La journée internationale des travailleuses et des travailleurs: 1000 mots (approximativement) sur son origine

Dans plusieurs pays sur la planète Terre, les prolétaires célèbrent le 1er mai en tant que « Journée internationale des travailleuses et des travailleurs ». Depuis quand en est-il ainsi? Et surtout pourquoi un tel événement commémoratif et revendicateur?

Depuis quand?

C’est à l’occasion du Congrès de fondation de la IIe Internationale, tenu à Paris en 1889, que les délégués ouvriers de différents horizons économiques et politiques (syndicalistes, socialistes et marxistes) vont prendre la décision de faire du 1er mai, dans les pays industrialisés capitalistes, une journée d’arrêt de travail visant à commémorer des événements tragiques survenus trois années plus tôt, en 1886, dans la ville américaine de Chicago.

Pourquoi?

Il faut savoir qu’à cette époque, dans certains pays de l’hémisphère ouest, la 2e révolution industrielle est en cours. Le mode de production correspond au capitalisme qui nous met en présence de deux classes sociales fondamentales : la bourgeoisie (les détenteurs des moyens de production) et les prolétaires (des personnes qui pour vivre et survivre ne détiennent qu’une seule chose : la vente de leur force de travail). Durant ce dernier quart du XIXe siècle, la condition ouvrière est peu enviable : la main-d’œuvre est de plus en plus dépouillée de ses qualifications; ce sont quasiment toutes et tous les membres de la même famille ouvrière qui œuvrent dans les usines naissantes; les heures de travail sont longues (jusqu’à 12 à 14 heures par jour); la semaine au boulot est interminable (elle compte en règle générale six jours); le travail des femmes et des enfants est peu encadré par la loi; les conditions de rémunération sont aléatoires et dépendent de la volonté ou de la décision arbitraire du patron; les employeurs n’ont quasiment aucune obligation juridique face à leurs salarié.e.s; les pénalités pour insubordination face aux employeurs ou à ses représentants va de la coupure de salaire jusqu’à la détention dans des cachots improvisés; bref, c’est le règne de l’insécurité au travail et de l’exploitation la plus éhontée. Il est même possible de qualifier la situation dans les entreprises capitalistes à l’époque de « despotisme d’usine ». À la fin du XIXe siècle, dans certains pays d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord, le capitalisme et le libéralisme triomphent. C’est le triomphe du profit pour une minorité (arrogante, dominante, possédante et dirigeante) qui prône le non-interventionnisme de l’État dans l’entreprise privée. La bourgeoisie a créé son opposé qui l’enrichit : la classe laborieuse à qui elle accole l’étiquette de « classe dangereuse » et à qui elle consent peu de droit.

Allons maintenant dans certains détails

Il est généralement reconnu que la Deuxième révolution industrielle se met en place durant la décennie des années 1880. L’utilisation de nouvelles sources d’énergie (l’électricité), de nouveaux moyens de circulation (le train) et la mécanisation des industries naissantes ont des effets majeurs sur le plan social. La population déserte la campagne (le milieu agricole) pour aller s’entasser dans les villes où sont localisées les grandes industries mécanisées qui ont un grand besoin de main-d’œuvre peu qualifiée. À cette époque, le droit de propriété est toujours consacré par la loi comme un rapport sacré et les travailleuses et les travailleurs en usine viennent tout juste de se voir reconnaître (en 1842 aux États-Unis d’Amérique (É-U) et en 1872 au Canada) le droit de s’associer pour négocier collectivement leurs conditions de travail et de rémunération.

Les événements de Haymarket (Chicago) en 1886

Quelques années après la Guerre civile, le capitalisme connaît des années de croissance aux É-U. La grande industrie est la base sur laquelle se développent des associations de travailleurs (des « syndicats ») qui ont pour objectif de lutter en vue d’améliorer les conditions de travail et de rémunération des ouvriers qui sont perçus et traités par les employeurs comme une simple marchandise malléable, corvéable et surtout exploitable à volonté. L’association qui a pour nom « Les Chevaliers du travail » est la première organisation syndicale de masse à voir le jour, en 1876, aux É-U. Il s’agit d’une organisation syndicale de type industrielle. C’est elle qui met sur pied le mouvement de revendication de la journée de travail de 8 heures. Cette revendication aboutit à la grève nationale du 1er mai 1886 qui mobilisa entre 190 000 et 200 000 grévistes aux É-U dont environ 75 000 à 80 000 dans la seule ville de Chicago. La manifestation du 4 mai 1886 à Haymarket donna lieu à un affrontement sanglant qui se solda par de nombreux morts et blessés du côté des ouvriers.

La IIe Internationale

C’est un délégué français, Raymond Lavigne, qui a proposé, lors du congrès de fondation de la IIe Internationale (tenu à Paris en juillet 1889), de faire du 1er mai l’occasion d’une manifestation internationale de solidarité ouvrière en mémoire du tragique « massacre de Chicago ».

Conclusion

Ce sont donc les événements dramatiques survenus à Haymarket – durant la première semaine du mois de mai 1886 – et une décision adoptée lors du Congrès de fondation de la IIe Internationale en 1889, qui sont à l’origine de la « Journée internationale des travailleuses et des travailleurs ». Cette journée commémorative n’est surtout pas à confondre avec la « Fête du Travail » qui a lieu aux États-Unis (depuis 1892) et au Canada (depuis 1894) le premier lundi du mois de septembre. Événement « festif » qui vise à occulter le caractère sanglant, répressif et oppressif du rapport capital / travail salarié. Un jour de congé férié, décrété par deux gouvernements hostiles à la classe ouvrière. Mais, comme dirait l’Autre, ça c’est une autre histoire qu’on m’invitera peut-être un jour à vous relater, dans une de vos prochaines publications!

Yvan Perrier

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