Selena Fortier et sa « showférence »   

Par Meggie Cloutier-Hamel et Xavier Beauchamp

Selena Fortier parlant à nos deux journalistes Meggie Cloutier-Hamel et Xavier Beauchamp après sa « showférence ». Crédit photo : Philippe Le Bourdais

Allier humour et sensibilisation à la violence conjugale, c’est le pari que fait la militante Selena Fortier. Dans Hochelaga-Maisonneuve, le 26 novembre dernier, au Bistro le St-Cath, l’ambiance est conviviale et la jeune femme nous accueille avec bonne humeur pour sa conférence sur un sujet austère. Et pourtant, elle y arrive.   

« Je trouve que la violence conjugale est très dans une case, puis c’est pour ça que bien des gens ne se reconnaissent pas, fait que j’ai envie de sortir ça de la case, puis d’ouvrir le dialogue, puis en parler sur des plateformes où on n’est pas nécessairement habitué »    
Selena Fortier

Son histoire   

La conférence rapporte les événements que Selena Fortier a vécu il y a quelques années. Tout commence par sa rencontre avec un homme, un homme qui lui plaisait beaucoup. Au début de leur relation, elle remarque des comportements étranges de la part de son amoureux. La situation se dégrade avec le temps : « C’est sûr qu’il y avait tellement d’affaires qui ne marchaient pas […] mais j’étais tellement certaine que c’était l’homme de ma vie, mais en même en temps je ne voulais pas vivre ce qu’il me faisait vivre », nous confie-t-elle. Elle essaie à plusieurs reprises de le quitter ou d’améliorer les choses, notamment avec une thérapie de couple, mais rien n’y fait. Presque deux années passent et elle réussit à le quitter définitivement et débute son « processus de rétablissement », comme elle le mentionne.  

Après sa rupture, il lui faudra environ deux ans de psychothérapie et l’aide de divers soutiens pour qu’elle se sente mieux, nous affirme-t-elle. En effet, Mme Fortier relate qu’elle a eu recours à plusieurs ressources pour l’aider, comme le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC), mais que son processus est surtout une démarche d’introspection. De là est né son projet sur la violence conjugale, baptisé « showférence ». Détentrice d’un baccalauréat en psychologie, Mme Fortier a quitté le milieu de l’intervention psychosociale pour se concentrer sur ce projet qu’elle affectionne énormément.  

Éventail d’émotions   

La présentation de Selena Fortier est construite de différentes parties qui relatent ce qu’elle a vécu. On nous avertit d’ailleurs de la présence de propos sensibles au début de celle-ci.  Tous les moments racontés sont vrais nous dit-elle. Les anecdotes sont racontées entre présent et passé. On comprend les idées contrastées qu’elle a ressenties durant cette relation entre amour, haine, incompréhension, peur. Des voix hors champ, de la musique, des costumes, un « violentomètre », des dessins et la participation du public s’ajoutent à sa « showférence », car bien que dans le cadre du 26 novembre dernier, elle présentait son discours comme une conférence, Mme Fortier considère que ce nouveau terme est plus représentatif du dynamisme qu’elle amène. « Je suis toujours en apprentissage, ça fait partie du réalisme que je raconte mon histoire, que j’arrive avec des moments où c’est parfois maladroit, parfois cocasse, ce qui fait la magie du moment », souligne-t-elle.     

La place de l’humour  

L’approche humoristique de la « showférence » de Selena Fortier provient d’un besoin de reprendre le pouvoir sur sa vie et d’aller vers le positivisme. C’est dans ses cours du soir à l’École nationale de l’humour qu’elle se sent à l’aise et encouragée à parler de la violence conjugale qu’elle a vécue à l’aide d’anecdotes. En juin 2022, elle participe au MiniFest, un festival d’humour montréalais qui lui donne confiance pour se lancer dans le domaine. Celle qui se définit comme une activiste raconte, à travers la « showférence », son histoire en espérant changer la manière d’aborder le thème de la violence conjugale.  Son initiative lui a notamment value une bourse du programme « Tous engagés pour la jeunesse » de Desjardins et Noovo offerte durant l’émission La semaine des 4 Julie.

Le message qu’elle souhaite envoyer  

Par son action, Mme Fortier désire libérer la parole sur la violence conjugale. La militante désire dépoussiérer cet enjeu, en faisant changer la honte de camp et en sortant le thème de la violence conjugale de sa case lourde. Elle vise aussi le milieu de la scène, en abordant des sujets qui lui tiennent à cœur. Elle rappelle l’importance de l’organisme SOS violence conjugale qui vient en aide à tout individu qui a vécu de près ou de loin les conséquences de telles situations. Son but est donc d’ouvrir le dialogue, à son échelle et de manière positive.   

Les prochaines dates de la « showférence » de Selena Fortier

Pour toute aide concernant la violence conjugale

Ces groupes qui manifestent

Départ de la grande marche du 22 septembre dernier à Montréal / Photo Meggie Cloutier-Hamel

Plus de 145 000 étudiantes et étudiants du Québec étaient en grève le 22 septembre dernier, en raison d’une grande mobilisation pour la cause de l’environnement. Une grande marche s’est déroulée dans les rues de Montréal pour l’occasion. Majoritairement composée d’étudiantes et d’étudiants, cette manifestation a aussi accueilli bon nombre de groupes de syndicats de professeures et professeurs, de mouvements environnementalistes, de groupes écologistes, etc.  

Présence de nombreux groupes 

22 septembre 2022, plusieurs mouvements, collectifs, associations ou même réseaux se rassemblent à la statue George-Étienne-Cartier avant de commencer la marche. Le Mouvement d’action régional en environnement (MARE) est notamment présent et plusieurs de leurs représentants affichent un drapeau jaune à leur effigie. Membre du mouvement, Marianne mentionne que MARE s’est « battu beaucoup dans les dernières années pour protéger les milieux naturels de l’étalement urbain », étant principalement actif dans la région de Vaudreuil-Soulanges. Elle dit également que le groupe citoyen a soutenu plusieurs manifestations de solidarité envers la nation autochtone des Wet’suwet’endans leur lutte contre le développement du pipeline Coastal GasLink en Colombie-Britannique. « On est un groupe qui est là pour appuyer les autres groupes pour donner une voix aux citoyens qui se sentent impuissants face aux changements climatiques », dit Marianne.  

