Quasi-harcèlement, intrusion de la Garda, problème de quorum et conflits englobant le compte Instagram cvm.confessions : l’Association générale étudiante du Cégep du Vieux Montréal (AGECVM) semble avoir perdu les rênes pendant un moment. Certains semblent remettre en question la crédibilité de leurs représentants qui assurent mettre le nécessaire en place.

Une assemblée marquée par la pagaille
Le 10 mars dernier, les étudiants du Cégep du Vieux Montréal devaient se prononcer sur une potentielle grève les 22, 23 et 24 mars. Les mandats : droits étudiants (en lien avec la gratuité scolaire, la rémunération des stages et les assurances collectives) et justice climatique.
Le quorum de 582 était atteint au début de l’Assemblée générale (AG). Au moment de passer aux votes sur la grève, un étudiant a demandé un recomptage des participants révélant qu’il n’en restait qu’environ 412.
Ce chiffre n’a pu être confirmé que près de deux semaines plus tard, quand le brouillon du procès-verbal fut enfin disponible (selon un membre du secrétariat, les procès-verbaux sont habituellement disponibles environ 72 heures après la tenue d’une AG).
Pendant les quelques heures qui ont suivi l’évènement, le compte Instagram cvm.confessions, qui publie des messages anonymes, débordait de plaintes et de quelques messages plutôt haineux envers cet individu.
Félix-Antoine Brault, délégué aux affaires internes du bureau exécutif de l’AGECVM, dit qu’il est facile « de diriger sa colère ou sa frustration sur une personne […] la réalité est que ce gars a raison. Si on n’est pas assez pour justifier la prise de décision, on ne devrait pas la prendre ».
Le responsable général de l’AGECVM, Taha Boussaa, rappelle qu’il y a toujours eu des « passagers clandestins » qui viennent chercher leur billet de présence pour motiver leur absence aux cours, et qui quittent l’AG immédiatement après.
« Il y a eu des campagnes de désinformation sur la démocratie étudiante qui a créé des tensions », raconte-t-il. Celui-ci donne des exemples de commentaires parus sur le compte cvm.confessions dont quelques-uns qui décourageaient les gens d’aller à l’AG. Certains accusaient même l’AGECVM de faire passer le vote qu’elle voulait. « D’autres [nous] accusaient de changer les règles démocratiques au milieu de la nuit », ajoute-t-il.
Dans une réponse écrite, le gestionnaire du compte anonyme assure que « cvm.confessions est une plateforme où les étudiants peuvent partager leurs avis et opinions. Ce n’est pas un média. J’invite tous les étudiants à toujours remettre en doute ce qui est partagé sur les réseaux sociaux ».
Le Groupe de sécurité Garda SENC était également présent jeudi pour faire respecter les mesures sanitaires. Toutefois, Taha Boussaa explique qu’un huis clos a été voté pendant l’AG pour empêcher les gardes de sécurité d’interférer. Félix-Antoine Brault confirme que la sécurité est tenue de respecter le huis clos, mais que selon des témoins sur place, certains auraient quand même tenté de sortir des étudiants. Une enquête est en cours pour démystifier leur présence.
Une mobilisation « trop intense »
Un autre facteur d’absence s’est distingué le 10 mars : certains étudiants se sont sentis presque harcelés à participer à l’AG.
Jérémie Nicaisse, étudiant en sciences humaines – profil Administration, tentait de se rendre à son cours quand des individus (il mentionne avoir reconnu un membre impliqué de l’AGECVM) l’ont intercepté pour l’inciter à se rendre à l’AG. « Je trouvais ça vraiment bizarre la manière dont ça a été demandé […] on prônait la démocratie étudiante, ce qui est super, mais de là à parler avec un ton condescendant à ceux qui refusent de manquer les cours, je trouvais ça un peu douteux », partage-t-il.
L’étudiant a qualifié l’interaction de « lourde » et de « pas agréable » et ajoute qu’elle l’a un peu découragé à participer aux prochaines assemblées.
Taha Boussaa assure qu’en principe, la mobilisation est coordonnée par l’AGECVM : « Il y a des gens qui ne sont pas dans l’association qui sont pris dans l’espèce de syndrome du grand sauveur-leader […] ils arrivent sur le terrain quand ça se fait déjà, s’autoproclament grands militants, sabotent le travail réalisé pendant des semaines et créent une mauvaise image des gens de l’association. »
La démocratie… trop compliquée?
Selon Mollie Drouin, étudiante en sciences humaines – profil Optimonde, les termes et procédures complexes utilisés lors d’AG pourraient en éloigner plusieurs : « Au final, c’est compliqué, c’est long pour rien et ça fait en sorte que les gens ne veulent pas rester. Les gens ne comprennent pas tout à fait ce qui se passe. »
Taha Boussaa invite les étudiants qui ne comprennent pas les enjeux, termes et procédures lors d’AG à demander un point d’information au micro.
Jérémie Nicaisse, quant à lui, trouve que c’est « étrange qu’il y ait des votes à main levée plutôt qu’une autre manière plus anonyme », ce qui éviterait, selon lui, la pression d’un jugement potentiel.
La neutralité de l’AGECVM est remise en question
Mollie Drouin est d’avis que certains membres de l’AGECVM « essaient un peu de manipuler ce qui se passe ». Elle ajoute « qu’il y a des gens vraiment extraordinaires [dans l’AGECVM], mais qu’il y a aussi des gens qui sont tellement à gauche qu’ils font un u-turn vers la droite ». Sur la plateforme cvm.confessions, plusieurs étudiants ont fait part de leurs inquiétudes face à la neutralité de l’AGECVM, comme quoi elle ne respecterait pas toujours les principes démocratiques et qu’elle prioriserait ses propres valeurs au détriment de celles de la majorité des étudiants.
Le responsable général de l’AGECVM dit toujours tenter d’être le plus neutre possible, mais avoue qu’il ne peut pas surveiller tous ses collègues. « Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que l’AGECVM a des mandats et des positions qui sont votées démocratiquement par les membres et moi, en tant qu’exécutif, je dois [les refléter] », explique-t-il.
Il énumère que dans la liste, on y trouve des mandats pro-grève, pour la gratuité scolaire et pour les stages payés. Malgré cela, il insiste que les principes démocratiques doivent être respectés ; si c’est non à la grève, alors c’est non à la grève.
Félix-Antoine Brault assure que « c’est un enjeu de mobilisation plus qu’un enjeu d’adhérence », mais relève un certain paradoxe : « C’est plus facile de modifier la charte, nos règlements fondamentaux, que d’avoir une assemblée de grève […] Modifier nos règlements fondamentaux permettrait de diminuer le quorum pour avoir des assemblées de grève plus facilement. Le projet de modification de charte date depuis très longtemps. »
CORRECTIF : Jérémie Nicaisse mentionne avoir reconnu un membre impliqué de l’AGECVM, et non un membre de l’exécutif.