Note : Les opinions exprimées n’engagent que l’auteur-e du texte et ne reflètent pas la vision du journal étudiant « L’Exilé ».

Comme la plupart des étudiants qui en sont actuellement à leur seconde année au cégep, j’appartiens à la cohorte ayant connu les cours à distance comme seule expérience des études collégiales. Il me fut donc permis, au cours de la présente session, de comparer ces deux réalités que sont les études en ligne et le cégep en présentiel. Comme c’est sans doute le cas pour beaucoup d’étudiants et d’enseignants, je me plais davantage dans l’environnement stimulant du cégep que dans celui de mon humble demeure.
Or, malgré tous les inconvénients que l’on puisse leur trouver, les études durant la pandémie s’accompagnèrent de certaines nouvelles méthodes relatives au temps alloué lors des évaluations qui s’avérèrent pertinentes d’un point de vue pédagogique.
Au cours de la dernière année, les enseignants de littérature et de philosophie, en particulier, laissèrent leurs étudiants disposer d’une période de plusieurs jours afin de réaliser leurs travaux de rédaction alors que, dans la formule conventionnelle, la totalité de la dissertation se serait effectuée dans un intervalle de quelques heures en classe.
Ainsi, depuis le ralentissement de la propagation du virus au Québec ayant permis le retour des étudiants en classe, une tendance à réintégrer cette contrainte de temps dans la réalisation des travaux peut être observée.
Enfin, pourquoi ne pas simplement poursuivre cette habitude héritée du confinement concernant la durée de la période allouée aux travaux rédigés dans le cadre des cours de littérature?
Effectivement, l’offre d’une abondance de temps aux étudiants favorise le développement de l’autonomie chez ceux-ci et leur permet aussi de s’organiser en fonction de leur propre horaire et de leurs besoins spécifiques. Par ailleurs, cette formule alternative permet aux principaux concernés de présenter, en fin de compte, un travail davantage représentatif de leur maîtrise de la langue française. À vrai dire, ce n’est parfois que quelques minutes en plus qu’il aurait fallu à un étudiant pour que celui-ci ait la chance de réviser son texte et, ainsi, d’éviter de nombreuses fautes d’inattention commises sous l’influence d’un stress montant à la vue du temps qui file. En somme, les travaux ayant bénéficié d’un temps de réalisation augmenté tendent à se rapprocher du standard professionnel. Cette formation plus représentative de la réalité de l’emploi attendant la majorité des cégépiens s’accompagne bien souvent d’un sentiment de fierté et de satisfaction rehaussé, ce qui contribue, par procuration, à nourrir un intérêt marqué pour les études ainsi qu’une certaine motivation chez les jeunes. Certes, la plupart des métiers requièrent une maîtrise de la langue, mais rares sont ceux exigeant une capacité à rédiger spontanément en quelques heures un texte analytique d’un millier de mots sans fautes, ou presque, dans un français soutenu.
D’un autre côté, contraindre les étudiants à réaliser l’entièreté de leur dissertation lors d’un cours de quelques heures force ces premiers à prendre des raccourcis résultant en des travaux bien souvent médiocres. Pour faire simple, dans un délai aussi court, ceux faisant face à ce genre d’épreuve ne disposent que de quelques minutes afin d’étudier la question et de développer un argumentaire logique tentant d’y répondre. Par après, le processus de production, faute de temps, doit s’enclencher au plus vite. Cet empressement quasi conditionnel à la réussite de ces évaluations se traduit par une détérioration de la langue écrite due au stress ainsi que par la présence d’idées d’une originalité déficiente de par le peu de temps consacré à leur développement. En outre, même si l’étudiant parvient à obtenir un bon résultat à cette évaluation, il n’en retire, cependant, point une impression de fierté et de réussite étant donné l’inachèvement du travail entamé en question.
Ce que produit l’étudiant dans son texte est totalement désincarné de sa personne et nuit, conséquemment, à l’émergence chez lui d’un sens intellectuel, d’un amour de la connaissance pourtant gage d’une société démocratique résiliente.
Enfin, en évaluant ainsi la performance des citoyens en devenir, ne basons-nous pas la réussite sur un critère aussi arbitraire que celui de l’efficience, de la productivité, de la vitesse brute? En bref, la qualité d’un individu ou sa capacité à apporter quelque chose de pertinent à la société ne se résume pas qu’à la rapidité d’exécution. Souvent, les idées contribuant le plus significativement au développement prennent des années à murir dans l’esprit de leurs penseurs avant d’aboutir.
Il est vrai, certes, qu’une efficacité au travail peut s’avérer souhaitable dans une certaine mesure, mais celle-ci s’acquiert naturellement, à force d’effectuer le même type de tâche de façon récurrente et non pas en forçant la jeunesse à réfléchir plus rapidement qu’elle ne le peut, quitte à faire parfois de faux pas aux lourdes conséquences.
Pour conclure, je pense que la méthode d’évaluation propre au cursus collégial de littérature et de philosophie devrait être revue en y réduisant la place du critère productif pour y revaloriser l’aspect qualitatif. Rehaussons les exigences relatives à la qualité des travaux, mais donnons davantage de temps aux étudiants pour réaliser la tâche à faire. Aussi, je suis bien conscient que ce choix ne relève sans doute pas de vous, les enseignants, mais plutôt de certaines exigences du ministère de l’Éducation. En conséquence, c’est à celui-ci, que s’adresse ma requête :
Donnez-nous du temps!