Le Réseau Québécois des Groupes Écologistes (RQGE) fait également partie de la manifestation.  Anipier Maheu, responsable des communications et de la vie associative, souligne que le RQGE « favorise les échanges entre les groupes pour favoriser l’unité du mouvement communautaire écologiste et citoyen. » Elle ajoute que celui-ci « apporte un appui et un soutien à un ensemble de groupes à travers la province, qui eux, gèrent des dossiers spécifiques » et précise que leurs bureaux sont basés à Montréal. Leur présence à la marche se veut aussi être un message pré-électoral envoyé aux partis politiques pour que ceux-ci agissent pour le climat à l’issue du scrutin du 3 octobre. Mme Maheu se dit elle-même préoccupée par l’avenir de la planète.   

Appuyer la communauté étudiante 

De nombreux syndicats de professeures et professeurs se trouvent aussi à cette grande marche pour le climat. Parmi eux, on retrouve le Syndicat des professeur.e.s du Cégep du Vieux Montréal (SPCVM). Stéphane Thellen, membre de l’exécutif du SPCVM mentionne que le syndicat est toujours présent lors des grandes manifestations et se dit inspiré par le mouvement mondial de lutte contre les changements climatiques. Il souligne aussi qu’il a lui-même fait mention de la marche aux étudiantes et étudiants de tous ses cours. M. Thellen mentionne l’impact de celui-ci sur le SPCVM : « On a nous-même des revendications comme prof, comme syndicat pour nos conventions collectives, d’améliorer notre bilan environnemental, de réduire nos actions sur les gaz à effets de serre ». M. Thellen souligne aussi que les actions de la communauté étudiante du cégep sont certainement une source d’inspiration pour le syndicat.  

D’ailleurs, il est à souligner que le Cégep du Vieux Montréal maintient sa certification de Cégep Vert du Québec, niveau Excellence, depuis 2011.

Grève étudiante de 2012 : discussion avec des anciens du CVM 

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En collaboration avec Olivier Demers

La grève étudiante de 2012 a particulièrement marqué le Cégep du Vieux Montréal (CVM). Dix ans plus tard, les étudiants du Comité d’Action à la Mobilisation et l’Information de l’époque discutent de cette période qu’ils ont vécue. 

Engagement étudiant  

Les anciens membres du Comité d’Action à la Mobilisation et à l’Information, aussi appelé le « comité mob », qui étaient fortement impliqués l’Association générale étudiante du CVM (AGECVM) en 2012, sont d’accord pour dire qu’il y avait une montée des moyens de pression et qu’une importante grève se préparait tranquillement depuis l’automne 2011. Une ex-membre du comité qui a préféré garder l’anonymat rappelle que les groupes étudiants ont commencé à se mobiliser dès l’annonce du budget controversé du ministre des Finances Raymond Bachand en 2010.  

 C’est quelques semaines après le retour des vacances d’hiver que le vote de grève se tient au Vieux. La hausse des frais de scolarité de 1625$ en cinq ans proposée par le gouvernement de Jean Charest faisait l’objet de plusieurs critiques et Laurent Cornelissen dit que « partir en grève était la seule manière » de se faire entendre. Ce dernier mentionne que plusieurs étudiants du CVM se sentaient en partie responsables de faire éclore cette mobilisation, car si le Vieux n’entrait pas en grève, beaucoup d’autres collèges n’auraient pas embarqué dans le mouvement. En effet, le jour du vote était accompagné d’une grande charge émotive selon certains étudiants de l’époque. Léa Carrier a le souvenir de faire des tours de classes pour mobiliser les étudiants à voter. Lors de l’assemblée générale spéciale du 16 février 2012, on annonce les résultats de consultation sur la grève. Un peu plus de 72% des membres de l’AGECVM ont voté et près de 60% était en faveur de celle-ci.   

Moyen de pression  

Dès que la grève générale illimitée a commencé, les occupations pour empêcher le Cégep de fermer ses portes prirent de l’ampleur. Léa Carrier mentionne d’ailleurs que l’occupation de la cafétéria était un de ses moments les plus marquants. Plusieurs personnes venaient de différents collèges pour prêter-mains-fortes.  

L’occupation du local de l’Association générale étudiante du CVM (AGECVM) fut notamment un des événements mémorables pour plusieurs. Entre15 à 20 membres de l’association s’étaient barricadés dans le local jusqu’à ce que les policiers défoncent le mur au petit matin.  Les occupations du CVM furent le théâtre de nombreuses arrestations avec des charges criminelles. Certaines personnes ne pouvaient plus approcher le Cégep à un certain périmètre. D’autres étaient même expulsées de Montréal.  

Un ancien du comité « mob » qui a préféré garder l’anonymat avait d’ailleurs reçu des charges criminelles au premier jour de la grève, ce qui restreignait sa participation aux luttes. À vrai dire, plusieurs militants avaient l’interdiction d’être à 500 mètres du CVM, bien que les manifestations organisées par le « comité mob » se tenaient principalement entre l’UQAM, le CVM et le Quartier latin en général. On voit sur des photos d’avril 2012 qu’on avait écrit sur les fenêtres du CVM et mis des bannières où l’on pouvait lire des messages de revendications. Une grande banderole rouge avait également été placée sur la façade du collège pour rappeler le symbole du carré de même couleur accroché fièrement sur les vêtements des militants du Printemps érable.  

Sur l’adrénaline  

« On était sur l’adrénaline », mentionne Léa Carrier lorsqu’elle parle des mois de grève étudiante marqués par des manifestations quotidiennes dans les rues. En effet, les anciens étudiants rencontrés étaient tous d’accord pour dire que les mobilisations n’étaient pas de tout repos. Elles ont cependant été importantes dans le parcours de certains. Léa Carrier et Myriam Thibault disent notamment que la grève de 2012 leur a permis de se politiser.  

