Alexei Navalny, le martyr de l’opposition russe

Alexei Navalny, le principal critique et opposant politique de Vladimir Poutine, s’est fait arrêté dès son arrivée à l’aéroport de Cheremetievo  de Moscou le 17 janvier dernier. Ce dernier résidait en Allemagne jusqu’alors, car il était en convalescence depuis qu’il a survécu à une tentative d’empoisonnement présumée au Novitchok (une puissante neurotoxine de concoction russe)  survenue le 20 août 2020 en Sibérie. Cette tentative d’assassinat est soupçonnée d’avoir été ordonnée par le Kremlin et ainsi autorisée par le président lui-même. L’utilisation de ce genre de pratique par le gouvernement russe n’est pas rare et s’inscrit dans une récente série de semblables assassinats et tentatives  d’intimidation afin de baîllonner et décourager l’opposition au pouvoir en place.

Au cours des dix dernières années, Navalny a tenté de faire campagne tant sur le plan médiatique que politique pour critiquer la corruption qui est endémique au sein de la classe politique au pouvoir et surtout dans l’entourage proche de Vladimir Poutine. À cette fin, il a créé une fondation anticorruption composée d’avocats comme lui-même, et dont l’objectif est d’enquêter sur les politiciens du parti de Vladimir Poutine afin de mettre à jour leurs excès et abus de pouvoir. À plusieurs reprises, il a écoppé des peines d’emprisonnement pour avoir organisé des manifestations non autorisées, et a été victime de tentatives d’intimidation afin de le dissuader de poursuivre sa critique ouverte du  gouvernement. C’est pourquoi son emprisonnement dès son arrivée au pays a soulevé l’indignation parmi la population russe, ainsi que parmi la  communauté internationale, dont la France, le Canada et l’Union européenne qui ont condamné l’emprisonnement et demandé la libération d’Alexei Navalny. 

Avant l’arrivée de l’opposant russe à Moscou, une foule de manifestants s’était déjà réunie aux portes de l’aéroport pour protester contre le mandat d’arrêt émis à son endroit par les autorités et pour lui apporter leur soutien; 65 personnes ont été arrêtées. Le 21 janvier 2021, Alexei Navalny et son équipe diffusent sur YouTube et sur d’autres plateformes un documentaire de deux heures exposant une villa aux allures de palais qui selon eux, serait la propriété de Vladimir Poutine et qui aurait été payée avec l’argent des contribuables ainsi que par des pots-de-vin pour une valeur approximative d’un milliard de dollars. Cette vidéo a été visionnée 90 millions de fois six jours après sa sortie.  Le jour même de la sortie de l’enquête sous forme documentaire devenue virale instantanément, Navalny a appelé la population à aller manifester dans les rues d’une soixantaine de villes le samedi 23 janvier.

Ils furent plus nombreux que prévu à répondre à son appel. Des dizaines de milliers de personnes se rassemblèrent dans les rues de cinquantes villes différentes à travers le pays, dont 40 000 à Moscou seulement, ce qui représente la plus grande mobilisation dans l’histoire récente de la Russie. Ces manifestations étant illégales, la police attendait en grand nombre la foule qui s’est rassemblée proggressivement dans la journée. Au total, des organismes extérieurs ont dénombré approximativement 3000 arrestations au cours de la journée ce qui laisse entendre le niveau de tolérance du Kremlin envers les manifestations critiquant sa gouvernance. Ces arrestations ont été dénoncées  par plusieurs dirigeants de pays qui considèrent cette répression comme étant une atteinte grave à la démocratie. L’équipe d’Alexei Navalny appelle les manifestants à revenir le samedi de la semaine qui suit afin de continuer à protester contre le gouvernement de Vladimir Poutine, dans l’espoir que presque autant de gens se réunissent à nouveau.

Le phénomène Trump et le populisme

Au cours des quinze dernières années, nous avons pu assister à une résurgence de mouvements populistes dans les démocraties de l’Occident et ce à un rythme soutenu donnant l’impression d’un effet boule de neige. Le phénomène a pris beaucoup d’importance en Europe et en Amérique latine où des politiciens et partis tels que Victor Orban en Hongrie et Marine Le Pen en France, pour ne nommer que ceux-là, portent un message anti-globaliste et anti-élites qui rejoint une plus grande partie de la population d’élection en élection. L’exemple récent le plus marquant de ce phénomène mondial est bien sûr le mouvement Make America Great Again (« Rendons à l’Amérique sa grandeur »), mené par nul autre que le controversé Donald J. Trump. Sa récente défaite aux élections américaines peut paraître comme un refus du populisme « trumpiste » qui en rebute plus d’un, mais cette conclusion est peut-être hâtive et risquée.

Le phénomène Trump

En 2016, Trump perd le vote populaire contre Hillary Clinton 62.9 à 65.8 millions de votes. Cette année, avec un record historique de participation électorale atteignant 153 610 732 de voix, soit 67% des citoyens aptes à voter, 73 786 905 de ces scrutins furent remplis en faveur du Président sortant. Il est difficile de considérer l’échec de Trump à renouveler son mandat comme une totale défaite de sa marque de populisme, car ce sont 10.8 millions d’électeurs de plus qu’il a réussi à rallier, comparé à sa performance de 2016 qui lui avait alors coûté le vote populaire.

La victoire de la présidentielle par le démocrate Joe Biden n’était pas censée être aussi mince qu’elle l’a été, on s’attendait plutôt à une vague « bleue » (couleur du parti démocrate) censée renverser la majorité républicaine au Sénat et creuser l’écart dans la chambre des représentants. À la lumière de cette victoire mitigée, le risque qu’encourt le mouvement progressif de gauche, incarné par le Parti Démocrate, est d’ignorer les problèmes qui inquiètent la moitié de l’électorat, ayant voté pour un populiste conservateur assumé, et de ne pas se remettre en question en prévision de la prochaine élection. Car avec l’engouement et l’enthousiasme qu’a réussi à soulever Trump chez ses partisans, ceux-ci ne se démobiliseront pas de sitôt et risquent de revenir en force en 2024, que le milliardaire se représente ou non.

Le populisme et son antidote en bref

Les problèmes portés (ou utilisés, dépendant de la façon de voir les choses) par les populistes à travers le monde sont souvent le scepticisme envers la mondialisation économique, la sécurité des frontières, l’élitisme politique ainsi que le fardeau fiscal pesant sur la classe moyenne. Bien que le mouvement populiste est beaucoup plus complexe et nuancé que le laisse entendre cette courte énumération de thèmes communs, il s’agit d’une idéologie ni précise ni profonde dont peut porter le chapeau tant la droite que la gauche. Aux États-Unis en l’occurrence, le mouvement populiste s’incarne à droite chez les républicains de Trump et à gauche chez les démocrates supportant Bernie Sanders.

Afin de freiner les gains du populisme dans l’électorat, les politiciens devront se pencher sur certaines inquiétudes exprimées, en partie justifiées, comme les inégalités économiques et sociales chez le populisme de gauche par exemple. Le populisme ne date pas d’hier dans la politique moderne, il a toujours fait partie, à différents degrés, des sociétés démocratiques. Il n’y a donc pas de recette miracle pour contrer la menace populiste dans nos démocraties, mais d’ignorer celle-ci en espérant qu’elle disparaisse d’elle-même ou tenter de discréditer ses chefs et partisans ne fait que jeter de l’huile sur le feu et de convaincre de plus en plus de citoyens, que la classe dirigeant les méprisent.

[SOURCE]

%d blogueurs aiment cette page :