaucoup d’entre eux sortaient de l’école et enlevaient leur couvre-visage alors qu’ils étaient encore en groupe. Ayant aussi une mère âgée de 92 ans, Elaine se sentait encore plus préoccupée, surtout avec la montée des cas d’éclosion venant particulièrement des vecteurs de la jeunesse.

« La meilleure façon de parler aux jeunes, c’est avec des jeunes […] de montrer aux jeunes que porter un masque c’est pour se protéger et que ça peut être cool. »

Elaine Gaertner, fondatrice du « Projet Masque »

Le but du projet est de faire de courtes vidéos mettant en vedette des artistes du milieu de la danse portant fièrement le masque en exécutant quelques pas. Cela dit, avant même d’avoir trouvé les interprètes, Elaine s’est penchée sur les entreprises locales pour la fourniture des masques. Rapidement, elle a eu la réponse de quelques boutiques montréalaises emballées par le projet ; Atelier B, Bien Aller, Au Noir, Elisa C-Rossow, Katrin Leblond, Collection Charleen et Des Loups en font partie. « On aime beaucoup les projets interdisciplinaires […] on préfère faire une collaboration avec une école de danse, que faire une collaboration avec quelque chose qui est relié à la mode par exemple », dit Anne-Marie Laflamme, designer et co-fondatrice d’Atelier B. Elle est enjouée par l’idée d’aider à conscientiser les jeunes au port du masque.

Musique

Les pièces musicales utilisées pour faire les vidéos sont assez libres de choix, mais respectent les droits d’auteurs. Cependant, passionnée de musique, Elaine Gaertner a été inspirée par la résilience et la bravoure du virtuose Denis Brott, violoncelliste de renommée internationale. En mars dernier, il a été gravement touché par le coronavirus et est resté dans le coma pendant trente-deux jours à l’hôpital. Survivant de la COVID-19, Brott a accepté de participer au Projet Masque et enregistrera une performance au Conservatoire d’art dramatique de Montréal afin d’accompagner les chorégraphies de certains danseurs. De plus, Elaine a réussi à avoir l’autorisation d’utiliser la parodie de la chanson Be Our Guest du film Disney La Belle et la Bête, qui a été changée pour Wear a Mask (Porte un masque, en français) par Noah Lindquist. Aussi, la version de la chanson Somewhere Over The Rainbow de Julia Westlin et un arrangement jazz du Lac des Cygnes fait par The David Ricard Big Bang, reconnu pour sa musique dans les films hollywoodiens, feront leur apparition dans certaines capsules.

Interprètes divers

Le projet réunit beaucoup d’artistes du milieu de la danse montréalais, ainsi que quelques-uns aux États-Unis et au Japon. Danseurs classiques et contemporains, artistes de cirque, ex-danseurs, un bel éventail d’interprètes. Parmi ces artistes figurent notamment Vanesa Garcia-Ribala Montoya, première danseuse des Grands Ballets, ainsi que certains danseurs des Ballets Jazz de Montréal et de la compagnie Cas Public qui auront tous la chance de performer sur la musique de Denis Brott. Des danseurs pigistes et des étudiants en danse ont également répondu à l’appel, dont certains provenant du Cégep du Vieux Montréal, sans oublier la participation d’artistes du milieu du cirque, comme le Cirque Éloïze. Les deux gagnants de la deuxième saison du concours de danse télévisuel québécois Révolution, le duo de danseurs composé de Janie Richard et Marcio Vinicius Paulino Silveira, ont aussi accepté de faire une capsule pour le projet.

Les vidéos sont produites directement par les danseurs. Elles peuvent être humoristiques ou plus sérieuses. « Le message est de dire de porter le masque, mais on peut le dire de plusieurs façons », mentionne Elaine Gaertner. L’important est ce qu’elles transmettent. Gaertner se réserve le droit de modifier ou d’ajouter un message aux vidéos afin de diversifier leurs propos liés au port du masque.

Où et quand?

