Les jeunes et l’information

Aujourd’hui, nous pouvons accéder à de l’information au bout de nos doigts, en temps réel. Il n’y a plus seulement la radio, les journaux et la télévision pour nous informer. De nouveaux usages sont apparus. Grand angle sur comment les jeunes s’informent et comment les médias font pour attirer ce public. 

Mise en contexte 

Tout d’abord, les habitudes d’information des jeunes sont différentes de celles de leurs parents. Ils s’informent généralement moins qu’eux et sont habitués aux contenus gratuits. Contenus proposés par différents médias sur internet au lieu d’abonnements payants à un journal papier par exemple malgré l’existence d’abonnements numériques. De plus, les réseaux sociaux ont considérablement changé la donne puisque plusieurs y trouvent leurs informations sur ceux-ci. Alors comment attirer un public, un lectorat plus jeune vers les médias québécois?  

Du côté des médias   

Fondé en 2003 et à l’origine un magazine, Urbania est aujourd’hui présent sur plusieurs plateformes en plus d’être une maison de production (celle-ci produisant par exemple l’émission C’est juste de la TV diffusée sur ICI ARTV ou jusqu’à tout récemment Zone Franche sur les ondes de Télé-Québec) ainsi qu’une agence de contenu. Son auditoire est majoritairement composé de jeunes adultes âgés entre 18 et 35 ans.  Joint au téléphone, son président et fondateur Philippe Lamarre explique que la mission d’Urbania est de faire du « divertissement intelligent », de « rendre l’ordinaire extraordinaire », telle est la devise du média; de raconter des histoires d’une manière différente et de créer du contenu sur mesure. Pour cela, le média peut compter sur un grand nombre de journalistes et de collaborateurs comme le journaliste Hugo Meunier qui a notamment travaillé à La Presse ou par exemple, Catherine Fournier, députée de la circonscription de Marie-Victorin qui publie à l’occasion des textes sur Urbania. Des textes qui ont fait l’actualité ont également été publiés sur le site internet du média. Par exemple en juillet dernier, un texte de Geneviève Morin, ancienne amoureuse de l’humoriste Julien Lacroix a été publié par Urbania quelques jours après la publication de l’article d’Améli Pineda (Le Devoir) concernant des allégations d’agressions et d’inconduites sexuelles le concernant. Ou encore, le 19 décembre 2019, un témoignage de l’ex-présentatrice météo de l’émission matinale du réseau TVA (Salut Bonjour) Joanie Gonthier concernant ses troubles alimentaires et son anxiété au moment où elle était à l’antenne. Finalement en 2018, l’actrice Anick Lemay a publié des chroniques qui ont été réunies dans un livre « Le gouffre lumineux » (publié chez Urbania) où elle raconte, au fil des textes, son combat contre le cancer du sein. Urbania s’associe également à des marques en tant qu’agence de contenu afin de proposer du contenu commandité. En ayant un modèle d’affaires différent de celui d’autres médias, Urbania tire son épingle du jeu en attirant selon, des données provenant de Vividata datant du mois de janvier dernier, 765 000 lecteurs mensuels via plusieurs plateformes. Par ailleurs, Urbania vient de lancer officiellement son cousin français Urbania France. Est-ce que d’autres expansions sont possibles?  

Du côté d’un autre média cette fois-ci public, l’objectif est de rejoindre un public jeune qui ne regarde pas nécessairement les nouvelles et qui consomme davantage l’information sur les réseaux sociaux tel que Facebook ou Instagram.  Lancé en 2017 par Radio-Canada, Rad a pour objectif de rejoindre ce public et de faire  de l’information d’une manière différente tout en relevant du service de l’information du diffuseur public et en se soumettant aux Normes et Pratiques Journalistiques (NPJ) de celui-ci. Julien Lamoureux, journaliste à Rad, explique que le concept est d’utiliser un ton dit «Radio-canadien» tout en utilisant une façon différente de transmettre l’information. Même si on s’adresse à un public plus jeune, il ne faut pas non plus infantiliser selon lui ; d’autant plus qu’un public plus large peut être atteint. Un ton relax peut être utilisé, moins informel que Le Téléjournal peut être utilisé mais en faisant du bon contenu. La liberté du web permet un peu plus de flexibilité au niveau des formats, des sujets abordés. Par exemple, un format nommé  Le Bunker était proposé et faisait un résumé de l’actualité hebdomadaire. Il a été arrêté puisqu’il était impossible de tout couvrir et que l’actualité pouvait changer rapidement entre l’enregistrement de la capsule et sa mise en ligne.  

