Une lueur d’espoir pour les musées

Tout comme un véhicule à essence ne peut avancer sans carburant, une société ne peut fonctionner sans ce qui lui donne tout son sens, la culture. La pandémie nous aura sans doute permis de prendre un peu conscience de l’importance de la culture dans notre mode de vie. Quand il ne restait plus rien et qu’on avait l’impression d’être impuissant face à tout ce qui arrivait autour de nous, le cinéma, la télévision, la musique et l’art en général nous saisissaient par les épaules pour nous guider et pour nous permettre de passer à travers les temps plus sombres. Pourtant, l’industrie artistique a été énormément marquée par cette pandémie. Elle a souffert beaucoup, elle souffre encore d’ailleurs, et aura de la difficulté à s’en remettre.

Les musées et les galeries d’expositions artistiques ont probablement été les plus touchés par les événements. La plupart ont vu leurs portes se fermer en mars dernier, coupant drastiquement tous leurs revenus et empêchant le public de profiter de tout ce que ces endroits ont à offrir. Avec la réouverture des musées dans quelques jours, c’est un grand soulagement qui se fait sentir dans tout le milieu, mais ça va prendre encore du temps avant que les choses redeviennent comme avant.

J’ai eu l’immense privilège de récolter le témoignage de deux anciennes étudiantes du Cégep du Vieux Montréal, qui travaillent désormais dans le milieu culturel.

Maude Darsigny Trépanier est aujourd’hui médiatrice au Musée McCord. Le Musée McCord, c’est un musée d’histoire sociale qui prône l’ouverture d’esprit, l’ouverture aux autres, au monde et à la ville. Il vise à offrir une  expérience enrichissante qui permet aux visiteurs de mieux  comprendre leur ville, entre autres grâce à l’histoire et au partage d’expériences. Le dialogue et les interactions sociales occupent une place centrale au cœur du musée.

Judith Brassard Bradette est médiatrice au Musée d’Art Contemporain (MAC).  Situé au cœur du quartier des spectacles, ce musée est spécialisé dans  l’art contemporain, c’est -à-dire l’art d’aujourd’hui. On y retrouve des œuvres d’artistes locaux et internationaux et de nouvelles expositions souvent inattendues et saisissantes.

En tant que médiatrices culturelles, Maude et Judith ont été personnellement touchées par la fermeture des musées. Pour bien comprendre, il faut savoir tout d’abord en quoi consiste le métier de médiatrice culturelle. Les médiateurs et les médiatrices culturelles ne sont pas des guides, tient à préciser Maude. Les guides, clarifie-t-elle, sont des personnes en position d’autorité qui donnent  un discours et transmettent des connaissances, tandis que les médiateurs et médiatrices culturelles sont vraiment là pour faire un pont entre l’œuvre et celui qui la regarde. En effet, les guides ne font que donner de l’information, décrire un objet et « imposer » d’une certaine façon, leur interprétation.  L’approche des médiateurs culturels, c’est avant tout le contact avec le public, la discussion et l’ouverture d’esprit. « Notre but, c’est vraiment de créer des relations, créer des liens. On n’est pas là pour déverser un savoir, mais plutôt  pour poser un dialogue ou du moins faciliter un dialogue entre l’œuvre et le public. […] C’est une question de philosophie aussi au niveau de l’approche qu’on utilise au musée », ajoute Judith.

Ainsi, plus de public, plus de médiateurs et de médiatrices culturelles. Mais bien sûr, ils ne sont pas les seules victimes de la fermeture. Au Musée d’Art Contemporain, il y a eu des mises à pied, explique Judith Brassard Bradette,  ainsi que des réductions de salaires pour tout le monde. Le musée, quant à lui, a perdu des sommes phénoménales. Le contenu numérique développé par les institutions muséales c’est de la bonne visibilité, explique Judith, mais les gens ne paient pas nécessairement pour ces choses-là. La réouverture des musées à l’été a été une lueur d’espoir pour beaucoup, mais les revenus générés par les musées étaient loin d’atteindre ceux qu’ils faisaient habituellement, à cause des nombreuses mesures mises en place par la santé publique. Des protocoles stricts limitaient la quantité de personnes qui pouvaient entrer dans les musées et la quarantaine empêchait les artistes à l’étranger de venir accrocher leurs œuvres.

