Perception de la femme en 2021 : 8 témoignages

Note: Les opinions exprimées n’engagent que l’auteur-e du texte et ne réflètent pas la vision du journal étudiant « L’Exilé ».

Le 8 mars dernier, alors que l’on célébrait la Journée Internationale des droits des femmes dans la foulée de meurtres conjugaux et de nouvelles lois américaines anti-avortement, deux questions majeures montèrent à mon esprit. Qu’est-ce qu’être une femme? Et surtout, quelle en est sa condition, en 2021? J’ai donc décidé d’interroger des personnes de mon entourage à ce sujet. Cet article servira donc de voix pour 8 témoignages qui dévoilent authentiquement différents angles sur le genre et l’identité, l’expérience du patriarcat ou encore sur la notion d’égalité.

« Pour moi, être une femme, ça ne signifie pas grand-chose. On sait tous et toutes que les genres sont une construction sociale et culturelle. Je m’identifie toutefois à ce genre par le fait que je suis à l’aise avec celui-ci. Être une femme, c’est regarder les autres femmes et se dire “ouais, je suis comme ça aussi”. C’est s’associer à un groupe de personnes qui ont les mêmes caractéristiques que toi, qu’elles soient physiques ou mentales. Encore là, c’est compliqué parce que de quelle façon est-ce qu’une femme pense? Bien sûr il y a tous les stéréotypes auxquels, je l’avoue, je corresponds souvent. Seulement, le “mental” d’un genre ne peut pas vraiment être déterminé sauf par la culture dans laquelle nous sommes socialisés. Bref, sans vouloir m’éterniser, être une femme au Québec, c’est s’identifier au modèle proscrit par la société de ce qu’est une femme. »

« La condition de la femme en 2021 est encore catastophique et ce n’est pas une question d’opinon, mais une question de faits et de statistiques visibles à l’oeil nu. C’est pourquoi j’ai énormément de misère avec les débats là-dessus, parce qu’il n’y a tout simplement aucun débat à avoir. Les femmes sont désavantagées pas mal partout, sauf peut-être dans les divorces et pour les métiers nocturnes. Inégalités salariales, partage de tâches non équitables, violences sexuelles, stéréotypes, féminicides et je pourrais continuer pendant 100 pages. Les hommes sont vites sur la gâchette pour dire “qu’on l’a eu notre droit de vote” et “que l’égalité est atteinte, pourquoi tu chiales?” Je chiale parce que des personnes comme toi, avec un manque d’éducation fracassant sur le sujet, se permettent d’avoir une opinion. »

« Je ne peux pas concevoir qu’en 2021 je dois encore convaincre les gens que la condition féminine au Québec est pitoyable. Serais-tu motivée toi si je te disais qu’après t’être tapé 3 ans de BAC et l’École du Barreau tu gagnerais 0.87$ pour chaque 1$ fait par un homme même si vous avez le même parcours et le même poste? Je ne crois pas. La situation est globalement démotivante. »

Isabelle

« Pour moi, être une femme, c’est être 100% moi-même, tout en restant consciente de l’influence que le patriarcat a sur moi et mes décisions. »

Zoe

« Qu’est-ce qu’une femme? Pour moi, être une femme ne devrait être qu’un qualificatif comme un autre : j’ai les cheveux bruns, je mesure 5 pieds 4, je suis une femme. Mon sexe ou mon genre ne me définit pas comme personne, cela ne dicte pas mes préférences, mes aspirations, mes traits de personnalité. Dans une société où tout est genré à l’extrême, ça peut sembler déroutant, mais voilà comment je l’expérimente. Être une femme dans un système patriarcal a évidemment influencé mes expériences, mais dans un monde idéal, être une femme ne serait qu’un détail parmi d’autres. Ce qui nous qualifie réellement, à mon avis, ce sont nos rêves, nos qualités et nos limites, toutes nos différences individuelles qui nous rendent uniques. Je suis une femme mais avant tout, je suis moi. »