Après la fermeture du Cégep, les membres de l’AGECVM devaient se trouver un autre endroit pour se réunir. C’est pourquoi ils avaient loué un local sur la rue Saint-Denis qu’ils appelaient amicalement le « grenier » à l’aide du fonds de grève de l’association étudiante. Myriam Thibault se rappelle bien l’ambiance, elle qui était membre du comité qui s’occupait de la nourriture pour les rassemblements. Plusieurs étudiants y venaient, ce qui pouvait rendre le lieu un peu chaotique. Jeanne Pilote ajoute aussi que le « comité mob » s’était fait attribuer un local à l’UQAM où ils pouvaient également se réunir.  

Aujourd’hui  

Les anciens du « comité mob » de 2012 retiennent certainement beaucoup du Printemps érable. « Le mouvement était un peu défait, tout le monde était épuisé par 2012, c’était une expérience intense », dit Laurent Cornelissen en mentionnant les tentatives de ranimer les revendications en 2015. Certains des anciens du comité ont toujours le désir de lutter contre les injustices sociales. Plusieurs étaient surpris de la célébration des 10 ans de la grève, ne la croyant pas si lointaine. L’année 2022 devient donc une période importante de retrouvailles pour eux.  

Grève étudiante de 2012 : Le Collectif de débrayage

La grève étudiante de 2012 a beaucoup été couverte par les médias ainsi qu’analysée par les historiens et les sociologues. À l’époque, le Collectif de débrayage a voulu, en sortant On s’en câlisse : Histoire profane de la grève, printemps 2012, offrir un point de vue interne des débats qui parcouraient les manifestations.

Le collectif

Le Collectif de débrayage s’est créé en produisant On s’en câlisse : Histoire profane de la grève, printemps 2012, un livre publié peu de temps après les manifestations de cette année-là.  Composé d’une dizaine de membres ainsi que de collaborateurs, il était surtout constitué d’universitaires, des personnes qui avaient notamment vécu les importantes grèves antérieures, comme la grève étudiante de 2005 en réaction à l’éventuelle coupure des prêts et des bourses du gouvernement Charest.

Les membres soulignent que le nom du collectif fait référence au mouvement de grève. En effet, le nom « débrayage » vient du verbe à connotation familière « débrayer » qui signifie « arrêter de travailler », « se mettre en grève ». Ils spécifient aussi que c’est l’action qui permet le processus d’arrêt d’une voiture manuelle, donc une manière de mettre les freins sur des situations questionnables.

Une œuvre de « vrais grévistes »

Les membres du collectif, qui ont préféré garder l’anonymat, voulaient faire un grand portrait de ce qui se passait durant la grève. Une participante dit qu’ils « sentaient l’urgence d’écrire à ce moment ». Ils voulaient se distancier des points de vue d’historiens et de sociologues qu’on voyait dans les médias.

Le titre « On s’en câlisse » s’est imposé selon les membres. Celui-ci vient du slogan « La loi spéciale, on s’en câlisse » qui parcourait les manifestations en 2012. Il rappelait l’objectif de l’ouvrage en mettant en valeur une parole collective de la rue, tout en appelant à la revendication avec un vocabulaire du joual québécois.

Les membres du collectif disent aussi que l’ouvrage sert à l’usage des futures grèves. L’un de ceux-ci parle notamment de la cyclicité des grandes manifestations étudiantes. Selon lui, il y a toujours des sujets à débats comme les assurances collectives, la rémunération des stages, l’évincement des associations étudiantes, etc.

L’après On s’en câlisse

Le collectif dit qu’avec l’arrivée au pouvoir de Pauline Marois et la mise en place de la Charte des valeurs québécoise, il y a eu une repolarisation de la politique, en passant du sujet des frais de scolarité à l’immigration, par exemple. Une réédition de l’ouvrage a été faite en 2014 afin d’ajouter des précisions à ce sujet.

En 2015, le collectif publie Fuck toute, un autre ouvrage sur le mouvement étudiant plus minoritaire qui se produisait à ce moment. Un titre qui rappelait encore le slogan rural qui s’entendait cette année-là. Ils publiaient des chroniques quotidiennes sur leur site web Le littoral qui ont été compilées par la suite pour former cette œuvre imprimée.

10 ans plus tard

Le Collectif de débrayage n’est aujourd’hui plus actif. Cependant, il prépare un événement sur On s’en câlisse qui est prévu le 14 mai prochain à 15h dans la programmation d’une exposition sur les archives du Printemps érable présente durant tout le mois de mai au 2012 rue Saint-Denis, une adresse qui n’aurait pu être mieux choisie pour l’occasion.

L’un des membres du collectif mentionne que « la grève est toujours suspendue » et que le collectif ne souhaite pas entrer dans une logique de célébration pour ces futurs événements, mais plutôt dans une commémoration de sujets qui sont toujours d’actualité. « Ce n’est pas pour être dans une pure nostalgie, mais pour dire que les questions qui se posaient se posent encore, les problèmes dont on a discuté, ils évoluent encore […] c’est se donner une occasion de mettre à jour le livre », dit également ce même membre.

Danser ne suffit-il pas?

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L’étudiant au DEC en danse contemporaine ou en danse classique du Cégep du Vieux Montréal (CVM) doit faire ses trois cours obligatoires d’éducation physique, bien que son entrainement dépasse les 25 heures par semaine. Les étudiants ne comprennent pas pourquoi on leur en demande autant et la complexité du dossier rend le sujet délicat pour les institutions scolaires.

Un refus du ministère

En janvier 2011, le département d’éducation physique du CVM demande au Cégep de créer un comité d’étude pour évaluer l’importance des cours d’éducation physique dans les programmes de danse. Dans le procès-verbal de la réunion du 7 avril 2011 de la Commission des études, qui est l’instance du collège qui donne avis au conseil d’administration concernant les programmes d’études et l’évaluation des apprentissages, on rend le verdict de l’analyse des programmes. Selon le comité de travail déployé à cet effet et le MELS (l’ancien ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport), « l’analyse de contenu des programmes a révélé que les éléments d’activité physique déjà inclus dans les grilles actuelles ne permettent pas d’atteindre les objectifs de la formation générale ».