Les musées sont donc pris au piège; soit ils dépensent beaucoup pour développer du contenu numérique et adapter leur établissement pour se préparer à une réouverture, soit ils évitent de s’endetter, mais perdent énormément de visibilité et risquent même de tomber dans l’oubli.

Mais les institutions muséales n’ont pas seulement souffert de problèmes économiques. Les musées et les galeries d’expositions sont d’abord des endroits de partage et de transfert de connaissances. En perdant leur public, ils ont perdu leur raison d’être, tout ce qu’ils représentaient. « En regardant  quelque chose en diapositive ou de manière numérique quand ce n’est pas  conçu pour être numérique, on perd quand même une qualité. On peut aussi perdre l’espèce de présence puis un certain rapport par rapport aux œuvres  directement. » explique Maude Darsigny Trépanier. Judith est aussi de cet avis quant au contenu numérique : « On s’entend que les visites interactives ne remplaceront jamais le contact avec les œuvres originales ça c’est certain, t’as pas l’échelle, t’as pas la sensation, le volume dans certaines  œuvres. Même si c’est une vidéo, ce n’est pas la même chose la regarder sur ton écran que dans une salle de musique. Il y a aussi l’aura muséale quand tu  rentres dans ce lieu-là qui va jouer sur ton état d’esprit et sur ta perception de ce que tu vas  expérimenter. »

Le confinement aura toutefois amené les musées et les salles d’expositions à se démarquer. Maude explique que l’industrie des arts s’est « revirée sur un dix cennes » en trouvant de nouvelles idées innovantes pour toucher le public malgré cette période difficile. Le Musée McCord, comme la majorité des musées, explique-t-elle, a commencé à offrir des visites virtuelles. D’autres initiatives, tel que le projet Casa, ont permis aux artistes émergents de faire connaitre leur art. Le projet a ouvert ses salles à des expositions annulées, écourtées ou même créées à la suite de la pandémie. Maude se dit surprise, mais surtout très fière du milieu artistique qui a su s’adapter à cette nouvelle réalité.

Pour sa part, Judith croit aussi que la pandémie, au travers de toutes ces tragédies, aura amené quelques bonnes choses. « Essayer de réfléchir à qu’est-ce qu’on peut faire, combien de personnes on peut accueillir à la fois, ça nous a permis d’innover en créant un programme qui était vraiment cool cet été. […] Normalement on accueille des vingtaines, voir des trentaines de familles, et là on s’est ramassé à faire des visites privées, ce qui était génial d’une certaine manière parce que ça nous a permis d’avoir un contact avec le public qu’on n’a jamais d’habitude mais du un à un, on avait une famille à la fois, les gens se sentaient super importants parce qu’ils avaient accès au musée des fois même avant l’ouverture, ça a été super populaire. […] Ça a été une occasion d’avoir un contact vraiment fort avec le public. » Mais évidemment, moins de public,  moins de revenus. Le Musée d’Art Contemporain a passé de vingt familles et parfois plus par jour avant la pandémie à quatre par jour cet été, ce qui a été très difficile économiquement.

Après une réouverture estivale temporaire, les musées n’ont pas eu d’autre choix que de fermer leurs portes le 28 décembre dernier. Ce fut donc un soulagement extrême lorsque, le 2 février, le gouvernement du Québec a annoncé la réouverture de plusieurs commerces et établissements, incluant les musées. Ces derniers devront encore une fois s’adapter, se réinventer et travailler fort pour respecter les mesures sanitaires tout en attirant le public dans leurs établissements. Car c’est vraiment ce qu’il faut retenir de cette situation : la réouverture ne signifie pas que les musées retourneront à leur grandiosité d’autrefois, du moins pas de sitôt. Ce sera encore un défi difficile à relever qui demandera beaucoup d’ingéniosité. « C’est ça aussi le danger en ce moment, explique Judith, parce que ça commence à s’étirer, et donc là tranquillement bin on se trouve des jobs ailleurs, et là bin c’est une expertise qui est en train de se perdre, parce que quand ça va rouvrir, qui va rester? […] On est peu nombreux dans le milieu culturel et c’est vu comme un luxe, mais est-ce que c’est vraiment un luxe? Une société sans culture, c’est complètement triste. »

