Note: Les opinions exprimées n’engagent que l’auteur-e du texte et ne réflètent pas la vision du journal étudiant « L’Exilé ».
Le 20 janvier 2021 à midi eut lieu l’intronisation du 46e président des États-Unis, mettant un terme par la même occasion au règne ici critiqué, là-bas sanctifié, de Donald Trump. Ce dernier, durant les quatre années de son mandat, n’aura pris en rien considération de l’urgence climatique dans l’élaboration de ses réformes aux objectifs d’enrichissement des biens nantis au détriment du peu dont pouvaient encore bénéficier les précaires.
Le nouveau chef d’État, lors de sa campagne électorale, semblait davantage préoccupé par la pandémie frappant de plein fouet le pays que par la question environnementale. Cependant, le peu d’intérêt dont il fit tout de même preuve à l’endroit de l’enjeu laissa présager un avenir meilleur – du moins à court terme – par rapport à ce que proposait son prédécesseur. En effet, Trump, qui retira le pays de l’Accord de Paris sur le climat semblait plutôt considérer la question environnementale comme un mensonge orchestré contre l’intérêt pécuniaire.
L’issue des élections à présent scellée ainsi que les poussières retombées depuis l’assaut lancé sur le plus haut lieu de la démocratie de la première puissance économique mondiale, le présent dirigeant dans ses fonctions semble animé par une conscience environnementale allant au-delà de tout ce que nous aurions pu espérer.
La réadhésion des États-Unis à l’Accord de Paris et le rejet du projet relatif au développement du secteur pétrolier de Keystone XL, voilà les deux gestes politiques posés bénéficiant à terme, et si la tendance se maintient, au rayonnement du pays internationalement certes, mais supposément aussi à l’humanité tout entière faisant face à une crise climatique sans précédent. D’autant plus qu’il est entendu que la puissance états-unienne sur les échiquiers politique et économique mondiaux ne peut être exclue dans l’élaboration d’un plan viable de transition vers un mode de vie durable.
Des changements longtemps espérés par un pan de la population décriant le statu quo entretenu par les instances politiques concernant l’urgence climatique furent évidemment reçus par ceux-ci comme un grand soulagement. Sans mentionner les quatre années qu’ils passèrent à grincer des dents à la moindre décision présidentielle.
Moi-même, bien que n’étant pas citoyen états-unien, je vis dans l’actualité de la semaine du 21 et du 22 janvier une lueur d’espoir pour les générations humaines présentes et à venir. Je me souviens le comble que fut pour ma personne de voir le projet d’oléoduc Keystone XL supposé relier l’Alberta au Texas avorter par la seule décision de Washington, désarçonnant ainsi Ottawa, laissant le prêcheur des sables bitumineux au désarroi.
Quelques jours passèrent tout comme les réflexions sur les évènements germèrent, murirent et me menèrent à remettre en question la foi en la longévité réelle de ce virage porteur de progrès emprunté par le représentant du pouvoir exécutif aux États-Unis.
Voici la conclusion que je pus tirer:
Tout d’abord, il est impératif de s’armer de réserve, voire de méfiance à l’égard du personnage qu’est Joe Biden qui, à cet instant, peut bien rayonner dans l’œil de l’activiste longtemps resté bredouille. Rappelons-nous que ce dernier fut élu substantiellement par la frange démocrate progressiste à laquelle il devait bien une dédicace, un hommage une fois arrivé au pouvoir. Or, le quasi octogénaire est aussi le tenant d’un discours d’unité nationale nécessitant de nombreux compromis de sa part pouvant faire à l’occasion reculer les avancées en matière sociale tout comme environnementale.