La direction des études du CVM a donc intégré dans les deux programmes de danse les cours d’éducation physique dès l’automne 2012. Jusqu’à ce jour, les étudiants en danse étaient exemptés de ces trois cours, et ce, depuis le début de l’affiliation avec l’École de danse contemporaine de Montréal (EDCM) et l’École Supérieure de Ballet du Québec (ESBQ) dans les années 1990. La directrice artistique et des études de l’EDCM, Lucie Boissinot, dit que « lorsque le programme a été mis en marche en 1999 avec le Cégep du Vieux Montréal, il avait été convenu qu’étant donné le très grand déploiement d’énergie et l’activité physique inhérente à la pratique de la danse, les étudiants fréquentant l’École de danse contemporaine n’auraient pas besoin de suivre les cours d’éducation physique ».

Un dossier fort complexe

« Le dossier d’éducation physique à l’École de danse contemporaine de Montréal est un dossier fort complexe pour lequel j’ai déployé une énergie considérable », dit Lucie Boissinot. Lors de la commission d’études de 2011, elle a travaillé à démontrer les compétences acquises par les étudiants au sein de son école. Ceux-ci suivent, bien entendu, des cours de technique en danse contemporaine, mais aussi d’entrainement connexe et des cours d’anatomie. Elle a également voulu démontrer que les étudiants s’exercent en plus de leurs 2400 heures de formation.

En effet, quand on regarde les compétences ministérielles du programme de l’EDCM, on distingue des ressemblances avec celles des cours d’éducation physique au niveau collégial. Les critères de l’école de danse parlent de « maintenir une condition physique conforme aux exigences de la profession » et de « maintenir une hygiène de vie adaptée aux exigences de la profession ». L’analyse de la danse, la maîtrise d’exercices, la coopération de groupe et la gestion des blessures sont aussi dans les compétences ministérielles du programme en danse contemporaine. Les critères du ministère de l’Enseignement Supérieur, quant à eux, parlent d’« analyser sa pratique de l’activité physique au regard des habitudes de vie favorisant la santé, d’améliorer son efficacité dans la pratique de l’activité physique et de démontrer sa capacité à se charger de sa pratique de l’activité physique dans une perspective de santé ».

Lucie Boissinot considère que ses étudiants touchent à toutes les compétences des cours d’éducation physique. Elle trouve frustrant que ses élèves doivent ajouter cette charge de travail qu’elle considère déjà couverte par le programme.

Des conflits d’horaire

Pour compléter leur DEC, la plupart des étudiants en danse doivent faire leurs cours obligatoires au CVM. Certains en sont dispensés, car ils les ont déjà faits lorsqu’ils étudiaient dans un autre programme d’étude. Pour ceux qui les complètent, ces cours n’entrent pas toujours à leur horaire. Ils doivent donc être repris avec la formation continue en soirée ou en formule à distance durant l’été. Quatre cours obligatoires n’entrent pas dans la grille de cours, dont les trois d’éducation physique.

Par exemple, à la session d’automne passée, des étudiants de deuxième année en danse contemporaine devaient se déplacer chaque jeudi soir au Cégep pour assister à leur cours de yoga, alors qu’ils venaient de danser un bon nombre d’heures. Alec Charbonneau faisait partie de ce groupe d’étudiants : « On arrive chez nous et il faut directement aller se coucher pour se réveiller le lendemain à six heures pour être à l’école de danse à huit heures ». Il croit que le premier ensemble d’éducation physique, celui dédié au volet plus théorique des saines habitudes de vie, aurait suffi. Il assure que c’est le seul des trois qui l’a aidé à enrichir son programme. Alec pense qu’il faut revérifier les compétences que l’école de danse lui permet d’acquérir.

L’éducation physique est pour tous

Luc Phan, coordonnateur du département d’éducation physique du CVM depuis août dernier, ne connaît pas le cursus des programmes de danse, mais il considère que les cours d’éducation physique peuvent être un atout aux danseurs pour bonifier leurs apprentissages. « Le citoyen moyen, peu importe qu’il soit danseur, qu’il soit athlète professionnel, qu’il soit, je ne sais trop quoi, doit quand même avoir des notions de santé et de prise en charge, puis c’est ça qu’on essaie d’aller allumer ».

En tant que professeur, M. Phan est ouvert à la communication avec les étudiants en danse pour les aider à développer d’autres habiletés. Il ajoute que ceux-ci sont souvent appréciés par les professeurs d’éducation physique, parce qu’ils ont en commun un intérêt pour l’activité physique.

Solutions

Chantale Fortin, directrice adjointe aux études au CVM, était déjà à son poste lors de la gestion du dossier en 2011. Elle mentionne qu’en introduisant les cours d’éducation physique dans les programmes de danse, le cégep a essayé de trouver des pistes de solutions. Cependant, il a été difficile de trouver des accommodements entre les écoles de danse et le cégep. L’horaire des danseurs contemporains et danseurs classiques est souvent différent et le nombre d’étudiants dans ces programmes varie d’année en année. Il est donc plus ardu pour le cégep d’offrir des cours qui seraient dédiés aux étudiants en danse.

Un cours intensif d’éducation physique avait toutefois été mis en place par le CVM à la demande des programmes de danse. Les classes se penchaient sur l’entretien physique, l’activité aquatique et la gestion du stress, des sujets pertinents pour les danseurs. Les étudiants pouvaient donc compléter l’un des trois cours pendant trois semaines avant le retour de la session d’hiver. La priorité des inscriptions était donnée aux danseurs, puis aux autres élèves si le cours ne comptait pas assez d’étudiants. Cette formation intensive a toutefois été mise en arrêt en raison de l’absence de candidatures de professeurs pour donner le cours ainsi que la situation pandémique. Luc Phan ne refuse cependant pas la possibilité de réinstaurer l’intensif si la situation le permet.

Malgré tout, en apprenant l’existence de cet ancien cours intensif, l’étudiant Alec Charbonneau ne se verrait pas quitter ses vacances qu’il juge nécessaires pour sa santé physique, pour compléter intensivement un cours d’éducation physique.