Le Musée d’Art Contemporain est situé au cœur du quartier des spectacles, et le Musée McCord en plein centre-ville de la métropole. Ces deux institutions muséales ont chacune énormément de choses à offrir et n’attendent qu’à ouvrir leurs portes au public. « On avait une exposition toute neuve, ajoute Judith,  super belle, complètement folle que personne n’a vue encore à part certains membres de l’équipe. C’est une exposition qui dort, en attendant la réouverture du musée, qu’on espère bientôt. » 

Ton espoir aura porté fruit, Judith. On se voit le 8 février.  

La mode, c’est démodé!

Le fast fashion est un phénomène terriblement néfaste pour l’environnement. Chaque année, sur les 53 millions de tonnes de produits textiles vestimentaires fabriqués, 73% d’entre eux finissent enfouis ou incinérés, et ce, indifféremment de leur état. Il nous est possible de poser des gestes concrets pour contrer ce phénomène, comme boycotter les grosses compagnies et encourager les petites entreprises qui se soucient de notre environnement.

Dans une société développée comme la nôtre, la mode occupe une place importante. De nombreuses personnes cherchent constamment à améliorer leur garde-robe et à se vêtir de la nouvelle collection. Ça, de nombreuses compagnies et boutiques de vêtements l’on comprit. Elles vont confectionner et rendre disponible de nouvelles collections de vêtements plusieurs fois par mois, en offrant à leurs consommateurs des vêtements à la dernière mode et à prix réduit. C’est ce qu’on appelle la mode éphémère, ou la fast fashion. Mais quel est réellement le prix de cette façon de faire?

Il est important de comprendre que pour réussir à vendre ses vêtements à des prix réduits, les compagnies textiles font confectionner leurs vêtements dans des pays où les coûts de productions sont ridiculement bas, mais où les conditions de travail sont à leur tour, ridiculement inhumaines.

Au Bangladesh, la situation est particulièrement difficile, souligne le Centre International de Solidarité Ouvrière (CISO). Depuis 2005, environ 1 500 travailleurs ont été tués dans des incendies et des effondrements d’usines qui auraient pu être évités. Des édifices mal construits, des sorties de secours inexistantes, la présence de matériaux inflammables et une pression constante des dirigeants pour qu’ils restent à leur poste contribuent à la situation déplorable dans laquelle les travailleurs de ce pays d’Asie du Sud gagnent leurs vies. Il s’agit ici d’une généreuse déclaration, puisqu’ils reçoivent à peine de quoi subsister.

La fast fashion a aussi un impact notable sur l’environnement. Selon Recyc-Québec, les émissions de gaz à effet de serre produites par l’industrie du textile correspondaient à 1,2 milliards de tonnes de CO2 en 2015, ce qui est supérieur à l’impact planétaire du transport aérien et maritime combinés. Il est aussi dit que sur les 53 millions de tonnes de vêtements produits chaque année, 73% d’entre eux finissent enfouis ou incinérés. La mode éphémère accentue davantage ce phénomène, puisque la vitesse à laquelle les vêtements sont produits et enlevés du marché pour faire place aux nouvelles collections ne fait que créer encore plus de déchets vestimentaires.

Que pouvons-nous faire?

De nombreuses personnes ont la dangereuse tendance d’affirmer ne rien pouvoir faire face à une situation comme celle-ci, car il s’agit d’un problème concernant les grandes compagnies multinationales. Pourtant, tout le monde est impliqué lorsque l’on parle d’environnement. Il est ainsi encouragé de donner, de vendre ou d’échanger ses vêtements lorsqu’ils sont encore en bonne condition. Pour l’obtention de nouveaux habits, il faut favoriser les entreprises locales et indépendantes qui produisent des vêtements éthiques et écologiques, ou bien tout simplement se procurer des vêtements usagés dans diverses boutiques qui se spécialisent dans le recyclage vestimentaire. Protéger l’environnement, ça commence en choisissant ses vêtements de manière responsable.