« On pourrait voir la condition de la femme d’une vision occidentale et plutôt positive, en se disant qu’aujourd’hui, les femmes ont beaucoup plus de droits et de considérations que dans les siècles derniers. Mais pourquoi vouloir se comparer au pire, et non au mieux? Même dans ma position privilégiée, je constate que l’égalité est loin d’être atteinte. Ne serait-ce que dans les conditions de travail médiocres des emplois traditionnellement “féminins”, dans les écarts de salaires, dans le système judiciaire, dans la répartition des tâches dans les couples hétéros, et j’en passe. Être une femme en 2021, c’est encore devoir travailler beaucoup plus fort qu’un homme pour prouver que tu “mérites” ta place.  C’est voir tous tes propos être remis en question, car “est-ce que tu sais vraiment de quoi tu parles?”  C’est se faire dire qu’on doit être belles, mais pas trop, sinon on cherche l’attention. Être une femme en 2021, c’est être vue comme un objet sexuel, comme si notre corps était une marchandise. C’est devoir faire attention à ne pas nous faire agresser, car on nous dira qu’on l’a cherché si on était habillée trop légèrement. C’est avoir peur de marcher seule le soir, et surveiller son verre dans les bars. C’est avoir un frisson d’horreur dans le dos en voyant le nombre de féminicides grimper en flèche depuis le début de l’année. Être une femme en 2021, c’est aussi de se faire dire qu’on exagère, et qu’il n’y a plus de sexisme. C’est facile de ne pas voir l’oppression, quand on ne l’a jamais vécue. Bien sûr que les conditions des femmes sont bien meilleures qu’il y a 50 ans. Mais qu’on n’utilise pas cet argument pour réduire au silence celles qui dénoncent les injustices actuelles qui perdurent.»

Anne-Sophie

« Pour moi être une femme c’est d’être forte en tout temps. J’ai toujours une pression sociale qui me pousse à être constamment polie, même avec des gens qui ne le méritent pas. Elle me pousse à être intelligente, mais juste assez pour ne pas être intimidante. Elle me pousse à rire à des blagues déplacées par peur des représailles, à passer en deuxième, à me battre deux fois plus pour avoir moins en bout de ligne. En 2021, je veux voir moins de barrières entre les genres, plus de représentations, non seulement des femmes mais de n’importe quel groupe qui depuis trop longtemps n’est pas pris au sérieux. La réalité, c’est qu’on a besoin des femmes et de leur force peut-être même plus en ce moment que jamais, et on ne fait rien pour les encourager. » 

Amandine

« Selon moi, être femme c’est le devenir, que ce soit en vivant les pressions d’une société qui valorise la femme féminine (dans le stéréotype qu’on connait de la dichotomie de la féminité et de la masculinité), en subissant les contraintes culturelles et les conséquences si on n’y répond pas. En étant dévalorisées pour qui on est à cause de normes qui aujourd’hui sont quasiment vues et justifiées comme naturelles quand à la base elles sont totalement culturelles (et tout ce qui découle plus spécifiquement de cette construction sociale). »

« Pour moi, la condition féminine en 2021 est quasiment impossible à établir parce que je crois qu’il y a tellement d’inégalités et de disparités des conditions pour toutes les femmes sur la Terre. Niveau égalité, ce ne sont pas toutes les femmes qui sont rendues au même endroit dans leur bataille, mais de ce que je connais je ne crois pas qu’en 2021 on peut affirmer que les femmes sont égales aux hommes, quand elles devraient définitivement l’être. » 

Béatrice

« Mon genre n’a que très peu à avoir avec mon identité. Être une femme, c’est biologique: je peux avoir des enfants. Mais, au-delà de ça, personnellement, ça n’a pas beaucoup d’impacts sur mes passions, ce que j’aime, ce que je n’aime pas, mes rêves et ambitions. Être une femme pour moi, c’est surtout dans le regard de l’autre, je suis une femme pour les autres… et tout son lot de désagréments: attouchements non consentis, commentaires désobligeants, craindre pour ma sécurité le soir, etc. Bien sûr que tout cela a un impact sur mon évolution en tant que personne, mais ça c’est à cause de la perception de l’autre, pas mon genre intrinsèquement. »

