Au cours des quinze dernières années, nous avons pu assister à une résurgence de mouvements populistes dans les démocraties de l’Occident et ce à un rythme soutenu donnant l’impression d’un effet boule de neige. Le phénomène a pris beaucoup d’importance en Europe et en Amérique latine où des politiciens et partis tels que Victor Orban en Hongrie et Marine Le Pen en France, pour ne nommer que ceux-là, portent un message anti-globaliste et anti-élites qui rejoint une plus grande partie de la population d’élection en élection. L’exemple récent le plus marquant de ce phénomène mondial est bien sûr le mouvement Make America Great Again (« Rendons à l’Amérique sa grandeur »), mené par nul autre que le controversé Donald J. Trump. Sa récente défaite aux élections américaines peut paraître comme un refus du populisme « trumpiste » qui en rebute plus d’un, mais cette conclusion est peut-être hâtive et risquée.
Le phénomène Trump
En 2016, Trump perd le vote populaire contre Hillary Clinton 62.9 à 65.8 millions de votes. Cette année, avec un record historique de participation électorale atteignant 153 610 732 de voix, soit 67% des citoyens aptes à voter, 73 786 905 de ces scrutins furent remplis en faveur du Président sortant. Il est difficile de considérer l’échec de Trump à renouveler son mandat comme une totale défaite de sa marque de populisme, car ce sont 10.8 millions d’électeurs de plus qu’il a réussi à rallier, comparé à sa performance de 2016 qui lui avait alors coûté le vote populaire.
La victoire de la présidentielle par le démocrate Joe Biden n’était pas censée être aussi mince qu’elle l’a été, on s’attendait plutôt à une vague « bleue » (couleur du parti démocrate) censée renverser la majorité républicaine au Sénat et creuser l’écart dans la chambre des représentants. À la lumière de cette victoire mitigée, le risque qu’encourt le mouvement progressif de gauche, incarné par le Parti Démocrate, est d’ignorer les problèmes qui inquiètent la moitié de l’électorat, ayant voté pour un populiste conservateur assumé, et de ne pas se remettre en question en prévision de la prochaine élection. Car avec l’engouement et l’enthousiasme qu’a réussi à soulever Trump chez ses partisans, ceux-ci ne se démobiliseront pas de sitôt et risquent de revenir en force en 2024, que le milliardaire se représente ou non.
Le populisme et son antidote en bref
Les problèmes portés (ou utilisés, dépendant de la façon de voir les choses) par les populistes à travers le monde sont souvent le scepticisme envers la mondialisation économique, la sécurité des frontières, l’élitisme politique ainsi que le fardeau fiscal pesant sur la classe moyenne. Bien que le mouvement populiste est beaucoup plus complexe et nuancé que le laisse entendre cette courte énumération de thèmes communs, il s’agit d’une idéologie ni précise ni profonde dont peut porter le chapeau tant la droite que la gauche. Aux États-Unis en l’occurrence, le mouvement populiste s’incarne à droite chez les républicains de Trump et à gauche chez les démocrates supportant Bernie Sanders.
Afin de freiner les gains du populisme dans l’électorat, les politiciens devront se pencher sur certaines inquiétudes exprimées, en partie justifiées, comme les inégalités économiques et sociales chez le populisme de gauche par exemple. Le populisme ne date pas d’hier dans la politique moderne, il a toujours fait partie, à différents degrés, des sociétés démocratiques. Il n’y a donc pas de recette miracle pour contrer la menace populiste dans nos démocraties, mais d’ignorer celle-ci en espérant qu’elle disparaisse d’elle-même ou tenter de discréditer ses chefs et partisans ne fait que jeter de l’huile sur le feu et de convaincre de plus en plus de citoyens, que la classe dirigeant les méprisent.
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