Les friperies, ou les boutiques de vêtements rétros, sont une bonne alternative écologique pour trouver des vêtements abordables et de qualité, sans toutefois négliger son style vestimentaire. On peut penser, par exemple, aux magasins Renaissance. Avec ses vingt-neuf friperies et librairies dans le Grand Montréal, Renaissance se base sur le principe d’économie circulaire, qui consiste à récupérer les vêtements usagés et à leur donner une deuxième vie, ce qui conséquemment réduit la production de déchets vestimentaires. Renaissance a aussi mis en place un programme d’insertion sociale dans le but d’aider les immigrants et les personnes moins avantagées économiquement à se frayer un chemin dans le marché du travail. Elle ne vise rien de moins que l’épanouissement personnel et professionnel de ses employés. C’est un bon exemple d’entreprise qui a le cœur à la bonne place.

Également, certaines friperies se spécialisent dans un certain type de vêtements. C’est le cas pour la friperie Hadio sur la rue Mont-Royal, qui se spécialise en vêtements vintage datant des années 80 et 90. J’ai eu l’immense privilège d’échanger quelques mots avec l’une des formidables employées de cette boutique. Entreprise familiale fondée en 1991, Hadio a été une des premières – si ce n’est pas la première – friperie montréalaise. « Depuis très longtemps, même avant les années 1990, le fondateur avait réalisé qu’il y avait des quantités énormes de vêtements usagés en bon état qui allaient dans les sites d’enfouissement landfills, et on trouvait ça ridicule », affirme une des employées du Hadio. Toujours d’actualité, selon Recyc-Québec en 2013, 95 000 tonnes de vêtements étaient mises à la poubelle à chaque année par les ménages québécois.

En tant qu’entreprise spécialisée en vêtements vintages, Hadio se porte très critique de ce qu’elle reçoit pour fournir des vêtements de qualité. « On a déjà nos partenaires depuis 1991 et c’est seulement avec eux qu’on travaille, […] tout est sélectionné à la main ». Que vous aimiez les vestons de cuir ou de jeans, les chemises colorées, les t-shirts originaux ou les jeans de haute qualité, Hadio est la place où aller si l’on veut trouver chaussure à son pied tout en ayant un impact positif sur l’environnement. « 90% de la marchandise ici c’est du vintage, qui date de plus de 20-25 ans d’ancienneté », soutien une employée du Hadio.

Une autre de ces boutiques spécialisées dans un certain type de vêtements est Charlotte & Gabrielle, dans Westmount. La particularité de celle-ci, est qu’elle offre des vêtements élégants et de grandes marques, et ce, à un prix beaucoup moins élevé qu’en magasin. La base de leur commerce est la consignation de vêtements, qui non-seulement a un impact positif sur l’environnement, mais qui permet aussi une vie nouvelle à des habits tendances de haute qualité. Pourquoi continuer à faire ses achats dans les grands magasins de marque, ce qui encourage la fast fashion, lorsque l’on peut trouver des boutiques formidables à deux stations de métro de chez soi? C’est en dépensant de manière plus éthique et écoresponsable que l’on fait réellement une différence. Les actions de chacun ont un impact sur l’environnement, il ne reste qu’à choisir la direction que cet impact prendra.

À qui la faute?

Photo : Geralt/Pixabay

« Je crois qu’on représente pas assez les minorités visibles à la télévision; et quand on le fait, on fait juste nourrir des stéréotypes ou on en parle négativement. » Voilà ce qu’un étudiant du Cégep du Vieux Montréal a affirmé lors d’une entrevue avec L’Exilé. Mais pourquoi y a-t-il ce manque de diversité, à cause de qui, et que doit-on faire pour y remédier?