L’objectif est de diffuser les courtes vidéos avant Noël. Elles seront publiées sur la page Facebook du Projet Masque et sur Instagram avec le #mtlprojetmasque. Les premières capsules sont d’ailleurs sorties et n’attendent que d’être partagées par un maximum de personnes. À la base, le Projet Masque est destiné aux étudiants, mais il réussira à atteindre un public beaucoup plus large.

Selon Elaine Gaertner, cette initiative est aussi une belle manière d’élargir le cercle artistique des participants. De futures collaborations entre les designers et les interprètes pourront possiblement en découler.

Découvertes du mois de novembre

Photo : Raphaël Rekab et Marie-Noëlle Bois

La première neige est arrivée, le soleil se couche en après-midi, le froid s’est installé et semble vouloir rester quelques temps ; l’hiver est à nos portes et quoi de mieux pour se réchauffer que d’écouter quelques artistes émergents? Je vous présente ici deux découvertes du mois de novembre : Calamine et Nic Boulay.

Boulette Proof – Calamine

Amateurs de rap québécois, si vous êtes passés à côté de Calamine dans les deux dernières années, premièrement, où étiez-vous ? Deuxièmement, laissez-moi vous la présenter. Rappeuse féministe, queer, du « ‘Chlag » et anticapitaliste, elle apporte des textes engagés tout en finesse. Elle veut dire les « vraies affaires » par rapport à l’environnement dans lequel elle évolue, c’est-à-dire le rap québécois. Alerte de divulgâcheur : elle réussit à les dire avec brio. En 2019, elle sort un EP Session du 1420 qui nous met en plein dans son univers musical. Il est suivi de quelques singles toujours aussi agréables jusqu’à la sortie de son premier album le 13 novembre dernier : Boulette Proof. Avec son producteur et beatmaker Kèthe Magané, elle crée un album très montréalais, même hochelagais, particulièrement relaxe qui peut faire penser au hip-hop de la côte ouest avec un côté jazzy que le saxophone très présent vient renforcer. Ce qui rend Boulette Proof incroyable, c’est le travail de Calamine pour faire plus qu’un album engagé. En supplément à son message dans ses textes, son flow et son instrumentation rendent les pièces toutes aussi décontractées et faciles d’écoute les unes que les autres et permettent de transmettre encore mieux les propos de l’artiste. Dans tous les cas, il est évident que Calamine fait partie des femmes qui viennent ébranler la scène du rap au Québec afin d’apporter le changement nécessaire dans ce « boys club » comme elle en parle si bien dans Mona Lise.

Pour suivre Calamine sur Instagram : @calamine_mtl
Vous pouvez écouter Boulettes Proof sur toutes les plateformes.

Voisinage – Nic Boulay

Nic Boulay est un jeune trompettiste de jazz diplômé de l’Université McGill. On a pu l’entendre sans le savoir, entre autres, avec les Cowboys Fringants, Les Louanges et Pierre Lapointe. En plus de travailler comme pigiste, il termine son grand projet, un EP du nom de Voisinage. En voulant s’éloigner du jazz puriste, Nic Boulay réalise un album proche du hip-hop et du jazz fusion. L’album étant réalisé avec la participation d’autres musiciens rap ou jazz, c’est vraiment un voisinage qui participe. Les quatre pièces de l’album aux couleurs différentes explorent plusieurs avenues dans lesquelles les racines du jazz peuvent s’incruster. Pour donner une référence, j’entends un peu le groupe The RH Factor du trompettiste Roy Hargove ou encore l’album The Low End Theory de A Tribe Called Quest. En mêlant habilement une instrumentation électronique et réelle et en ajoutant son jeu de trompette détendu, on obtient une formule gagnante, quelque chose de parfait pour les soirées froides. Roy Hargrove disait justement que le jazz et le hip-hop étaient faits pour être ensemble et avec Voisinage, Nic Boulay nous le confirme brillamment.

Pour suivre Nic Boulay sur Instagram : @nicboulz
Vous pouvez écouter Voisinage sur toutes les plateformes.

Vous êtes musiciens, vous cherchez de la visibilité, que vous alliez au Cégep du Vieux Montréal ou non, contactez-moi et je me ferai un plaisir d’écouter votre travail.

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