Le dilemme entre l’art et le sport

Lucie Boissinot mentionne que le grand public ne sait pas nécessairement ce qui se passe derrière les quatre murs de son école. « Le danseur est comme un sportif d’élite, mais qui travaille aussi d’autres dimensions de son être », dit-elle.

Les programmes de danse contemporaine et de danse classique du CVM ne forment pas des danseurs compétitifs, mais bien des danseurs de prestations scéniques. Par conséquent, les interprètes en danse qui ne font pas de compétitions ne sont pas catégorisés comme des sportifs d’un point de vue sociétal. Les danseurs compétitifs ont, quant à eux, une récente fédération qui cherche à les promouvoir en tant qu’athlètes.

Même si l’équivalence des cours d’éducation physique est une question de comparaison entre les compétences ministérielles des écoles de danse et celles de ces cours, la vision populaire du monde de la danse reste un biais que peuvent avoir les instances gouvernementales envers les programmes de formation de cette discipline.

Rouvrir le dossier ?

Lucie Boissinot reste toujours intéressée par le dossier concernant les cours d’éducation physique, une bataille qu’elle a laissé tomber par « fin de non-retour ». La reconnaissance de l’entrainement physique de ses élèves est un aspect auquel elle accorde une grande importance.

Luc Phan, quant à lui, est ouvert à une reconsidération du dossier d’éducation physique chez les danseurs. La demande est au-delà de ses fonctions et lui seul ne peut garantir l’opinion de ses collègues à ce sujet.

Il faudrait donc que des représentants de l’École de danse contemporaine de Montréal et de l’École Supérieure de Ballet du Québec redemandent une évaluation de leur programme par le ministère de l’Enseignement Supérieur et que le Cégep du Vieux Montréal soutienne la cause dans la mesure du possible.

Émile et Sam : talents dévoilés

Le 19 février dernier avait lieu la finale locale de Cégeps en spectacle au Vieux. Émile Bourgault et Sam Tanguay sont sortis les grands gagnants de la soirée qui se déroulait en webdiffusion. Les deux élèves du collège se sont distingués avec une composition musicale.

Une amitié révélatrice

Émile et Sam ont tous les deux 18 ans. Lui est étudiant en Sciences humaines profil Questions internationales, et elle est étudiante en Art lettres et communication Option Médias. Ils ne se sont rencontrés qu’il y a quelques mois, mais leur amitié s’est développée facilement. « C’est une révélation, Sam, dans ma vie », dit Émile enjoué. Étant entouré principalement de musiciens masculins lors de ses projets solos, Émile est content d’amener un côté féminin à ses chansons, autant artistiquement qu’humainement, selon lui.

À quelques semaines de la finale locale du CVM de Cégeps en spectacle, l’accompagnatrice d’Émile s’est désistée. Émile a découvert les talents musicaux de Sam et lui a proposé de participer au numéro avec lui. En découle un duo qui les a bien surpris.

Comme on a pu le voir dans la performance de Cégeps en spectacle, Émile chante ses compositions en s’accompagnant à la guitare. Musicien autodidacte, il aime aussi pianoter, tout comme Sam, qui elle apprécie aussi le ukulélé. Les deux ne sont pas des chanteurs d’expérience, mais ils réussissent certainement à toucher le cœur des spectateurs avec des paroles sincères et poétiques. L’amertume, jouée lors de la finale locale, est d’ailleurs un texte qu’Émile a écrit pour être chanté en duo ; une nouvelle façon d’approcher la composition, lui qui est habitué d’être en solo.

Projets artistiques

Émile compose depuis quelque temps. D’ailleurs, il a sorti deux micros albums, soit Bleu pâle en 2020 et Nous aurons toujours le ciel en 2021. Le groupe avec qui il collabore est composé de musiciens qu’il avait rencontrés lors d’une finale régionale montréalaise de Secondaires en spectacle il y a quelques années.

Émile et Sam désirent collaborer à l’avenir. Émile mentionne notamment qu’il a beaucoup de compositions destinées à être chantées avec sa nouvelle amie et accompagnatrice. Pour le moment, il sera possible de les revoir chanter à la finale régionale montréalaise de Cégeps en spectacle qui se déroule le 19 mars prochain au Cégep de Saint-Laurent. On leur souhaite la meilleure des chances.

Promouvoir l’art visuel étudiant

Jusqu’au 11 février, il est possible d’aller jeter un coup d’œil à l’exposition Coups de crayon à la littérature québécoise Ténèbre de Paul Kawczak présentée à l’Agora près de l’entrée principale du Cégep du Vieux Montréal. C’est une finissante de Graphisme, Anaïs Boyer, qui est à l’honneur avec ses illustrations et ses arrangements typographiques du livre de Kawczak.

Depuis 2003, le Centre d’animation en français (CANIF) du CVM permet à l’un-e des finissant-es du département de graphisme d’illustrer des œuvres d’autrices et d’auteurs québécois. Cette année, la pièce choisie est la lauréate de l’édition 2021 du Prix littéraire des collégiens, Ténèbre, de Paul Kawczak. Selon le descriptif de l’exposition, ce livre porte sur l’histoire de la conquête du Congo par la Belgique à la fin du 19e siècle : le voyage d’un géomètre belge sous les ordres de son roi, accompagné par des travailleurs bantous et d’un maître tatoueur chinois. C’est « un roman d’aventures traversé d’érotisme, un opéra de désir et de douleur tout empreint de réalisme magique ».

Anaïs Boyer a donc eu la tâche de mettre en images certains passages du livre. Elle a fait une dizaine de dessins simples et imaginatifs teintés de réalisme et de rêves. Un côté métaphorique pour certains tableaux et plus concret pour d’autres. Les couleurs sont vives et le message écrit sur les images est bien représenté. C’est une exposition qui peut se voir lors d’une pause ou qui peut être analysée plus longuement pour celles et ceux qui ont lu le roman.