Au départ, la base de Rad était ses dossiers composés d’articles et de vidéos sur des sujets précis comme la francophonie ou la décroissance. L’objectif de Rad pour 2020 prévu bien avant la situation actuelle, est de parler de plus en plus de l’actualité en général tout en gardant les dossiers. Cet objectif est réalisé via des reportages. Le programme électoral de Rad proposé lors des dernières élections fédérales de 2019 et qui était composé de 25 contenus a remporté deux prix gémeaux. Finalement, ce qui distingue Rad du téléjournal par exemple ou autres médias est qu’il fait du «journalisme collaboratif». Une application mobile a été officiellement lancée récemment en ce sens et permet à ses utilisateurs de répondre à des questionnaires. Par exemple, sur leur connaissance d’un sujet, ou leur avis et leur niveau d’intérêt sur un autre sujet pour un futur dossier. En résumé, le diffuseur public rejoint via son «laboratoire journalistique» qui est le terme employé pour décrire Rad en proposant à un autre public du contenu d’information adapté. Des contenus courts avec une invitation à aller plus loin via des stories sont proposés sur Instagram, des vidéos sont disponibles sur Facebook et YouTube puis finalement, des textes sont disponibles sur le site internet de Rad. En résumé, le diffuseur public utilise sa marque et son service de l’information pour tenter de nouveaux formats et pour attirer un public qui ne va pas nécessairement vers lui en premier pour s’informer. D’où le terme de «Laboratoire».  

Un cours d’éducation aux médias nécessaire face à la désinformation et aux réseaux sociaux ?    

Comme évoqué plus haut, l’information est de plus en plus consommée sur les réseaux sociaux, comme Facebook spécialement par les jeunes. Par ailleurs, ceux-ci plus précisément, la tranche d’âge des 18-34 ans font moins confiance aux médias traditionnels que les autres tranches d’âges, sont plus critiques envers le travail des journalistes et font plus confiance aux réseaux sociaux que les autres tranches d’âges d’après, une enquête menée par le CEM en collaboration avec CROP en octobre 2019 et dont les résultats ont été publiés au mois de mars dernier. Alors comment les attirer et leur redonner confiance en les médias ? Selon Patrick White, professeur de journalisme à l’école des médias de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) : « Les médias vont devoir se réinventer ». Selon lui, les médias font face à de gros défis, spécialement dans le contexte actuel. Il croit aussi que « ça prend une conversation entre les lecteurs, les téléspectateurs et les auditeurs ». Par ailleurs chez Rad, les journalistes répondent directement via leur compte personnel lorsqu’une question à propos de leurs reportages est posée ou lorsqu’une critique est émise. Cela renforce le dialogue entre l’auditoire et les journalistes.  Pour cette conversation et pour contrer la désinformation qui peut circuler sur les réseaux sociaux notamment, est-ce qu’un cours d’éducation civique aux médias serait une bonne idée? La réponse :  Patrick White ainsi que Philippe Lamarre sont de cet avis. Dans une entrevue donnée à l’émission Moteur de recherche le 18 août dernier diffusée sur ICI Radio-Canada Première, M. White affirmait : «Je crois beaucoup à la mise sur pied de cours obligatoires d’éducation civique aux médias dans les écoles primaires et secondaires pour mieux sensibiliser les jeunes au travail des journalistes et des médias. Je pense que c’est faire œuvre utile.» La fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) propose déjà un programme intitulé «30 secondes avant d’y croire» afin de combattre la désinformation via des journalistes. Est-ce que le ministère de l’Éducation devrait prendre l’idée en compte?  

En conclusion, malgré l’état des médias au Québec, ceux-ci attirent de plus en plus de lecteurs, mais ont de moins en moins de revenus, revenus qui sont redirigés vers les Google et Facebook de ce monde. Et ce, en plus d’une crise de confiance envers les médias. Est-ce qu’il est possible de redonner confiance envers les médias aux jeunes tout en les attirant vers ceux-ci ? À suivre ! 

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