Chick Corea : cinq albums à découvrir ou redécouvrir

Février 2021 fut un mois de deuil pour la grande communauté du jazz à l’international en predant trois musiciens qui ont marqué les esprits. Les décès du saxophoniste Howard Johnson, du batteur Milford Graves et finalement du pianiste Chick Corea furent tout aussi attristants que fulgurants dans le cas de Chick. C’est sur ce dernier que portera cet article de recommandations musicales, Sans aucun doute l’un des pianistes les plus influents de son époque, je vous propose de découvrir en musique ce jazzman légendaire.

Un peu d’histoire

Amateurs de jazz, soyez indulgents. Ce n’est pas un tâche aisée que de résumer la carrière d’un monument en quelques centaines de mots, mais je me lance!

Chick Corea naît le 12 juin 1941 à Chelsea, dans le Massachussetts. Très jeune, son père trompettiste lui apprend le piano classique, étant d’ailleurs sa formation de base comme presque tous les musiciens de jazz de l’époque. En parallèle du piano, il apprend aussi la batterie, qui demeure encore aujourd’hui l’un de ses talents cachés. Chick est accepté dans les prestigieuses écoles de la Columbia University puis Julliard, mais quitte rapidement; c’est en jazz qu’il veut faire carrière. Dans ses débuts, on le voit jouer avec Cab Calloway, Blue Mitchell, et plusieurs spécialistes de la musique latine, élément qui deviendra central dans son style. Déjà reconnu pour son jeu, son premier album paraît en 1968 avec pour titre Tones for Joan’s bones.

Après cela, tout s’enchaîne. Il performe avec le saxophoniste Stan Getz et le trompettiste Miles Davis, une collaboration qui deviendra tournante dans son parcours alors qu’il deviendra membre du fameux quintette, et il enchaîne les sorties d’albums. Novateur, Chick Corea arrive pile au bon moment pour participer aux débuts du jazz fusion en participant entre autres au mythique Bitche’s Brew et est considéré comme un des fondateurs du jazz rock. Dans cete montée en 1971 le groupe Return to Forever qui sera un ensemble phare du mouvement fusion en alliant jazz latin que Chick chérit toujours. Sans cesse en création, le Chick Corea Elektric Band sort son premier album éponyme en 1986 dans lequel Corea explore encore plus les couleurs du synthétiseur, de la basse et de la guitare électrique en continuité avec le son qu’il avait commencé à créer avec Return to Forever. S’ensuit l’album Chick Correa Akoustic Band en 1989 avec le même batteur et bassiste que dans l’Elektric Band. On le voit alors revenie tranquillement à un jazz lus traditionnel dans la formation de ses ensembles et le son de ses albums sans jamais vraiment oublier son style.

Il participe à des dizaines de projets musicaux en plus des siens, notons entre autres les collaborations avec le vibraphoniste Gary Burton, le pianiste Herbie Hancock et le chanteur Bobby Mcferrin. Le 9 février 2021, le pianiste s’éteint, attaqué d’un cancer violent détecté tardivement. Une belle carrière aux multiples couleurs, aux multiples collaborations et aux multiples récompenses (il recevra 23 Grammys au total), Chick Corea ne cessa jamais d’impressionner, d’innover et surtout de jouer.

Dans le but de vous faire connaître le musicien et de vous inciter à écouter un peu de jazz, j’ai sélectionné cinq albums de sa discographie qui m’ont particulièrement marqué. Certains très connus, d’autres moins, j’ai essayé de trouver de la musique éclectique et variée qui sauront, je l’espère, plaire au plus grand nombre. Voici donc le pianiste Chick Corea.

Now He Sings, Now He Sobs (1968)

Afin que vous puissiez écouter un musicien en évolution, j’ai décidé de construire ma liste en ordre chronologique. Ainsi, si l’envie vous prend, vous pourrez écouter Chick Corea à différents moments de sa carrière. Je choisis de commencer par son deuxième album : Now He Sings, Now He Sobs. Sans le cacher, il faut dire que pour un non-initié, cet album peut paraître quelque peu ardu par moments, mais il en vaut complètement la peine. En trio avec Roy Haynes à la batterie et Miroslav Vitouš à la contrebasse, Chick est encore dans une volonté de découvrir, de rechercher et de se prouver. Je recommande la réédition de 2002 en CD dans laquelle sont ajoutés plusieurs enregistrements supplémentaires. Dans ces compositions presque toutes originales, le pianiste enchaîne les solos ininterrompus et les longs échanges musicaux avec ses collègues en reprenant un rythme de batterie ou une ligne de contrebasse. Malgré un jazz très moderne aux couleurs et aux rythmes libres et déjantées, on retrouve du post-bop très présent autant que du latin dans Bossa et un peu dans Samba Mantra de même que de l’exploration sonore dans The Law of Falling And Catching Up qui s’apparente au free jazz. Un musicien jeune et imaginatif, particulièrement inspiré et inspirant.