Vous en avez probablement déjà entendu parler, les minorités visibles sont sous-représentées à la télévision québécoise. Ce phénomène n’est pas nouveau et ça fait plusieurs années qu’on en parle, même si le manque de diversité a en réalité toujours été présent depuis les débuts du cinéma et de la télévision au Québec. Même si les acteurs et actrices issus de minorités visibles sont de plus en plus présents à l’écran, il y a encore du chemin à faire. Selon un avis du Conseil des relations interculturelles du Québec réalisé en 2009, « Les membres de communautés culturelles constitueraient 26% des personnes présentées en heure de grande écoute à Télé-Québec, 11,5% à Radio-Canada, 7% à TVA. ». Il est important de noter aussi, que sur les 78 nominés au Gala Artis 2020 qui a eu lieu au mois de septembre dernier, seulement l’un d’entre eux était d’origine non-caucasienne, l’acteur et animateur Pierre-Yves Lord.

Pourquoi est-ce problématique?

Dans une situation comme celle-ci, connaître les faits est inutile si on ne comprend pas quel est le problème. Comme Denise Guilbault, directrice artistique de l’École nationale de théâtre, l’a si bien mentionné lors d’une entrevue pour Radio-Canada : « Si l’on regarde autour de nous, la société est multiculturelle. Si ce n’est pas ce que l’on retrouve sur les scènes, ce n’est pas représentatif de notre société ». Cette affirmation ne pourrait être plus véridique. Le cinéma, la télévision et le théâtre sont censés être les miroirs de notre société, alors comment peut-on s’identifier à ces œuvres si elles ne sont même pas représentatives de la diversité culturelle québécoise?

La sous-représentation des minorités visibles devient encore plus problématique lorsque l’on constate que les acteurs et actrices de milieu culturel sont parfois stéréotypés dans les rôles qu’ils se font offrir. Certains acteurs tels Angelo Cadet, Frédéric Pierre ou Didier Lucien se sont prononcés à ce sujet lors d’une entrevue dans La Presse. Ils ont affirmé se faire offrir de façon régulière des rôles de chauffeurs de taxi, rôles qui ne sont bien sûr pas autant proposés à des hommes de peau blanche. Un problème semblable a été évoqué par Noémie Leduc-Vaudry lors d’une entrevue avec Radio-Canada. L’actrice originaire d’Asie a révélé recevoir souvent des offres de rôles « d’asiatique », pour ensuite se faire mettre de côté parce qu’elle était grande et avait de gros seins, et qu’elle ne ressemblait donc pas à une « asiatique typique ».

En plus d’êtres complètement sous-représentées, les personnes venant de milieux culturels différents se font offrir des rôles stéréotypés par rapport à leur ethnicité. Ils sont donc pris au piège par un dilemme moral et éthique : refuser ces offres complètement absurdes et dénigrantes en espérant pouvoir faire avancer la cause, ou les accepter afin d’être capables de vivre de leur métier. On voit ici un espèce de cercle vicieux : plus ces acteurs et actrices acceptent des rôles qui renforcent les préjugés envers leurs ethnicités, plus la population québécoise se fera des préjugés sur eux.  

Cependant, il est essentiel de tenir compte d’un élément crucial en lien avec le manque de diversité culturelle à la télévision québécoise. Gideon Arthurs, directeur général de l’École nationale de théâtre (ENT) a affirmé, lors d’une entrevue avec Radio-Canada : « L’établissement a vu passer le taux d’inscription des personnes issues des minorités visibles au programme Interprétation – Acting de 9,2% pour l’année scolaire 2015-2016 à 15% pour 2018-2019 ». Il s’agit ici d’une hausse significative, mais les chiffres restent tout de même très faibles. Mais alors, comment expliquer le manque de diversité dans les inscriptions et dans l’industrie artistique, et qui faut-il blâmer?

L’artiste d’origine algonquine Samian s’est prononcé sur la question lors d’une entrevue avec Radio-Canada : « Les gens sont frileux quand vient le temps d’engager [des acteurs de la diversité]. ». Serait-ce donc la faute du public, celle des producteurs, ou bien celle des directeurs de casting? Ce n’est évidemment pas si simple. On ne peut blâmer un seul groupe pour un problème aussi complexe que le manque de diversité culturelle. Ce qui est sûr, c’est qu’il semble régner une certaine peur de l’inconnu et du changement dans l’industrie des arts.

Une solution potentielle?

