Note: Les opinions exprimées n’engagent que l’auteur-e du texte et ne réflètent pas la vision du journal étudiant « L’Exilé ».
Il y a quelques temps de cela, durant la première semaine du mois de mars, le co-porte-parole de Québec Solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, présentait un intriguant projet de réforme parlementaire. Celui-ci affecterait le pouvoir détenu par la population sur le cours de la politique. En effet, il est déplorable de constater que le poids dans la balance démocratique de bien des Québécois aujourd’hui se résume au passage à l’urne environ tous les quatre ans.
Conséquemment, le député de Gouin propose l’instauration d’un principe permettant aux citoyens d’une circonscription donnée de révoquer le mandat de leur représentant parlementaire. Concrètement, le processus d’expulsion serait entamé par la signature d’une pétition d’initiative populaire qui donnerait suite à la tenue d’un référendum confirmant démocratiquement le choix du renvoi.
Cela signifierait que les électeurs seraient dorénavant en mesure de remplacer un député dont la gestion ne conviendrait plus aux yeux de la majorité, en évitant l’attente des prochaines élections. Ceci, entre autres, contraindrait les élus à travailler davantage au gré des préoccupations de la population, puisque ceux-ci ne bénéficieraient plus d’une assurance, jusqu’à la prochaine dissolution parlementaire, de conserver leur poste.
Conjointement à cette première motion, le co-porte-parle de Québec Solidaire suggère la création d’une chambre des générations. Cette dernière, en l’occurence, rassemblerait 60 membres, soit 30 experts environnementaux ainsi que 30 citoyens aléatoirement nommés. En somme, ce nouvel ensemble jouerait un rôle de contrepoids au sein de l’Assemblée Nationale en matière environnementale via l’exercice de son droit de véto pouvant interrompre temporairement un projet de loi afin d’en exiger son réexamen.
Des idées sont, certes, porteuses d’une éventuelle refonte participative de notre démocratie, mais encore faudrait-il qu’elles se concrétisent. À vrai dire, les chances qu’advienne l’adoption de ces réformes sont minces si l’on se fie à l’historique peu concluant des projets antérieurs du même ordre.
Par exemple, mentionnons que le premier ministre actuel, comme beaucoup de ses prédécesseurs, proposait, avant sa victoire, une réforme au niveau du mode de scrutin alors qu’aujourd’hui ce dernier semble, sans s’étonner, avoir perdu de son enthousiasme pour la question.
Les camps politiques, victimes de la structure électorale comme parlementaire, souhaitent la voir évoluer. Or, lorsque celle-ci joue finalement en leur faveur, les partis perdent, avec raison, tout intérêt à ce que la conjecture soit altérée. Bref, la règle voulant que les changements institutionnels majeurs soient remis aux calendes grecques risque de rester effective.
Ainsi, des messures permettant que davantage de décisions soient prises de façon extraparlementaire, telles que celles proposées par M. Nadeau-Dubois, mentionnées plus haut, contribueraient à la résoluton de l’impasse persistante à laquelle se heurtent les réformes systématiques de notre démocratie. En soi, cela limiterait la mesure dans laquelle les politiciens se permetteraient de diverger des aspirations spécifiques de la majorité des électeurs.
Justement, en parlant de décisions parlementaires de l’opinion publique ou controversée selon celle-ci, un projet ayant en ce moment lieu au Québec illustre cette problématique pouvant découler d’un parlementarisme caractéristique du système démocratique québécois.
En effet, il est question ici du projet piloté par l’entreprise GNL Québec; celui-ci se résume à la construction, dans la porton Nord du Québec, d’un gazoduc dont le contenu serait liquéfié, entreposé et exporté depuis le Port de Saguenay où des infrastuctures seraient bâties à cet effet. Ce plan, si concrétisé, représente un risque environnemental considérable. Non seulement cela créerait de nouvelles opportunités commerciales pour les combustibles fossiles sur le marché international, mais il planerait aussi dorénavant la menace d’un déversement et d’une perturbation de l’écosystème qu’abrite le Parc national du Fjord à proximité de Saguenay.
L’illustration de mon propos réside dans ce projet en ce qu’il relève entièrement de l’initiative du parti majoritaire au Québec que travaille activement à son développement alors que, selon les sondages, près de la moitié des Québécois s’opposent à sa réalisation. Dès lors, considérant la gravité des enjeux, la suspention temporaire de la progression du plan serait de mise. Or, la Coalition Avenir Québec, bénéficiant de la majorité, ne déroge pas à sa décision initiale et prévoit toujours entamer le développement des infrastructures sous peu. Ajoutons que le parti persiste dans cette voie malgré la résistance acharnée d’organisations citoyennes qui, par ailleurs, sont parvenues à décourager maints investisseurs de soutenir le projet.
La présente situation est donc, en ce sens, la démonstration de sérieuses lacunes quant à la représentativité et au réel pouvoir de l’opinion publique au sein de nos institutions démocratiques, sans compter que, dans le cas de GNL, le défaut en question permet l’élaboration d’un projet aux effets délétères sur l’environnement. Mentionnons également que le recours à la formation d’un bureau d’audience publique sur l’environnement (BAPE), tel qu’instauré afin de consulter la population avant que le projet ne se réalise, demeure insuffisant étant donné que la décision de ce dernier ne peut primer sur celle d’un parti majoritaire.
En conclusion, le tout nous éclaire sur les effets bénéfiques qu’apporterait la concrétisation des propositions de réformes parlementaires du député de Gouin. Effectivement, le droit de véto, détenu par la chambre des générations permetterait un ralentissement considérable du processus d’adoption de motions faisant l’objet d’un litige au sein de la population. Le principe de révocation citoyenne du mandat d’un représentant de circonscription, quant à lui, ouvre la porte à d’éventuelles réorganisations des rapports de forces au sein de l’Assemblée Nationale à tout moment, en cas d’une baisse subite du degré d’approbation de ses décisions. L’évolution des actions menées par le gouvernement saurait être interrompue par le consensus populaire, palliant ainsi les limites d’un système démocratique où le pouvoir émanant du peuple est réduit au suffrage d’une poignée de représentants.