Le Prix littéraire des collégiens est de retour en 2022. La sélection comporte cinq livres d’autrices et d’auteurs québécois : Tout est ori de Paul Serge Forest, Mille secrets mille dangers d’Alain Farah, Mukbang de Fanie Demeule, Valide de Chris Bergeron et Là où je me terre de Caroline Dawson. La prochaine cohorte de finissant-es en Graphisme aura peut-être la chance de revoir l’un-e des finissant-es illustrer le lauréat de la prochaine édition du prix. C’est le CANIF qui en décidera, lui qui a notamment une collection d’œuvres d’artistes du collège et qui promeut une part de l’art visuel étudiant au CVM.

Un entretien avec Mélissa Mollen-Dupuis 

Photo : Mélissa Mollen-Dupuis, gracieuseté.

Lumière sur Mélissa Mollen-Dupuis, grande militante pour les droits autochtones et pour l’environnement ainsi qu’animatrice radio d’origine innue. Elle nous parle de son parcours, de sa vision, de son métier et d’enjeux visant l’éducation et la littérature autochtone.  

Femme engagée 

Mélissa Mollen-Depuis affirme qu’« en étant né Autochtone, tu deviens un peu militant de facto ». Du haut de ses 12 ans, elle est marquée par Ellen Gabriel, porte-parole mohawk de la Crise d’Oka en 1990, qui reprend un rôle de leadership traditionnel chez les femmes autochtones. À la suite de cet évènement qui lui a ouvert les yeux, Mme Mollen-Dupuis veut connaître davantage son histoire, surtout celle d’avant la colonisation.  

Au courant de sa carrière, elle est animatrice au Jardin des Premières Nations du Jardin botanique de Montréal ainsi que dans les musées. En 2012, elle s’est mise en action avec le mouvement contestataire autochtone « Idle no more » présent dans tout le Canada, où elle s’intéresse à adapter les enjeux à la réalité du Québec qui, contrairement au reste du pays, a des nations autochtones francophones. En 2017, elle reçoit également le prix Ambassadeur de la Conscience d’Amnistie internationale. Mme Mollen-Dupuis obtient une demande du consulat français pour le programme d’invitation de personnalité d’avenir où elle est candidate du Canada francophone. Elle est partie dernièrement à Paris et à Grenoble pour découvrir la culture communautaire française et les techniques urbaines et rurales en lien avec l’environnement. 

Une première émission autochtone francophone 

Depuis l’été dernier, Mélissa Mollen-Dupuis anime l’émission de radio Kuei! Kwe! à Radio-Canada. Déjà chroniqueuse depuis quelques années au même diffuseur public, on lui a proposé d’animer la première émission francophone autochtone. Elle décrit son mandat d’animatrice comme ceci : « ce que je veux faire, c’est une émission culturelle, mais à partir d’une perspective autochtone. La seule chose qui serait là, ça serait mon regard sur les choses, puis mon intérêt que j’ai sur l’enjeu. » En effet, Mme Mollen-Dupuis dit qu’elle aborde les sujets avec une perspective autochtone parce qu’elle vient de cette communauté et non parce que les sujets sont nécessairement reliés à des causes autochtones. Cela lui permet notamment de garder un pied dans les enjeux auxquels elle s’identifie, comme la défense des droits des premiers peuples ainsi que la cause environnementale. Mélissa Mollen-Dupuis est d’ailleurs responsable de la campagne Forêts de la Fondation David Suzuki.  

Améliorer l’éducation 

Selon Mélissa Mollen-Dupuis, le manque de connaissances des étudiants sur la culture autochtone est flagrant. Elle mentionne que le fait de ne pas connaitre le nom des 11 nations avec qui l’on partage le territoire du Québec est problématique. 

Au-delà de l’information à savoir sur ces communautés, la manière d’enseigner des premiers peuples pourrait aider à l’apprentissage de tous, et surtout à celui des élèves en difficulté, le système d’éducation n’étant pas bâti pour répondre à leurs besoins. « On devrait permettre aux communautés de ramener les structures qui étaient les leurs avant que la colonisation vienne les effacer », dit-elle. Certains endroits reprennent tranquillement leur système d’éducation traditionnel au sein duquel l’on intègre des activités sur le territoire. Par exemple, dans sa communauté, il y a des semaines dédiées à la chasse et à des promenades dans le bois avec sa famille. 

Dans notre société nord-américaine, on remarque une séparation des groupes d’âge. Des changements structurels dans l’enseignement qui s’inspireraient de traditions autochtones aideraient, selon Mme Mollen-Dupuis, au « renforcement du lien familial et communautaire ».  

Littérature québécoise ou autochtone? 

Le cours de littérature québécoise au collégial peut intégrer la lecture d’œuvres d’auteurs autochtones québécois dans son programme. Une situation qui suscite une question : doit-on classer l’ouvrage comme étant une œuvre dans la littérature québécoise ou autochtone? Mélissa Mollen-Dupuis répond que d’inclure une œuvre autochtone dans la littérature du Québec, c’est montrer qu’on ne l’exclut pas et qu’on ne la met pas « dans une réserve ». Les œuvres autochtones ne devraient donc pas être nécessairement mises dans une case parce qu’elles ont été créées par des personnes originaires des premiers peuples.  

Cependant, elle mentionne qu’il faut se départir des idées préconçues de la structure littéraire européenne qui ont, selon elle, peur du silence et des pauses qui souvent utilisés dans les œuvres d’auteurs originaires des Premières Nations, de la communauté des Métis ou des Inuits. Elle dit que « si on veut vraiment que ça soit intégré comme littérature québécoise, il faut voir une ouverture à la forme de littérature autochtone qui est mise de l’avant ».  

