Préoccupant, mais à quel point?

Note: Les opinions exprimées n’engagent que l’auteur-e du texte et ne réflètent pas la vision du journal étudiant « L’Exilé ».

La première moitié de l’année scolaire arrivant à terme pour les élèves du primaire et du secondaire, que tombent déjà les rapports ministériels sur la performance académique des jeunes Québécois et Québécoises. Le constat de ces derniers est, sans étonnement, que les résultats sont à la baisse. L’éducation est plombée par le contexte pandémique, une trame de fond affectant concrètement comme psychologiquement les citoyens à en devenir.

Bien que la tranche d’âge concernée des 4 à 17 ans bénéficie de meilleurs accommodements par rapports aux cégépiens ou aux universitaires en ce qui a trait aux cours en présentiel, il n’en reste pas moins que d’autres éléments réduisent la véritable portée de ces permissions.

En effet, il suffit d’un seul cas présumé pour que l’ensemble du groupe se voit de retour derrière l’écran depuis la maison. De plus, est-il important de mentionner que les élèves du secondaire ne suivent qu’une fraction de leurs cours à l’école par semaine. Autant dire que le temps d’enseignement en classe réelle fait figure d’exception plutôt que de norme pour les adolescents. On peut aussi compter comme facteurs démotivants une vie étudiante atrophiée et l’encadrement des élèves par la distance nécessairement restreint.

La piètre performance académique actuelle suscite, vous l’aurez compris, d’importantes préoccupations au ministère de l’Éducation, mais aussi, bien au-delà du cabinet, dans l’ensemble de la population. L’éducation lors d’une crise sanitaire est-elle lésée au point d’animer la crainte d’une éventuelle arrivée sur le marché du travail de citoyens inaptes? Est-ce que la mise au point d’un camp estival de rattrapage scolaire s’avèrerait être une solution envisageable comme le suggèrent les responsables de l’éducation?

Avant de tenter par méthode choc d’endiguer le grand mal que représentent les bulletins de jeunes moins reluisants qu’à l’habitude, peut-être devrions-nous relativiser et remettre en question la pertinence des notions leur étant dispensées d’après l’évolution du monde qui les verra grandir.

Rappelons-nous qu’il fut une autre problématique majeure accentuée par la pandémie, soit le manque d’employés dans les secteurs primaires, comme celui de l’agriculture, requérant peu ou pas de qualifications. Normalement, afin de pallier le manque de main-d’œuvre dans ces domaines, les exploitants agricoles québécois engagent à l’étranger, notamment au Mexique, pour faire les récoltes des travailleurs qui, de surcroît, représentent un avantage en ce qui a trait au prix de leur travail inférieur au salaire minimum.

Ce dernier fait rend compte d’un paradoxe que les États comme le nôtre entretiennent depuis qu’ils sont entrés dans la dernière phase de mondialisation majeure. Au Québec comme dans certains pays développés, une grande part des activités économiques se concentrent dans des domaines permettant le maintien de la prospérité et de la qualité de vie de ses habitants – exploitation minière, pétrolière, recherche et développement, entreprenariat, services… -. Cependant, les secteurs inhérents à la vie en elle-même comme l’agriculture sont délaissés par les citoyens et relayés aux travailleurs étrangers desquels nous sommes vite devenus dépendants. Le recours à une telle importation de main-d’œuvre bon marché durant la saison des récoltes est la preuve indéniable d’un handicap latent. Lorsque les mines seront épuisées, entrainant dans la même chute l’industrie technologique et les services dont dépend tant la croissance économique, rien ne permettra de réorienter suffisamment rapidement les Québécois vers des emplois indépendants d’un marché mondialisé pour éviter la crise sociale.

Pourquoi alors persiste-t-on à surqualifier les enfants, à les préparer aux domaines de pointe alors que la demande sur le marché du travail se fait criante dans des secteurs n’exigeant, au contraire, qu’un niveau de connaissance rudimentaire? Excusez-moi cette image un peu forte, mais serait-t-il plus cohérent d’envoyer les élèves non pas dans un camp de rattrapage scolaire cet été, mais plutôt dans un champ?

Bien que l’idée soit ici poussée à l’extrême, elle s’avérerait on ne peut plus intéressante que l’on n’y croirait. Le temps disponible avant que les limites de l’exploitation des ressources naturelles affectent les pays développés, au point d’altérer la structure économique à leur origine, ne se compte plus en générations, mais bien en années.

En conclusion, il ne faut point être devin pour comprendre que le besoin de s’alimenter subsistera encore demain, contrairement aux préoccupations liées aux enjeux qui sont les produits de la volatile prospérité économique. Les chances sont que l’économie primaire, semblant si distante aujourd’hui de nos vies postmodernes, y occupe pourtant une place grandissante au fil des ans, et ce, même une fois sortis du contexte pandémique.

À vrai dire, le retour de la consommation dans toute son envergure qu’occasionnera le déconfinement risque de contribuer à « l’effondrement » comme le qualifierait Jared Diamond. La recrudescence de l’extractivisme qu’engendrera un boum de la demande s’accompagnera d’un tout aussi grand « boum » marquant la fin d’une rêverie de l’humanité qui débuta lorsque celle-ci troqua l’esclave pour l’or noir, sachant ce dernier consumable et beaucoup plus rentable. Nous n’aurons point besoin, dans un futur rapproché, de citoyens en blouses blanches plongés dans la recherche et le développement. Nous aurons besoin de travailleurs ayant un champ de compétence beaucoup plus manuel et agricole. En prenant compte de cette réalité, les préoccupations sociétales relatives aux quelques points en moins affichés aux bulletins d’élèves semblent vite devenir insignifiantes, et il apparait davantage impératif de s’attarder sur la réforme de la façon dont nous formons les dits élèves.

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