« Lorsqu’on voit qu’il y a eu 5 féminicides en février seulement, il est difficile d’être optimiste. Je suis déçue. On parle beaucoup d’identité de genre, de transphobie, de body positivity … on parle, on parle et on parle encore. Je vois des filles s’indigner pour des bagatelles, s’indigner lorsqu’un garçon veut parler d’un sujet qu’elles considèrent comme ne faisant pas partie de son expérience à lui et on parle, on s’indigne…  Durant ce temps, des femmes meurent violemment aux mains de leurs partenaires. Je vois que personne ne prend la relève, je ne vois que des discussions stériles. J’aurais pensé qu’enfin on aurait impliqué les hommes dans notre combat. J’aurais pensé que la nouvelle génération aurait enfin intégré et compris que le féminisme c’est l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce n’est pas avoir le dessus dans une conversation et s’offusquer à cause de mots. Bien sûr il faut parler, pour guérir, pas pour diviser. »

Anonyme

« J’ai de la misère à trouver comment définir c’est quoi une femme, je pense que j’ai de la difficulté à définir les genres parce que c’est une construction sociale, selon moi ce qui définit une personne va plus loin que son genre. Je n’arrive pas à mettre dans une boîte toutes les femmes du monde, mais pour faire bref, je dirais qu’une femme c’est quelqu’un qui s’identifie comme telle. La condition actuelle de la femme en 2021 est autant difficile à définir parce que chaque femme vit une réalité différente. Je crois qu’en général, on assiste autant à un recul qu’à un avancement dans la société. C’est super complexe à définir et impossible à résumer. » 

Sophie

« Selon moi, c’est une chance autant qu’un défi ; ça comprend une force innée, mais également des contraintes à la liberté qui ne sont pas impliquées pour les hommes. Être une femme représente toute la beauté d’être, la capacité à aimer sans limites, le don de soi au prochain, et n’est ni caractérisé par ce qui se trouve entre tes jambes, ni par une façon de t’exprimer physiquement. En tant que femme blanche cisgenre, je peux considérer que mes conditions sont assez favorables à un bon développement en termes concrets : la représentation dans les médias, l’accès à l’éducation, les emplois possibles, etc., sont des aspects sur lesquels je profite d’assez de privilèges. Toutefois, nous ne sommes toujours pas à un point où les voix des femmes de toutes classes sont entendues, encore moins écoutées, particulièrement sur des aspects moins concrets, tels que le système de justice et la culture du viol ; ces sujets moins abordés ont besoin d’encore beaucoup de travail pour qu’on puisse affirmer avec confiance que nous sommes en égalité avec les hommes. » 

Annabelle

 « Être humain défini par ses caractères sexuels, qui lui permettent de concevoir et de mettre au monde des enfants.  »

Définition actuelle du mot « femme », Dictionnaire de l’Académie française

Au moment où je compile ces témoignages, le nom de Sarah Everard résonne encore à travers les médias. Quelques jours après l’arrestation du policier Wayne Couzens pour l’enlèvement et le meurtre de cette jeune femme de 33 ans, je ne peux qu’encore réfléchir à la situation de la femme en 2021. Si une femme ne peut pas marcher seule le soir sans être potentiellement en danger, que cela dit-il sur notre société ? Si j’avais une fille aujourd’hui, est-ce que je l’éduquerais comme ma mère m’a éduquée ? La triste réalité, c’est que ma fille devrait encore subir les atroces conditions que la femme vit toujours au 21ème siècle, et ce, à travers le monde. Je devrais lui parler de la culture du viol. De la violence envers les femmes. Des féminicides. De ce que c’est, l’équité salariale. Du système patriarcal. Des femmes comme Thérèse Casgrain, mais aussi des femmes comme Sarah Everard. De plein d’autres choses, évidemment, mais surtout qu’être femme, c’est l’un des plus beaux cadeaux, même si des fois, il peut être empoisonné. 

Sur ce, en ce 2 avril, je vous souhaite une belle Journée Internationale des droits de la femme, car selon moi, chaque jour est un combat pour une ou pour une autre. 

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