Domaine Forget : Oasis pour la danse

Au bord du fleuve Saint-Laurent, entre nature et art, plaisir et connaissances, création et profondeur. Quand on est ou que l’on veut devenir interprète en danse contemporaine, on se doit de passer un séjour au Domaine Forget de Charlevoix. Je souhaitais y aller, découvrir d’autres danseurs et danseuses qui chérissent, comme moi, le rêve de faire partie du monde professionnel de cet art. Pourquoi ne pas vous plonger dans mon expérience…

Le Domaine Forget de Charlevoix est d’abord reconnu pour son académie estivale de musique. Cependant le stage de danse est lui aussi une oasis pour interprètes du mouvement. Anne Plamondon, chorégraphe et danseuse, y travaille comme commissaire à la danse depuis une dizaine d’années, auparavant avec la compagnie de danse montréalaise Rubberband Dance et, depuis 2018, en solo. Le but était de foncer et développer un programme estival intensif et professionnel pour la relève en danse. Normalement offertes chaque été pour danseurs et danseuses du Canada et d’ailleurs, les activités en présentiel au Domaine Forget avaient été suspendues pour la saison estivale 202. À vrai dire, le stage de dans 2021 était le premier des différents programmes intensifs à avoir lieu totalement en présence. Le nombre d’interprètes était moindre, ce qui a laissé place un processus d’auditions sélectionnant une vingtaine au lieu d’une quarantaine de participant.es canadien.nes seulement et bien de la persévérance, nous, danseurs et danseuses de la relève, avons pu vivre pleinement notre expérience.

Ce qu’on y a fait

Du 28 juin au 10 juillet 2021, nous avons eu la chance de travailler avec des artistes issus du milieu professionnel de la danse du Québec et d’ailleurs. Margie Gillis, sommité de la danse moderne, nous a ouvert les yeux avec des conseils inspirants lors de ses ateliers artistiques. Anne Plamondon, chorégraphe et interprète contemporaine, nous a offert des classes techniques et de création, ainsi qu’une chance de présenter une chorégraphie précise et touchante digne de son talent. Des classes de technique au sol et une séance d’exploration de la faune dans la forêt, sur la plage et dans le fleuve avec Paco Ziel, danseur et chorégraphe, nous ont permis de se connecter à la terre, à la nature, à ce qui nous fait vibrer. Carol Prieur, danseuse travaillant avec la Compagnie Marie Chouinard depuis 26 ans nous a fait découvrir à travers des explorations de mouvements corporels et des bruits vocaux, de nouvelles façons de s’approprier notre danse. Enfin, des classes de krump avec nul autre que 7starr nous ont donné la chance, pour certain.e.s, de sortir de notre zone de confort, en exécutant une vraie battle. Un horaire bien chargé du matin au soir. Des découvertes artistiques et techniques, des essais, des moments de laisser-aller, des connexions avec nos corps, nos âmes et avec les esprits des autres qui nous permis d’explorer nos sensations et nos capacités.

Le Domaine Forget, c’est aussi trois bons repas par jour avec une vue sur le fleuve, une chambre donnant sur le soleil levant, des feux de camps, une visite à Baie-St-Paul, des concerts gratuits, des échanges avec les stagiaires en musique, des visionnements de documentaires, une nuit sur la plage… Des moments inoubliables.

Ce qu’on nous partage

Mon séjour au Domaine était également synonyme de partages, avec notamment des cercles de discussions organisées avec les professeur.es et les mentor.es. C’étaient des moments d’écoute, des questionnements nécessaires. « La dans me fait sentir que je suis en vie. », disait Anne Plamondon en s’adressant à nous. En effet, nous venions de différents milieux, avion vécu diverses expériences, mais étions présent.es pour la danse, pour enrichir et partager ce qu’elle peut nous faire ressentir. De là sont venues des questions identitaires, à savoir si la danse fait partie de l’identité d’un danseur ou plutôt si elle sert à sa formation. Une parole de Carol Prieur est gravée dans ma mémoire : « Le mouvement est une façon de comment je comprends la vie. » En vérité, le danseur, la danseuse a la capacité de voir son corps autrement, de comprendre la vie autrement. Nous échangions sur ce qu’était notre vision du corps en mouvement de ce qu’il nous apporte, de ce qu’il peut semer.

Ces discussions abordaient des thèmes sur nos sensations, nos accomplissements, mais nous montraient aussi ce à quoi l’on doit s’attendre du milieu professionnel. L’importance des contrats des interprètes, la création d’opportunités en se faisant connaitre, l’ouverture aux autres arts ou à d’autres activités, la place de la diversité, etc. Parfois, il est difficile pour un.e interprète ou un.e chorégraphe de trouver sa place dans le milieu. C’est une source d’inquiétude pour plusieurs, moi la première, mais les propos de Margie Gillis m’ont profondément marquée si simples étaient-ils : « S’il y a quelque chose dans le monde que vous voulez et qui n’est pas là, créez-le. » Une note d’espoir de d’une grande danseuse et chorégraphe que je ne pourrai jamais mettre de côté.

Quelques témoignages anonymes de participants

Le stage m’a également permis de revoir ou de faire la rencontre de magnifiques artistes. Nous avons partagé des moments magiques et des connexions profondes qui m’ont fait réaliser que nous faisions partie de la danse d’aujourd’hui et de demain.

Je voulais vous laisser sur leurs mots.

(Ces témoignages proviennent directement de mon journal dans lequel certain.e.s de mes camarades du séjour ont pris le temps d’y écrire leurs ressentis et leurs expériences. C’est pour cette raison que certains passages sont en anglais.)

« J’ai appris à être vulnérable pour mieux apprendre. C’est une évolution constante » 

« Ouf, quelle expérience magnifique! Si riche en émotions, en apprentissages et en rencontres. De nouveaux mouvements et de nouveaux visages. »

« I am discovering the importance of connecting with myself and nature. My stay here has allowed me to recognize that. The un-seen energy around us holds so much power. »

« It is a fully immersive experience. You build such a close venit community with everyone and learn to trust a group of strangers within a few days. I have felt so alive during my time here, so connected to nature and to dance. »

« J’ai souvent besoin de temps pour avoir du recul sur ce qu’un stage m’a apporté, mais au premier abord, je peux tout de même constater quelques changements : mon rapport à l’autre, ma gestuelle étant désormais plus dense et mes capacités d’adaptations. Tous ces changements rendus possibles grâce à un environnement sain, des artistes impressionnants, un site magnifique et des personnes bienveillantes. »

« Daily dreaming in Domaine Forget. Flowers, hills, sea, wood, light, guitars, balloons, bodies, voices, inside, outside, silence, listening, trust, safe, songs, krump, yes, yes, yes, aaah! Chihiro vibes, acceptance, content, miracles, instrument, humidity, eye seeleing, English, French, Spanol! Ser, rage, sand, just pure pleasure, pure learning, pure truth and trust now. »

Soigner la technologie? : Le nouveau cahier d’enquêtes du collectif Stasis

Collaboration écrite avec Marianne Dépelteau

Stasis est un groupe d’enquête qui approche des phénomènes et des acteurs sociaux pour faire une mise en commun de la pensée. Des militants.e.s, des universitaires et d’autres citoyen.ne.s actifs.ves se sont rencontré.e.s lors de luttes politiques et aujourd’hui, le réseau s’étend à l’international. Le mélange de la réflexion et de l’imaginaire est à la base d’organisation d’évènements, de séminaires et de publications annuelles comme le cahier d’enquête Soigner la technologie? publié en 2021 par ce même collectif et du GRIP-UQÀM.