Crystal Silence (1972)

Collaboration mémorable qui deviendra représentative de la carrière des deux artistes, cet album de duo fait collaborer Chick Corea avec le vibraphoniste Gary Burton sur huit pièces dont cinq compositions originales. Un choix de pièces au tempo plutôt lent permet aux deux musiciens de développer des idées musicales sans se presser. Burton se mêle parfaitement au style latin de Corea pour allier swing et inspirations sud-américaines ou espagnoles. Toujours dans la découverte, les solos s’entremêlent, se juxtaposent et s’échangent du vocabulaire dans cet environnement souvent calme et facile d’écoute.  Le duo se retrouvera pour offrir de nouveaux albums et concerts. Un jazz relaxant et magnifique, une collaboration à écouter lors d’une soirée froide ou pour le plaisir de s’immerger dans leur univers musical.

Light As A Feather (1973)

Deuxième album de la formation Return to Forever créée par Chick un an plus tôt, l’album ne se fit pas attendre et reçut une réception aussi encourageante que la première. Sans doute la porte d’entrée pour plusieurs au jazz fusion et à la musique de Chick Corea, l’album et le groupe sont devenus mythiques. J’aurais pu parler du premier album du groupe (que je recommande évidemment), mais ce second, même s’il parait seulement un an plus tard, me semble encore plus accompli, comme la suite logique au premier. La formation de Chick Corea au piano électrique, Flora Plurim au chant, Airto Moreira aux percussions latines et à la batterie, Stanley Clarke à la basse et Joe Farell à la flute traversière et aux saxophones reprend le son sud-américain mêlé au fusion débuté dans le premier album et l’emmène vers des couleurs encore plus rock, annonçant la suite des travaux du pianiste. Des thèmes dansants aux harmonisations plus poussées par l’incorporation de la chanteuse qui se fait beaucoup plus présente transforme l’album en une véritable fête. De cet œuvre sortent des classiques comme Spain, You’re Everything ou Light as a Feather. Encore une fois je vous recommande la version 2 CD de 1998 dans laquelle vous aurez les enregistrements alternatifs ainsi que de nouvelles pièces que vous reconnaitrez peut-être de Crystal Silence.

The Chick Corea Elektric Band (1986)

Nouvelle formation, nouveau son, ce groupe nous projette dans une musique complètement différente: le jazz-rock. Il est formé de Scott Henderson et Carlos Rios à la guitare électrique, Chick Corea sur différents claviers ainsi que sur son Keytar caractéristique, John Patitucci à la basse électrique et Dave Weckl à la batterie. Les deux derniers étant aussi les membres d’un prochain trio, le Chick Corea Akoustic Band. Avec des ambiances à la croisée entre le pop-funk des années 1980 et le rock progressif, leur jazz-rock est reconnaissable entre autres par le jeu de Weckl, une batterie puissante et omniprésente sur toutes les pistes en plus d’une basse solide et créative. Dans son genre, cet album a tout pour lui. Il représente à merveille le jazz rock et aucune pièce ne mérite d’être ignorée, mais il me faut parler de Got a Match? Probablement la pièce la plus connue et appréciée de l’album et même du groupe, elle est plus proche de la tradition ce qui offrait sans doute du repos aux oreilles des puristes. Elle reste néanmoins une pièce dansante, au solo déjanté du Keytar et une performance incroyable de Patitucci. Si l’album et la pièce en question vous plait, je vous recommande vivement le concert enregistré au Festival International de Jazz de Bern la même année (1986) pour encore plus de plaisir avec des versions de 15 minutes et plus!

Further Exploration (2012)

Je termine avec un album plus récent qui m’a vraiment fait découvrir un nouveau Chick Corea. Enregistré devant un public au Blue Note en 2010, l’album se veut un hommage musical à un grand, si ce n’est le plus grand, pianiste de l’histoire: Bill Evans. Qui de mieux pour accompagner Chick que les deux membres des trios originaux d’Evans: Eddy Gomez à la contrebasse et Paul Mortian à la batterie. En plus de revisiter le répertoire, chaque musicien contribue avec du matériel personnel. On entend entre autres une autre composition originale de Chick Corea intitulée Bill Evans ainsi qu’une pièce d’Evans encore jamais jouée devant public: Son No.1. Le génie de Chick derrière l’album est de réussir à rendre hommage sans simplement imiter le pianiste. Il crée collaborativement à la manière du génie d’Evans tout en conservant son originalité. donnant une toute autre touche aux pièces. Si vous conaissez la musique d’Evans, vous serez en terrain connu en entendant les échanges et entremêlements des improvisateurs, sinon, vous en serez tout autant émerveillés. Un véritable tour de force et un magnifique honneur rendu à Bill Evans.

C’était donc cinq albums du regretté pianiste Chick Corea. En espérant vous avoir fait découvrir un pianiste ou même un style si le jazz n’était pas votre tasse de thé. Je vous souhaite évidemment d’avoir apprécié. Si c’est le cas, jetez un coup d’œil à ses albums Trilogy ou encore à sa collaboration avec Bobby Mcferrin, ça vaut toujours la peine. Dans tous les cas, il est certain que cet old cat ne sera pas oublié et sa musique, jouée encore longtemps. 

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