Face au problème de la sous-représentation des minorités visibles au grand et au petit écran, plusieurs personnes vont tenter de trouver des solutions diverses pour améliorer la représentation. L’une d’entre elles, qui a été évoquée à plusieurs reprises, semble amener maintes réflexions. Cette solution consisterait à forcer ou à inciter les producteurs à avoir un certain pourcentage d’acteurs venant de milieux culturels divers. Il y aurait un certain quota à respecter, qui aurait pour but de faciliter l’intégration des minorités visibles à la télévision, afin de prôner l’égalité culturelle et la lutte contre le racisme systémique présent dans l’industrie télévisuelle.

Même si ce type de lois n’existe pas, les réalisateurs subissent quand même une certaine pression sociale face à leur choix de casting. En effet, de nombreux réalisateurs se font critiquer parce qu’il n’y a pas assez de diversité dans leur casting, ce qui incitera certains autres réalisateurs à ensuite engager des acteurs et actrices de diverses cultures; non pas pour encourager la représentation des minorités visibles, mais plutôt pour éviter la critique. C’est donc un couteau à deux tranchants : on exige plus de diversité de la mauvaise façon, alors les acteurs/actrices sont engagés pour de mauvaises raisons. « Je ne veux pas qu’un réalisateur m’engage seulement pour remplir des obligations », affirme Angelo Cadet.

Des points de vue diversifiés

Il m’a semblé essentiel, lors de mes recherches, d’avoir l’opinion de plusieurs personnes à propos du manque de diversité culturelle à la télévision québécoise. C’est pourquoi j’ai choisi d’interroger quelques étudiants du Cégep du Vieux Montréal. La variété de leurs points de vue m’a été très utile à la rédaction de cet article.

La première personne que j’ai interrogée a affirmé que les minorités visibles étaient beaucoup stéréotypées dans les rôles qu’ils jouaient. « Tu peux être un super bon acteur, mais juste à cause de tes origines, on te dira que ton rôle c’est ça ou c’est rien » soutient-elle. À son avis, la télévision n’est pas du tout représentative de notre société : « Si tu te promènes sur Saint-Laurent, tu vas voir de tout et c’est ça qui est beau. Nous on est habitués, mais la télé n’est pas habituée à ça ». Elle soutiendra tout de même que l’imposition d’un quota est loin d’être la solution : « En forçant un acteur à intégrer une série à cause de sa couleur de peau, c’est comme si tu le prenais pour acquis ».

La deuxième personne à qui je me suis adressée croit plutôt que le manque de diversité pourrait être lié à autre chose : « Peut-être qu’il y a moins de personnes de couleur qui aiment le théâtre ou la télé et qui étudie dans ça. C’est juste une théorie. » Elle soutient qu’on ne devrait pas choisir selon la couleur de peau ou la culture car c’est ça qui est, en réalité, raciste. Elle croit aussi que les médias en parlent trop : « Il y a d’autres choses de plus important […], la diversité culturelle n’est pas importante et est illogique. »

La troisième personne que j’ai interrogée a affirmé être déçue par les stéréotypes et les préjugés dont sont victimes les minorités culturelles : « Ça leur enlève beaucoup d’opportunités d’emploi, ça rend leur travail beaucoup plus difficile aussi ». Elle pense aussi que les quotas sont une solution réaliste : « C’est quand même négatif, les personnes de couleur vont être choisies simplement parce que le scénariste se sent obligé, et non pour leur talent et leur jeu d’acteur. Mais bon, même si c’est pas la meilleure solution, ça témoigne d’un certain progrès. »

Il est évident qu’un problème comme celui-ci ne se règle pas en quelques jours. La place des minorités visibles à la télévision s’est grandement améliorée au cours des dernières années, et avec les bons outils, elle sera en mesure de s’améliorer davantage. Il est donc crucial pour faire avancer la cause d’encourager les artistes de la diversité, autant les acteurs que ceux qui travaillent derrière l’écran; les musiciens, les auteurs, les humoristes, et bien d’autres. Car comme l’animatrice Isabelle Racicot l’a si bien dit lors d’une entrevue au Journal de Montréal, « Tu ne peux pas gagner de trophées, tu ne peux pas être mise en nomination quand tu n’es même pas là. »

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