Le collectif Stasis est un groupe qui enquête sur des enjeux sociaux politiques en faisant appel à la sociologie, l’anthropologie et la philosophie. Les membres se sont rencontré.e.s lors de luttes politiques, comme celle de la grève étudiante de 2012. Époque où les questions sociales demandaient plus de réponses, ils ont voulu démystifier d’importants enjeux de la société afin d’éclairer la prise de position que la population doit faire. C’est d’ailleurs de là d’où vient le nom de « stasis », qui évoque la guerre civile dans la Grèce antique, soit le conflit qui vient fragmenter la Cité selon les travaux de Nicole Loraux et Giorgio Agamben. « La continuation de l’état présent des choses, même s’il est dans une apparence de paix et de stabilité, c’est déjà la destruction de plusieurs mondesm, particulièrement au vu des ravages écologiques », mentionne Annabelle Rivard Patoine, membre du collectif. Stasis est la pour « fragmenter le voile unitaire sur ce qui se passe à l’échelle mondiale », dit son collègue, Nicolas Gauthier. L’État étant divisé, la population doit prendre parti pour avancer.

Par le biais d’évènements, de séminaires et de publications annuelles comme Soigner la technologie?, le collectif cherche à informer ses auditeurs.trices et ses lecteurs.trices sur les différentes luttes qui se font entendre et ce qu’iels devraient savoir à propos d’elles. D’ailleurs, dans son premier cahier, Stasis enquêtait sur le rapport au territoire et à la question identitaire, comme le fait de se questionner sur le territoire du Québec, alors qu’il appartient de droit aux Premières Nations.

Résumé des textes

La nouvelle d’Ève C., Anoptikon, lance le bal en plongeant le lecteur dans l’univers technologique montréalais et expose nos connexions aux rouages de capitalisme technophile. Olivier Lanctôt, deuxième auteur de ce cahier, tente de dévoiler les « techniciens de l’ombre » qui manipulent un texte caché, aspect du code informatique. C’est ici que sont présentés les daemons, invisibles et temporels, qui traînent notre vie technologique au travers de laquelle ils nous observent. Dans une même ligne d’idées, Samuele Collu et Jean-Philippe Bombay défendent la thèse selon laquelle certaines technologies servent comme arme au capitalisme pour modeler nos psychés et nous rendre dépendant.e.s. Une autre question posée par ces auteurs; « lui a-t-on déjà dit oui avant de pouvoir lui dire non? » Lena Dormeau et Coline Fournot tentent déjà d’y répondre en prenant comme piste de réflexion le consentement et son ambiguïté. Un retour aux daemons se fait en éclairant la violation du consentement par eux et par les appareils répressifs et/ou addictifs.

Stasis présente aussi une enquête sur les matières plastiques jetées dans l’océan et sur le ressenti humain face à cette situation avec l’article « (Re)médiations sepctrales : enquête holographique sur fonds diffus de matière plastique » par Marie Lecuyer. On retrouve aussi une entrevue en anglais avec Sabu Kohso qui parle du désastre nucléaire de Fukushima au Japon et l’article « L’existence capsulaire » de Ségolène Guinard parlant de l’utopie provenant des années 60 d’habiter à l’extérieur de la Terre et où les termes cosmopolitique et cosmicologie prennent leur sens. Enfin le carnet se termine avec un texte de Nicolas Gauthier et Annabelle Rivard Patoine, « Technique et histoire : au coeur de l’écoumène » qui « tentent de dévisager avec lucidité et effroi l’emprise des technologies sur le temps et l’espace », comme le mentionne l’éditorial de l’ouvrage, et qui reprend le titre d’un séminaire mené par le collectif.

Choix littéraires

Dans le cahier, les auteurs.trices se sont permis d’exploiter quelques formes de textes, comme le récit et l’entrevue, mais la plupart restent basé.e.s sur des références académiques et se rapprochent du niveau d’articles universitaires. À dire vrai, plusieurs auteurs.trices sont retourné.e.s aux études, ce qui a teinté leur écriture. En effet, on remarque que certains textes sont écrits en anglais et que les citations en anglais dans les textes en français ne sont pas traduites. Sans oublier qu’un vocabulaire inclusif avec des termes comme « iels » et « celleux » sont présents dans l’ouvrage. Des prinicpes qu’on utilise beaucoup plus dans les pratiques du milieu féministe. Cependant, voulant s’éloigner des codes littéraires et scientifiques universitaires, le collectif a misé sur « un ton plus éditorial et créatif », souligne Mme Rivard-Patoine.

Liens avec la science

En vue d’obtenir un plan plus large et dans la volonté d’éviter les limites de la méthodologie scientifique, le collectif tente de faire le pont entre le monde académique et celui du militantisme. L’interdisciplinalité est aussi transparente dans les textes, qui se basent tamtôt sur la sociologie, tantôt sur la philosophie politique, le tout appuyé sur une littérature plus militante et profane que scientifique. Quelques publications universitaires ont servi à nourrir la pensée des auteurs.trices, mais le vrai chef du processus créatif est l’imagination.

Le cahier d’enquête Soigner la technologie? est disponible en version papier dans certaines librairies montréalaises, dont Zone Libre, Le Port de tête, La Bouquinerie du Plateau et L’Euguélionne, librairie féministe. Un format numérique est également accessible sur le site Le Pressier. Un troisième cahier est à prévoir, mais le collectif ne s’est pas prononcé davantage.

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