Ensuite, il est aussi intéressant de mentionner que sur la quarantaine de décisions exécutives qu’il aura déjà prises en date du 26 janvier, soit après six jours passés dans ses nouvelles fonctions, seules les deux précédemment mentionnées (la réadhésion à l’Accord de Paris et l’arrêt du projet Keystone XL) ont une visée environnementale, mais nous y reviendrons. En comparaison, une dizaine de décisions exécutives furent elles, décrétées unique pour la lutte contre la pandémie. Il faut admettre que la situation actuelle en lien avec la propagation du virus est critique aux États-Unis, et qu’en conséquence, une part substantielle des ressources étatiques doivent y être allouées. Or, une fois cette première crise traversée qu’en sera-t-il de la seconde, environnementale celle-là? Méritera-t-elle le même traitement, la même attention, les mêmes moyens déployés?
Inutile de se surprendre si les belles paroles actuelles digressent en une prise en charge minimaliste et même insuffisante à la résolution de la grande problématique de notre époque (la crise environnementale). Pour cette raison, la lutte et la mobilisation en faveur d’un changement de paradigme écologique appartiennent encore à l’avenir.
Par changement de paradigme, je ne suggère pas la prise de quelques mesures plus ou moins concrètes pour pallier la situation sans oser altérer les assises du système sacro-saint d’infinie croissance économique elle-même reposant sur une impossible et infinie croissance de notre consommation énergétique. Une réelle refonte de nos perceptions sur l’environnement et ses fonctionnements doit s’effectuer.
La Terre ne recèle que d’une quantité fixe de matière en continuelle transformation vers son état d’origine comme le pétrole qui, une fois consumé et devenu CO2, reprendra sa place dans la lithosphère. Or, le rythme auquel s’effectue ce cycle est incomparablement inférieur à celui auquel l’humain puise la ressource pour la brûler au moment où j’écris. La pénurie nous guette donc, et le seul moyen envisageable pour éviter de la subir sous forme d’une crise majeure reste la décroissance volontaire de notre consommation énergétique générale et intrinsèquement de nos niveaux de vie.
Plus que jamais, il importe que les engagements signés aujourd’hui au bureau ovale soient respectés mordicus et même renforcés si les circonstances l’exigent, je le conçois. Seulement, la construction d’un oléoduc avortée ainsi que la réadhésion, peut-être purement symbolique et diplomatique, à l’Accord de Paris n’endiguera en rien les 61% d’électricité toujours produite grâce aux énergies fossiles aux États-Unis. Écran de fumée ou pas, les mesures n’ont rien à voir avec les réels changements nécessaires.
L’action citoyenne ne doit donc pas prendre de répit même en cette période qui peut sembler en être une de récolte où l’on commence à entrevoir le résultat de notre mobilisation. Elle doit au contraire s’intensifier afin de freiner les figures dirigeantes et autres groupes ayant intérêt à ce que persiste l’usage de combustibles fossiles pourtant amoral.
En terminant, ne devrait-il pas revenir à la population de faire preuve d’audace lorsqu’elle fait part à son dirigeant de ses aspirations quant à la direction qu’elle souhaite voir sa nation emprunter? Je suis bien conscient de ne pas être étatsuniens et sans doute que vous, mes lecteurs, ne l’êtes pas non plus, mais en plus de notre proximité géographique, le pays qui borde au sud du nôtre impose son influence quasi hégémonique sur l’ensemble du globe. En conséquence, il serait mensonger d’affirmer qu’en vertu d’un soi-disant principe de souveraineté des états, nous ne serions pas, en tant que Canadiens ou Québécois, concernés par les décisions prises par Washington. Faisons pression sur nos autorités directes et continuons à dénoncer les projets d’exploration au Québec ou d’exploitation et d’exportation d’hydrocarbures dans l’Ouest. Cependant, permettons-nous de projeter notre discours et nos requêtes outre les frontières. La crise climatique prend sa source aux quatre coins du monde, ses effets délétères ont la même portée et sa résolution nécessitera sans doute une mobilisation d’un ordre similaire. Demandons plus, appelons à l’abolition du paradigme de croissance infinie, exigeons la mise en place d’un mode de vie carboneutre dans la société de consommation et de production effrénée qui nous entoure. Une fois que les résultats de la lutte arriveront, même si face à nos propositions initiales ils ne représentent qu’une fraction, ce sera là déjà un réel accomplissement.