Désobéissance civile pour le climat et la biodiversité : l’exemple de Fairy Creek

Note: Les opinions exprimées n’engagent que l’auteur-e du texte et ne réflètent pas la vision du journal étudiant « L’Exilé ».

Édouard Bernier-Thibault

La désobéissance civile commence par la réaction face à un ordre des choses, soit légal, politique, économique, etc. qui est intolérable et c’est sur cette base-là que va se construire un refus général d’obtempérer, de continuer le cours des choses. 

Dans le cadre d’une crise climatique qui est de plus en plus pressante, qui se manifeste partout sur le globe et qui nécessite d’un changement de paradigme radical dans la manière de penser, d’occuper et d’utiliser le territoire, des décisions importantes doivent se prendre. Si les pouvoirs politiques ne sont pas prêts à les prendre, c’est un impératif que la population elle-même doit manifester son mécontentement avec l’ordre des choses, qu’elle s’insurge pour sa propre survie, pour notre propre futur. 

Les évènements du blocage de Fairy Creek en Colombie-Britannique depuis un an sont un parfait exemple de la nécessité, de la force, de l’importance de la résistance ainsi que de la désobéissance civile dans une lutte contre les changements climatiques. Ceci est un court texte qui ne vise pas à décrire ou parler de la problématique générale de l’industrie forestière, mais plutôt un éloge du pouvoir rassembleur de l’idée de la justice qui permet de contester l’ordre ou le désordre des choses. 

Face aux activités de la compagnie forestière Teal-Jones, qui planifiait et qui avait la permission de faire de la coupe dans une des dernières grandes forêts ancestrales de la Colombie-Britannique dans la vallée de Fairy Creek, des manifestants ont décidé que ce n’était pas acceptable. Ils ont décidé qu’ils allaient exprimer leurs désaccords envers les pratiques de Teal-Jones. Rapidement, à partir de août 2020, s’est organisé un véritable réseau de résistance pour empêcher les activités de se poursuivre. Inévitablement, l’affaire est allée en cours. Teal-Jones demande une injonction, c’est-à-dire un ordre impératif formulé par un juge, pour déloger le blocage afin de regagner l’accès aux arbres ancestraux qui étaient désignés à être coupés. Le 1er avril 2021, ceux-ci obtiennent une injonction de 6 mois, la GRC est donc maintenant permit de déloger les manifestants de force, pour que Teal Jones puisse reprendre son activité.

Que faire face aux jugements, face à une décision émise par un tribunal de justice? Confrontés à leur propre illégalité et tout ce que ça implique, les manifestants doivent se poser une question difficile, mais ils doivent se la poser honnêtement; est-ce que tout cela est juste? Est-ce que mes actions sont telles que je voudrais que tout le monde agisse dans un tel contexte?

Tout manifestant est d’abord et avant tout quelqu’un qui juge. Manifester est simplement la réaction nécessaire face au jugement d’injustice. Ce jugement, il doit être capable de le faire sur soi-même, puisqu’il ne peut se baser sur rien d’autre que son sens éthique intérieur et sa propre réflexion pour se juger impartialement. Les forces politiques de la société combattent toujours la désobéissance civile, il n’y a là pas de discernement qui est fait puisque l’idée de désobéissance en soi met directement en danger le pouvoir. On ne peut pas se baser sur la loi, puisque c’est précisément la loi qui est en question, seuls nous-mêmes pouvons juger si nos actions ont une légitimité et ainsi savoir qu’est-ce qui est réellement juste: obéir ou désobéir. Quand je sais la justice de mes actions, je sais que je dois résister, que je dois continuer à manifester, puisque l’injustice contre laquelle je protestais n’a pas changé du fait que ma protestation est devenue illégale, bien au contraire. 

Pendant près d’un an, les manifestations ainsi que les blocages ont continué dans un effort surhumain d’organisation, de coordination et de mobilisation. Face aux tactiques parfois violentes et illégales de la GRC, incluant de multiples atteintes à la liberté de presse, les manifestants ont soutenu leurs positions ainsi que leurs idées face à toutes les forces employées pour les faire perdre et les dissuader. Totalisant plus de 1000 arrestations à sa fin, cela aura été le plus grand mouvement de désobéissance civile de toute l’histoire du canada (en termes de nombre d’arrestations). À la fin officielle de l’avis d’injonction, constatant la fâcheuse persévérance des manifestants malgré tous les efforts employés pour les déloger, Teal-Jones ont dû demander une extension sur leurs avis d’injonction, mais cette fois, la cour a refusé, ainsi l’injonction officielle a expiré le 28 septembre 2021. 

Qui sait ce qui adviendra, ce qui suivra. Ce que je sais, c’est qu’à travers leurs forces, leurs organisations et leur sens de la justice qui a persévéré dans l’illégalité pour défendre ce qui doit être défendu, les manifestants de Fairy Creek ont montré la puissance et l’importance de la désobéissance civile pour combattre l’injustice. Ce sont les héros d’une lutte mondiale qui doit se faire, et qui est déjà en train de commencer.

Je souhaite que les évènements de Fairy Creek montrent à tous les pouvoirs d’ici ou d’ailleurs que le peuple est prêt à se battre pour la terre ainsi que la justice climatique, et que le peuple voit que sa résistance est nécessaire à la transition écologique qui déterminera notre avenir.

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